Le parlement catalan tente d’investir Carles Puigdemont président de Catalogne. L’Espagne essaie de l’empêcher et se retrouve sous tension maximale.
« Mardi pour le débat d’investiture ça va être un beau bordel au parlement » confie un député indépendantiste à Equinox. « Tout le monde va être dans l’expectative du retour de Puigdemont, il va y avoir une tension incroyable dans les couloirs du parlement mais il ne viendra pas » croit savoir ce parlementaire. La police espagnole est en tous cas sur les nerfs. Alors qu’ils n’ont logiquement pas les compétences en matière de sécurité, des fourgons remplis d’agents anti-emeutes stationnent depuis lundi au parc de la Ciutadella au centre duquel se trouve le parlement de Catalogne. Dans une séquence insolite filmée par hasard sur le téléphone de la journaliste d’Europa press, Maria Capdevila, l’on voit des agents de police espagnol, fouiller les égouts autour du parlement, une carte à la main. Traumatisée par les urnes qui leur sont passées sous le nez, le 1er octobre les autorités espagnoles ne veulent pas revivre le même cauchemar avec un Puigdemont sortant comme le diable de sa boite mardi prochain dans l’hémicycle.
🔴 Segon video d’agents de la Policia Nacional espanyola registrant el clavegueram del Parc de la Ciutadella, dies abans del ple d’investidura al #Parlament . No fos cas que @KRLS Puigdemont entri x aquí. Els agents diuen q estan fent la seva feina pic.twitter.com/Mm8q8qjGky
— Maria Capdevila (@capdevilamaria) 24 de enero de 2018
Pourtant dans les cercles de pouvoir catalan, tout le monde est unanime sur le peu de chances de voir Puigdemont fouler le sol espagnol dans les prochains jours. « Pourquoi revenir, pourquoi faire, ils le mettront en prison et ne le laisseront jamais sortir » s’émeut un assistant parlementaire séparatiste qui pense également que les Jordis et l’ancien vice-président Junqueras pourraient rester en prison préventive pendant des mois, jusqu’à leur procès.
Le pas de côté de Puigdemont
Notre député indépendantiste, omniprésent dans les négociations, se dit convaincu que le parlement investira Carles Puigdemont mardi prochain. Un député lira le programme de Carles Puigdemont en forçant le règlement du parlement. Mais Puigdemont, après son élection par ses pairs et avant une probable suspension du tribunal constitutionnel, devrait se retirer en expliquant qu’il lui est impossible d’exercer la présidence au motif que l’Espagne l’empêche physiquement de revenir. Une sortie en forme de haie d’honneur.
Si Puigdemont refuse son investiture avant la suspension par Madrid, le camp indépendantiste pourra alors proposer un candidat alternatif. Une candidate en l’occurrence. « Le nom d’Elsa Artadi est sur toutes les bouches » confie à Equinox une journaliste politique habituée des plateaux télés. Artadi, bras droit de Puigdemont, directrice de sa campagne, deviendrait alors avec l’aval de son mentor la première femme présidente de la Catalogne. Légalement, après le débat d’investiture et si Puigdemont n’accepte pas sa charge, un nouveau candidat peut être proposé dans les 24 heures. Pas si simple, nous indique un parlementaire proche de la gauche indépendantiste (ERC). Le parti d’Oriol Junqueras accepterait que la présidence revienne à un ami de Carles Puigdemont mais souhaite négocier le gouvernement et distribuer les places dans les ministères. « Pour cela, légalement nous avons deux mois » temporise un député ERC.
Pour autant, dans ce scénario qui reste encore à mettre en place concrètement, Carles Puigdemont ne sortirait pas des radars. Personne ne souhaite humilier l’ancien locataire du Palau de la Generalitat et tous s’accordent à le reconnaître comme une espèce de président d’honneur légitime à Bruxelles. Un super ambassadeur qui voyagerait, comme il l’a fait ces derniers jours au Danemark, pour répandre internationalement la bonne nouvelle indépendantiste. « Il reviendra dans quelques années quand le Partido Popular et Mariano Rajoy quitteront le pouvoir » tente de pronostiquer un influent rédacteur un chef contacté par Equinox.
La tension espagnole
La droite espagnole politique et médiatique est furieuse. La théâtralisation de Puigdemont sur la scène internationale exaspère les milieux conservateurs espagnols. Puigdemont est un attrape-caméras. Si mardi comme c’est très probable, le parlement vote l’investiture de Puigdemont, ça sera une humiliation pour Mariano Rajoy. Même si finalement l’homme de Bruxelles ne gouverne pas, le vote du parlement sera un échec pour l’État espagnol qui a tout fait pour l’empêcher.
En plus de menacer une éventuelle investiture de Puigdemont, le gouvernement espagnol menace carrément d’interdire le débat parlementaire. Du jamais vu dans l’histoire de l’Espagne, le gouvernement espagnol annonce la saisie du tribunal constitutionnel pour interdire le débat avant qu’il n’ai lieu. On ne peut pas débattre une investiture d’un fugitif plaide le bras droit de Mariano Rajoy.
La pression croissante se faire sentir, et le même air que celui du 1er octobre flotte sur Barcelone. Le ministre des Affaires étrangères espagnol a fait fermer en urgence et dans des conditions juridiques douteuses l’ambassade catalane à Bruxelles pour que le président du parlement catalan ne puisse pas s’y réunir hier avec Puigdemont. Du coup la représentation catalane ne sera pas rouverte jusqu’à nouvel ordre. Le ministre de l’Intérieur a renforcé les contrôles aux frontières et le gouvernement envoie des menaces à longueur de journée aux responsables politiques qui soutiennent l’investiture de Puigdemont. Un moment de panique du gouvernement espagnol qui pourrait se traduire mardi par de nouvelles scènes d’interventions policières rappelant celles du 1er octobre. La tentation de faire rentrer la police espagnole dans l’enceinte du parlement sera très forte. Carles Puigdemont, même réduit au statut de fantôme, continue à hanter la scène politique espagnole.