Junqueras et les Jordis restent en prison, les autres ministres sortent

L’ancien vice-président Oriol Junqueras, les responsables d’associations indépendantistes « Les Jordis » et l’ex-ministre de l’intérieur
restent en prison. Le reste de l’ancien gouvernement catalan peut sortir de de prison moyennant le paiement d’une caution de 100.000 euros par personne.

Les huit anciens ministres catalans sont en détention provisoire depuis le 2 novembre et les « Jordis », ces deux responsables d’associations séparatistes depuis le 16 octobre dernier. Vendredi dernier, le juge Pablo Llarena du Tribunal suprême a auditionné les prisonniers qui demandent leur libération afin de pouvoir participer à la campagne électorale, laquelle commence officiellement ce soir à minuit. La plupart d’entre eux sont candidats. L’ancien vice-président Oriol Junqueras est en tête de sa propre liste de la gauche indépendantiste ERC. Jordi Sanchez, président de l’association séparatiste ANC, est numéro deux sur la liste concurrente de Carles Puigdemont.

Les responsables politiques sont en prison préventive dans le cadre de leur implication dans le référendum non autorisé du 1er octobre et de la déclaration d’indépendance du 27 octobre. La juge de l’Audience nationale Carmena Lamela avait ordonné leur placement en prison préventive en raison du risque de récidive, de fuite et de destruction de preuves.

Pour bénéficier de leur remise en liberté dans l’attente de leur jugement, les prévenus doivent faire amende honorable : Oriol Junqueras, les Jordis et l’ancien ministre de l’interieur Joaquin Form n’ont pas reconnu clairement qu’ils s’engageaient à ne plus sortir du cadre légal et constitutionnel lors de leurs actions politiques. Le juge considère donc qu’il y a un risque de récidive et maintien leur placement en détention provisoire.

L’ancien vice-président Junqueras n’a rien fait pour sortir de prison. Sans pouvoir confirmer cette hypothèse, il est probable qu’étant en tête dans les sondages face à la liste de l’ancien président Puigdemont, Oriol Junqueras pourrait avoir comme stratégie de rester emprisonné durant la campagne afin de conserver l’émotion parmi des électeurs indépendantistes. Par ailleurs, Carles Puigdemont qui se considère comme président légitime de la Catalogne, pourrait cibler son ancien vice-président comme un « traître » pour avoir formé une liste concurrente à la sienne. Enfin, pour être libéré, Oriol Junqueras devait reconnaître « à voix haute » qu’il accepte sa destitution et que la déclaration d’indépendance était simplement symbolique. Une position inconfortable devant l’électorat indépendantiste quand Carles Puigdemont profite de sa liberté en Belgique pour tenir des propos radicaux, en refusant de reconnaître sa suspension et revendiquant la déclaration d’indépendance et la naissance de la République Catalane.

Les anciens ministres qui sortent de prison sont en liberté conditionnelle. Ils pourront quitter leur établissement pénitentiaire une fois la somme de 100.000 euros par personne versée. Leurs passeports sont confisqués et ils ne peuvent pas quitter le territoire espagnol.

Ceux qui restent en prison

Jordi Sànchez

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Cet enseignant de sciences politiques âgé de 53 ans a consacré une large partie de sa vie à la cause indépendantiste. C’est lorsque Carme Forcadell a été investie présidente du parlement que Sànchez s’est retrouvé sous la lumière des projecteurs en prenant sa place à la tête de l’association indépendantiste ANC. Et ce sont ses actions à la tête de l’ANC qui l’ont conduit en prison. Le 4 octobre 2017, Jordi Sànchez est mis en examen pour délit de sédition par rapport aux événements du 20 septembre dernier durant l’opération Anubis. Ce jour-là, les agents espagnols de la Guardia Civil venaient perquisitionner les locaux du ministère de l’Economie catalan afin d’empêcher le référendum du 1er octobre. Sànchez est accusé d’avoir incité la foule à bloquer la sortie des policiers espagnols durant près de 24h.

