Récit de la chute de l’ancien président de la Catalogne.
On voit mal comment pourrait se relever Carles Puigdemont de l’affaire du smsgate. Ces messages privés interceptés par une journaliste de la chaîne Telecinco où l’ancien président reconnait que « la république catalane vit ses derniers jours. Le plan Moncloa (le siège du gouvernement espagnol NDLR) fonctionne. J’espère seulement que c’est vrai et que grâce à cela, tous sortiront de prison, sinon le ridicule sera historique. C’est fini, ils m’ont sacrifié ».
Le carlisme romantique et militant expliquera que rien n’est fini, et que Carles Puigdemont reste dans la course. L’ancien président explique que ces messages envoyés à son ancien ministre de la Santé Toni Comin n’étaient qu’un moment passager de faiblesse. Mais seul, sans majorité pour se faire investir président, acculé par la justice, il faudrait un miracle pour que Puigdemont renaisse de ses cendres. L’Histoire, souvent cruelle et ironique, a fait que Toni Comin soit sa pierre d’achoppement.
Mardi soir, après le fiasco parlementaire de sa non-investiture, Puigdemont devait se rendre à une conférence de nationalistes locaux dans la commune de Louvain, située à l’est de Bruxelles. Sonné par les événements de Barcelone, Puigdemont n’a pas trouvé la force de se rendre au meeting et a demandé à son ancien ministre de la Santé, lui aussi en exil, de le représenter. Après son discours à 21h05, Toni Comin s’est rassi à sa place et a lu sur son portable une série de messages envoyés par Puigdemont. C’est là qu’une journaliste de Telecinco, placée derrière lui, a filmé tous les messages sur son écran de téléphone de grande taille.
Socialiste, puis dissident, converti sur le tard à l’indépendantisme en devenant proche d’Oriol Junqueras, le chef d’ERC actuellement en prison, Comín a cependant fui en Belgique aux côtés de Puigdemont. Un parcours sinueux qui perdra le plus attentif des observateurs. A un point où l’on ne sait pas si « la fuite du SMSGATE » est une erreur de naïveté de Comín ou si au contraire son geste était intentionnel.
Depuis ce week-end, les indépendantistes de gauche (ERC) ont sonné l’hallali contre Puigdemont. La figure parlementaire Joan Tarda a envisagé dans le journal la Vanguardia samedi qu’un sacrifice de Puigdemont serait peut-être nécessaire. Mardi, le président du parlement, lui aussi ERC, empêcha le débat parlementaire permettant une investiture de Puigdemont, initiative immédiatement saluée par le chef du parti Oriol Junqueras, via un tweet depuis sa prison madrilène. Toni Comín a-t-il déclenché le dernier missile visant à faire exploser Puigdemont? On ne le saura probablement jamais.
Personnage trouble
Cependant Toni Comín est un personnage controversé. Député socialiste de 2003 à 2010, mais ne trouvant pas le parti assez indépendantiste, il se présenta en 2013 sur une liste dissidente avant de rejoindre la gauche indépendantiste de Junqueras. En sa qualité de candidat d’ouverture, il hérita du ministère de la Santé dans le gouvernement Puigdemont. Les personnels soignants gardent une mauvaise image de ce personnage autoritaire qui avait déclenché la polémique lors d’une conversation avec certains d’entre eux qui se plaignaient des conditions de travail (une conversation déjà enregistrée à son insu) et auxquels il avait répondu que le « patron de l’Hôpital, c’était lui ».
Après la déclaration d’indépendance, Toni Comín, avec les ministres de l’Éducation, de l’Agriculture, de la Culture, s’est exilé en Belgique avec Carles Puigdemont. Tous ces anciens ministres ont été élus députés aux élections du 21 décembre 2017 et ont démissionné de leur poste car ils ne pouvaient pas voter à distance pour l’investiture présidentielle. Tous, sauf Toni Comín, qui s’accroche à son siège.
#BonusTrack : le discours enflammé de Bruxelles.
Le 7 décembre, lors de la campagne électorale, Comín avait prononcé un discours contre l’Espagne particulièrement virulent dans le fond comme dans le forme. Extrait :