Après l’audition de Carme Forcadell au Tribunal Suprême aujourd’hui, le procureur avait demandé son placement en détention provisoire sans caution. Finalement le juge a allégé le verdict.
Convoquée par le juge Pablo Llarena devant l’audience du Tribunal Suprême, Carme Forcadell a dû justifier son rôle de présidente du parlement catalan qui a transmis la motion débouchant sur la Déclaration Unilatérale d’indépendance de la Catalogne (DUI) le 27 octobre dernier. Devant le juge, la très indépendantiste Forcadell a baissé le ton pour éviter la prison ferme comme le demandait le parquet. Carme Forcadell passera la nuit en prison et sortira demain matin en versant une caution de 150 000 €.
Les déclarations ayant lieu a huit-clos, on ne sait pas exactement la nuance de la réponse de Forcadell au juge. Selon une source judiciaire présente lors de l’audition, Carme Forcadell aurait dit que la déclaration d’indépendance était purement symbolique et sans conséquence juridique. Une source contradictoire affirme que Forcadell aurait dit que la DUI était un acte politique, et non symbolique. Cette seconde version, plus langue de bois, permet à l’ancienne présidente ne pas assumer la DUI sans complètement la délégitimer.
Carme Forcadell a dirigé le parlement d’une main de fer durant la 11e législature. Rarement, la présidence d’une chambre parlementaire s’est déroulée d’une façon aussi clivante que sous son mandat. Elle a pris ses fonctions en concluant son discours d’investiture par un « Visca la Republica Catalana », un ton radical en harmonie avec le parcours de l’ancienne leader de l’association indépendantiste ANC.
Une indépendantiste acharnée
A la tête de ce mouvement, elle avait clamé en 2014 sur la place Catalunya de Barcelone cette formule devenue célèbre: « President posi las urnes – Président sortez les urnes ». Le président en question était Artur Mas et les urnes celles de la consultation populaire sur l’indépendance de la Catalogne. Pas chaud pour organiser une consultation illégale sur l’indépendance de la Catalogne, Artur Mas a finalement cédé aux injonctions de la puissante présidente de l’ANC le 9 novembre 2014. Une consultation populaire qui a valu à Artur Mas une amende de 6 millions d’euros et 9 années inéligibilité. Du haut de l’ANC, Forcadell a mis tout son poids pour qu’un an plus tard en 2015, les deux partis indépendantistes PdeCAT (droite) et ERC (gauche) s’unissent au sein de liste unique indépendantiste Junts Pel Si. Numéro deux de la liste, Forcadell s’est retrouvée propulsée présidente du parlement catalan. Son poste de leader de l’ANC a été repris par Jordi Sanchez, lui aussi incarcéré depuis 3 semaines pour rébellion et sédition.
La présidence de Forcadell est critiquée à voix haute par toute l’opposition (Ciutadans, Socialistes, Partido Popular et Podemos) qui se plaignent de voir leur droits parlementaires régulièrement bafoués. D’une manière chuchotée, les responsables indépendantistes admettent que Forcadell n’était peut-être pas la personne la plus adéquate pour présider le parlement.
Les sessions les plus chaotiques ont eu lieu les 5, 6 septembre et 27 octobre 2017. Respectivement l’adoption des lois encadrant le référendum, la transition juridique vers l’état catalan et la déclaration d’indépendance. Chaque séance a offert le même scénario : protestation de l’opposition qui estime que ses droits sont violés, les secrétaires fonctionnaires du parlement refusent de signer les textes présentés pour ne pas en subir les conséquences judiciaires, et les scrutins avec un hémicycle à moitié vide, les 53 parlementaires de l’opposition -sauf Podemos- refusant d’assister à un vote illégal.
Avec cette condamnation, Carme Forcadell devrait suivre sa stratégie de faire profil bas durant la campagne électorale du scrutin du 21 décembre. Le camp indépendantiste perd une nouvelle pièce de choix.
Par ailleurs, les membres du Bureau du parlement sont également visés par la justice et ont été entendus aujourd’hui après Carme Forcadell. Les députés Lluis Guinó (PdeCAT), Lluis Corominas (PdeCAT) , Anna Simó (ERC) et Ramona Barrufet (PdeCAT) sont également invités à verser une caution de 25 000 euros dans la semaine qui vient afin de ne pas être incarcérés.
Il semblerait que les membres du bureau aient suivi la même ligne que Forcadell en retirant la légitimité juridique de leur propre déclaration d’indépendance.