Un meeting virtuel de Puigdemont : une expérience surprenante

Un meeting pas comme les autres: Carles Puigdemont est intervenu mercredi dans sa ville à Gérone, mais en vidéoconférence depuis Bruxelles. Récit d’une expérience.

Gérone, ville porte d’entrée de la France, est probablement le lieu où Carles Puigdemont a le plus grand nombre de supporters. Ici, il est le président légitime de la Catalogne, mais aussi « monsieur le Maire », puisqu’il a dirigé la cité pendant 5 ans entre 2011 et 2016.

Puigdemont est né dans la province de Gérone, le territoire d’Espagne le plus hostile historiquement à la lignée royale bourbonienne. Le roi Felipe VI est persona non grata, alors que Carles Puigdemont est un personnage héroïque.

Émotions

Mercredi soir à Gérone s’est déroulé le meeting de Junts per Catalunya, avec Carles Puigdemont qui est intervenu en vidéoconférence depuis Bruxelles. Un moment singulier de cette campagne pas comme les autres. La réunion publique commence paradoxalement par une intervention virtuelle de Mariano Rajoy. Il y a uniquement sa voix qui reprend l’annonce officielle de la destitution du gouvernement de Catalogne et l’application de l’article 155 de la Constitution. Sur l’écran pas d’images. Uniquement des mots extraits du discours de Rajoy. La voix du président espagnol est vite couverte par les huées d’une foule très tendue.

Soudain, changement d’ambiance avec l’apparition de la photo de l’ancien ministre de l’Intérieur catalan Joaquim Forn, et du président de l’association indépendantiste ANC Jordi Sànchez, tous les deux sont encore emprisonnés à Madrid. Une musique plutôt douce est rapidement remplacée par un nouveau document sonore où l’on distingue les « Votarem » (« nous voterons » en français), ce slogan mythique qui précéda le scrutin référendaire du 1er octobre. Les « Votarem » s’arrêtent brusquement et l’on entend, toujours sans images, des cris. On imagine facilement les scènes de violence des personnes frappées par la police espagnole durant le référendum. Le son sans l’image rend le moment glaçant.

Euphorie

Les intervenants arrivent alors du fond de la salle pour se diriger vers le podium, acclamés pendant de longues minutes par la foule. Le plus applaudi est sans nul doute, Josep Rull. Cet ancien ministre de l’Aménagement du territoire raconte en détails à chaque meeting les conditions éprouvantes de ses semaines d’incarcération à Madrid. Plus classiquement, les orateurs s’enchaînent au pupitre: la maire de Gérone, la directrice de campagne Elsa Artadi et Josep Rull ovationné de nouveau pendant de longues minutes. Le moment attendu arrive, Elsa Artadi annonce un duplex depuis Bruxelles. Carles Puigdemont apparaît immédiatement sur un écran géant.

La foule est en extase et crie « President, President » pendant de longues minutes. Grâce à un retour vidéo, Carles Puigdemont peut voir le public et interagir avec lui. Aucun décalage technique. Comme dans un meeting classique, le candidat Puigdemont s’adresse à la foule et interpelle nominativement les invités qui sont assis au premier rang. Le président en exil énonce les éléments de campagne habituels: vote utile, résistance, Espagne franquiste. Vient le moment de dire au revoir et de nouveau la foule s’exclame « President, President ». Serein, Puigdemont continue d’interagir avec la foule en faisant des signes pour saluer ses supporters. Les orateurs remontent sur scène, se placent à droite et à gauche de l’écran, afin de laisser la place centrale au candidat, comme durant un meeting classique. La chorégraphie scénique est réussie.

Confidences

Après les discours, dans la salle, les militants sont émus d’avoir revu le président, d’autres sont tristes. Les « stars » de la soirée se mélangent naturellement aux spectateurs pour converser. L’épouse de Carles Puigdemont, Marcela Topor est présente. De noir vêtu, discrète et réservée, elle explique à Equinox qu’elle se rend dès qu’elle le peut à Bruxelles pour voir son mari. Elle doit cependant rentrer à Barcelone pour la scolarité des filles du couple. Marcela Topor a gardé son emploi de journaliste au sein du média Catalonia Today, ce qui l’oblige à une certaine régularité sur le sol catalan. Dans un français parfait, elle nous confie qu’elle continue la lutte politique aux côtés de son mari par « sens du devoir ». « Il est très occupé par la campagne, mais cependant il n’a aucun ami à Bruxelles », ajoute-t-elle, « Carles se sent seul, voir du monde dans les meetings lui donne de la force ». A la question va-t-elle passer Noël en famille à Bruxelles, elle nous répond « on verra ».  A la question Carles Puigdemont va-t-il rentrer dans les jours qui viennent en Catalogne, Marcela Topor répond également « on verra » .

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