Placé en détention provisoire depuis le 16 octobre dans la prison madrilène Soto del Real, son séjour carcéral a été mouvementé. Il a demandé un changement de cellule une première fois, car un voisin carcéral a hurlé «¡Viva España!». Refus de la direction de la prison. Il a fait une seconde demande de changement qui cette fois-ci a été acceptée par l’administration pénitentiaire. Jordi Sànchez était incommodé par son compagnon de cellule Rodolfo Cachero, un Asturien de 71 ans accusé de fraude fiscale, qui fumait cigarette sur cigarette. Le règlement de la prison prévoit des cellules non-fumeur. La troisième demande de changement vient cette fois-ci du prisonnier qui partageait sa cellule. Un Péruvien s’est plaint auprès de la direction de subir une « double peine »: vivre enfermé et en plus avec quelqu’un qui ne parle que de l’indépendance de la Catalogne. C’était trop pour ce détenu qui a demandé que l’on déménage Jordi Sànchez.

Le 20 novembre, l’indépendantiste a vécu une scène effrayante. Lors d’une messe, un prisonnier a sorti une arme artisanale (quatre lames de rasoirs scotchées sur un couteau en plastique) pour la planter dans le cou d’un autre détenu. Le tout à quelques mètres de Sànchez. Il s’agissait d’une tentative d’homicide au sein d’un gang dominicain. Le prisonnier blessé a fini à l’hôpital de La Paz madrilène. En dernier lieu, Jordi Sànchez a du passer en commission disciplinaire pour avoir caché du courrier dans sa cellule. Dans une tribune publiée dans le journal catalan Ara, il s’est également plein de l’inconfort de la prison où les nuits sont particulièrement glaciales. Politiquement, il est le numéro deux sur la liste Junts Per Catalunya de Carles Puigdemont.

Jordi Cuixart

Resultado de imagen de jordi cuixartJordi Cuixart est l’alter ego de Jordi Sànchez. A 42 ans, cet industriel est le président d’Òmnium Cultural, la seconde association indépendantiste, depuis décembre 2015. Il a été incarcéré avec Jordi Sànchez, pour les motifs similaires, à la même date et dans la même prison. En revanche, contrairement à Sanchez, Jordi Cuixart a été qualifié de prisonnier modèle au sein de Soto del Real. Très discret depuis son incarcération, il est l’un des rares prisonniers à ne pas être candidat lors des élections du 21 décembre.

 

Oriol Junqueras

Oriol JunquerasA 48 ans, le président du parti indépendantiste de gauche (ERC) a été l’un des principaux promoteurs du référendum du 1er octobre et de la déclaration d’indépendance depuis son poste de vice-président du gouvernement catalan. Oriol Junqueras est un indépendantiste patient et prudent. Ce professeur d’histoire, croyant a longtemps étudié les archives secrètes de l’Église catholique au sein même du Vatican. Depuis, il semble avoir gardé pendant longtemps le rythme tranquille, lent et paisible du Vatican. L’homme politique, devenu ministre de l’Économie et vice-président du gouvernement catalan, a dû faire le grand écart. Il fallait ne pas décevoir les bases de son parti ERC en menant un processus indépendantiste à un rythme infernal, tout en gardant sa prudence. Devant le très conservateur « Círculo de Economía » rempli de chefs d’entreprises, il réussit à se faire applaudir en se présentant comme un David Cameron catalan. La suite est connue.

C’est l’aile radicale de l’indépendantisme qui donna le « la ». Loi sur le référendum, texte de transition juridique, déclaration d’indépendance. La trinité séparatiste a conduit le catholique pratiquant Junqueras dans un purgatoire où jusqu’au dernier moment l’ancien vice-président tenta de garder une position qui ne le mette pas dans une situation de non-retour. Lors de toutes les réunions du Conseil des Ministres catalan, Junqueras ne s’exprimait jamais sur la question de la déclaration unilatérale d’indépendance. Dans la dernière ligne droite, il perd sa prudence, appuie à fond sur l’accélérateur pour emmener le train gouvernemental vers la frontière de l’état catalan indépendant. Depuis des années, Junqueras veut être président de la Catalogne. Il fait acte de candidature depuis la prison madrilène d’Estremera. Durant son incarcération, Junqueras fut le prisonnier le plus présent dans la presse écrite, en publiant tribunes, articles et même un poème.

