Tout plaquer pour venir vivre à Barcelone, beaucoup l’ont fait et d’autres en rêvent. Si quitter le ciel gris parisien pour le soleil et les plages barcelonaises était une évidence pour certains, d’autres finissent par être déçus de cette belle promesse.
« On hésitait entre New-York et Barcelone » nous raconte Isabelle Lamblin-Burguet, la quarantaine. Avec son mari et leurs deux filles, elle s’installe finalement dans la capitale catalane en juin 2016, pour être plus proche de la France. Elle n’a pas hésité à quitter son travail dans le marketing à Paris: « c’était un poste à responsabilités, mais je n’en pouvais plus ».
Des cas comme celui d’Isabelle, Anne-Laure Gandara en rencontre souvent puisqu’elle accompagne les Français en quête de reconversion professionnelle. Basée à Barcelone, cette coach explique que beaucoup d’expatriés s’installent à Barcelone pour « fuir la morosité et le stress », ou suite à une remise en question ou un événement marquant, comme un licenciement, la crise de la quarantaine ou encore un deuil. Elle ajoute qu’il y a également les Français qui ont envie « d’une expérience à l’étranger et de la qualité de vie de Barcelone ». La capitale catalane se démarque des autres villes dans le monde « pour son climat, la réputation chaleureuse de l’Espagne et sa proximité avec la France » indique Anne-Laure Gandara.
Après l’euphorie, le questionnement
Selon une étude du fonds d’investissement Atomico, Barcelone est la troisième ville européenne préférée des entrepreneurs pour fonder leur start-up. De fait, lorsqu’une mutation touche à sa fin, beaucoup décident de monter leur propre boîte à Barcelone pour s’y installer définitivement. Toutefois, la dynamique entrepreneuriale ne fait pas tout. Anne-Laure Gandara explique que les expatriés sont souvent très enthousiastes à leur arrivée, en étant face à un nouveau challenge et une nouvelle vie. Mais l’euphorie peut retomber. Après la découverte, certains Français finissent par s’interroger professionnellement et se demandent comment rebondir. “Ça dépend des personnes, ça peut venir au bout de quatre mois, deux ans ou neuf ans” développe Anne-Laure.
Après 8 ans de vie à Barcelone, Emily Deighton fait ses valises: « parce qu’avec un BAC+5, trilingue et presque 10 ans d’expérience j’en ai eu marre de ne pas travailler pour vivre mais pour survivre. Les loyers sont prohibitifs par rapport aux salaires qui sont misérables dans certaines fonctions. CDD + CDD + CDD quand tu as passé 30 ans c’est bon. ». Un point rejoint par Benjamin Fritz Muñoz. D’origine espagnole, le jeune Français décide de s’installer à Barcelone pour un retour aux sources. Il travaille quelques mois comme ingénieur support technique. Mais après la fermeture de la start-up qui l’employait, il se retrouve obligé de chercher un autre emploi, sans succès. « Les seules possibilités de travail étaient en centres d’appels. J’ai même pensé à faire un doctorat, mais il y a une seule candidature par an en Espagne et beaucoup de concurrence. » Le jeune trentenaire finit lui aussi par rentrer en France.
S’adapter à Barcelone n’est pas si aisé. Aurore Sauvageot y a vécu trois ans, avant de partir s’installer à Londres. “J’ai trouvé la ville pas mal en soi mais n’étant pas une grande fêtarde, je n’ai pas réussi à me faire à cette ambiance super festive. J’ai aussi eu beaucoup de mal à me faire aux touristes qui sont présents toute l’année. C’est très bien pour l’économie mais je reproche à certains le manque total de respect envers la population locale: incivilités, forte alcoolisation sur la voie publique, chants pendant la nuit dans les rues”. Se projeter à long terme à Barcelone était plutôt difficile pour Aurore car il manque quelque chose: « je n’ai pas eu l’impression que les autorités fassent en sorte de dynamiser la ville. Je pense que développer plus d’activités autour de la culture, de l’histoire et moins faire la promotion de la ville où l’on peut s’amuser serait intéressant ».
Changer de vie
Isabelle Lamblin-Burguet, elle, n’a pas de mal à envisager son futur à Barcelone. Après avoir créé son blog Famille Barcelone où elle partage ses bonnes adresses, l’ancienne marketeuse vient de lancer Barcelona Wink qui propose des itinéraires pour des visites en famille.
Et comme elle, d’autres Français se sentent épanouis à Barcelone. Apolline, 25 ans, vit dans la capitale catalane depuis janvier 2017: “mon copain Léon et moi en avions marre de notre routine à Dijon, où nous avons passé notre vie. Nous avions des horaires décalés et c’était pénible pour nous: je travaillais en tant que chargée de communication et lui chef pâtissier”. Le couple saisit une opportunité professionnelle pour s’installer à Barcelone. “Au niveau de la qualité de vie, si on se débrouille bien, la vie n’est pas chère, on profite des terrasses au soleil, les transports sont très accessibles et bien pensés. Et le luxe c’est d’aller se baigner en sortant du travail !”.
Apolline et Léon ne regrettent pas leur choix. “On se sent chez nous. Nous nous sommes fait de nouveaux amis, nous découvrons d’autres choses. La ville offre énormément de possibilités quant à la musique, la gastronomie, l’architecture. Pour moi partir c’est s’ouvrir aux autres et à ce qu’il se passe ailleurs que dans notre cocon, et Barcelone est une ville idéale pour ça” conclut la jeune femme.
Fin 2017, la tendance à l’expatriation se confirme. Selon le Quai d’Orsay, le nombre d’inscrits au registre des Français établis hors de France a augmenté de 4,16% entre 2015 et 2016 dans le monde entier, et de 5% en Catalogne.