Pour le début de la campagne, il a donné les pleins pouvoirs à son bras droit, la très indépendantiste Marta Rovira, qui a même été signalée par Junqueras pour le remplacer à la présidence de la Generalitat en cas d’empêchement. Le but de la campagne d’ERC va être de trouver le ton équilibré pour ne pas décevoir les électeurs indépendantistes, et réussir à former une coalition de gauche après les élections avec la branche locale de Podemos et éventuellement les socialistes. L’idée n’est pas de faire une union indépendantiste, mais plutôt un gouvernement de gauche plurielle. Jusqu’à présent, l’ancien vice-président est favori dans les sondages.

Joaquim Forn

Joaquim FornJoaquim Forn, 53 ans, était le ministre de l’Interieur du gouvernement de Puigdemont. Indépendantiste convaincu, le baptême médiatique pour Joaquin Forn se fera au moment des attentats de Barcelone: en direct sur TV3 il sépara les victimes espagnoles des catalanes. Cette déclaration lui vaudra une animosité permanente dans la presse madrilène et dans les partis unionistes.

Le deuxième clash majeur a eu lieu entre Joaquin Forn et son homologue espagnol, lorsque ce dernier a voulu prendre à quelques jours du référendum le contrôle des Mossos d’Esquadra afin de coordonner les opérations pour empêcher le vote. Martial, Forn est apparu à la télévision pour, dans une déclaration institutionnelle, affirmer qu’il empêcherait l’Espagne de prendre le contrôle de la police catalane. Du coup, les Mossos sont restés passifs le jour du référendum pour empêcher le scrutin et la police nationale espagnole et la Guardia Civil ont dû agir. Ce qui a valu une sanction au chef des Mossos, Josep Lluís Trapero, qui s’est vu confisqué son passeport avec interdiction de quitter le territoire espagnol et placé sous contrôle judiciaire.

Finalement, l’Espagne a activé le fameux article 155 de la Constitution et pris le contrôle des Mossos sans difficulté aucune, ce qui a accéléré l’impossibilité de rendre opérative la République catalane. Josep Lluís Trapero et le directeur des Mossos, le soi-disant kamikaze Pere Soler, ont été les premiers à accepter leur destitution par l’Etat espagnol. Le ministre déchu a dans un premier temps suivi Puigdemont dans son périple bruxellois, avant de revenir à Barcelone pour assister à son audience devant le tribunal. Un retour qui s’est fait dans la douleur pour Forn, qui a été accueilli à l’aéroport par les insultes d’une vingtaine d’unionistes radicaux.

Ceux qui sortent de prison

Raul Romeva

Raül Romeva i RuedaRaül Romeva, 46 ans, ancien député européen écologiste, est désigné en juillet 2015 tête de liste de la liste commune indépendantiste Junts pel Sí. Un an plus tard, il est nommé conseiller aux Affaires Extérieures par Carles Puigdemont. Un poste inédit dans l’histoire de la politique catalane. Le Tribunal Constitutionnel espagnol suspend d’ailleurs la création de ce ministère, restauré dès le lendemain par le président catalan en jouant sur le nom du poste.

Sa mission était de vendre le processus indépendantiste aux pays européens, particulièrement à la France et l’Allemagne. Une tâche qui s’est avérée ardue, autant sous la présidence d’Hollande que sous celle de Macron. L’Hexagone a été l’un des plus grands opposants à la cause indépendantiste. Même son de cloche dans l’Allemagne de Merkel.

Probablement une grande déception pour Raül Romeva, grand connaisseur de l’institution, que le Parlement européen n’ait jamais donné le moindre signe favorable envers le processus indépendantiste. Pire encore, alors que l’ancien président de la Catalogne Jordi Pujol était régulièrement invité d’honneur du Parlement pour donner des discours en français, en anglais, en allemand et en espagnol, depuis l’enclenchement de mouvement indépendantiste les présidents Artur Mas et Carles Puigdmont sont devenus des personae non gratae. Libéré de la prison de Estremera, Raül Romeva va faire campagne pour Oriol Junqueras étant lui-même candidat sur la liste d’ERC.

Jordi Turull

Jordi Turull i Negre Jordi Turull, 51 ans a joué un grand rôle ces deux dernières années. D’abord comme président du groupe parlementaire indépendantiste, ensuite comme porte-parole du gouvernement catalan. A ce poste, il a supervisé une grande partie de l’organisation logistique du référendum et a géré la diffusion de la polémique campagne publicitaire du référendum. Cette dernière, interdite par le gouvernement espagnol, a valu aux médias qui l’ont diffusé des descentes de police dans les rédactions. Fidèle parmi les fidèles de l’ancien président Carles Puigdemont, Jordi Turull va battre campagne sur la liste Junts Per Catalunya.

 

 

Josep Rull

Josep Rull i AndreuJosep Rull, 42 ans est un vieux routard de la politique. Il est indépendantiste depuis sa jeunesse, même à l’époque où c’était mal vu de l’être aime-t-il répéter. Ambitieux, il a voulu se présenter pour devenir président de la Catalogne. Il accompagna Puigdemont dans sa feuille de route au sein de son ministère de l’Aménagement du territoire. Volontairement provocateur, c’est le seul membre du gouvernement qui est revenu dans son bureau le lundi après sa destitution par l’exécutif espagnol. Il s’est fait prendre en photo en train de travailler comme si rien n’était. Coup de com, on apprendra par la suite qu’il venait chercher ses affaires et a pris une photo pour le buzz. Il a écrit une lettre publique pour raconter son expérience carcérale. Des moments sordides indescriptibles mais qui ont développé selon l’ancien ministre son sens de l’empathie. Candidat sur la liste de Puigdemont, Josep Rull va lui aussi faire campagne.

Carles Mundo

Carles MundóCarles Mundo, 40 ans était le ministre de la justice du gouvernement de Puigdemont. Discret par nature, Mundo ne fait pas beaucoup parler de lui. En revanche, son avocat s’est plaint des conditions lors du transfert de l’ancien ministre du tribunal vers la prison. Les menottes étaient volontairement trop serrées, ce qui aurait provoqué une lésion au poignet du prisonnier. Attaché les mains dans le dos, sans ceinture de sécurité pendant un trajet de quelques heures, les conditions de sécurité de l’ancien ministre n’auraient pas été respectées au dire de son avocat. Il aurait par ailleurs subi des moqueries de la part des agents de police, lui faisant des remarques désagréables et diffusant 16 fois de suite depuis leur téléphone portable l’hymne espagnol. Carles Mundo, cependant, n’a pas porté plainte pour ces faits supposés. L’ancien ministre est candidat avec Oriol Junqueras sur la liste de gauche ERC.

 

Meritxell Borras

Meritxell BorràsCette pharmacienne de 52 ans est la fille de Jacint Borras, un des fondateurs du parti d’Artur Mas, Convergencia. Elle a occupé sous la présidence de Puigdemont le ministère de la fonction publique. Selon des bruits qui ont circulé depuis la prison pour femmes d’Alcalá Meco dans la province de Madrid, Meritxell Borras aurait particulièrement mal supporté sa détention. Elle s’est par ailleurs foulé une cheville en faisant des exercices. Meritxell Borras est la seule ministre incarcérée qui ne se présente pas aux élections malgré la proposition de Carles Puigdemont.

 

 

 Dolors Bassa

Dolors BassaCette ancienne activiste de 58 ans a occupé le poste de ministre du travail. Fidèle au parti ERC, elle est candidate sur la liste d’Oriol Junqueras pour les élections du 21 décembre.

 

 

 

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