Derrière sa discrétion apparente se cache un politicien indépendantiste déterminé et acharné. Jordi Turull vient d’être incarcéré pour sédition par la justice espagnole.
Natif de Parets del Vallès, dans la province de Barcelone, Jordi Turull, 51 ans et avocat de formation, est devenu avec le temps un des plus fidèles bras droit de l’ancien président Carles Puigdemont.
Adolescent, il milite pour la branche jeune de Convergència Democràtica de Catalunya (CDC). A l’époque, ce parti règne sans partage sur la Catalogne. Dirigé par le président historique catalan, Jordi Pujol, CDC rassemble les catalanistes pas spécialement indépendantistes jusqu’aux séparatistes convaincus. C’est dans la première catégorie que se range le jeune Turull. Parcours politique classique, Jordi Turull devient conseiller municipal de sa ville natale mais renonce à se présenter au poste de maire pour se consacrer à la politique nationale. Le train est en marche.
Marié et père de deux filles, il doit son ascension politique au hasard d’une démission. En effet, ce supporter de l’équipe de football El Espanyol n’a jamais été le numéro 1. Après être devenu dirigeant local de CDC, il est élu député au Parlement de Catalogne en 2004, suite au départ de Josep Antoni Duran i Lleida. Ce dernier choisit de devenir porte-parole de son parti au Congrès des députés de Madrid.
Jordi Turull, ce faux calme, se fait alors connaître comme l’un des députés d’opposition les plus agressifs dans sa critique du gouvernement tripartite de gauche qui a ravi la Generalitat à CDC. Fonceur, il lance une polémique sur l’ « utilité douteuse » de nombreux rapports commandés par le gouvernement espagnol. Petit à petit, celui qui ne se faisait jamais remarquer acquiert une certaine notoriété.
Sa participation à deux commissions d’enquête parlementaire sur des questions politiquement sensibles : l’enquête sur l’incendie d’Horta de Sant Joan qui recherche les responsabilités dans la mort de cinq pompiers et la commission d’enquête sur l’affaire du Palau de la Musica lui attire la reconnaissance de CDC. Artur Mas devenu chef du parti, l’observe attentivement. En 2010, lorsque Mas accède à la présidence de la Generalitat, il le choisit comme porte-parole du groupe parlementaire. Jordi Turull devient alors un des membres du cercle restreint des personnes de confiance du nouveau président.
Ce passionné de randonnée jouera un rôle important de négociation avec les autres groupes politiques lors de sa législature. D’habitude modéré sur les questions d’indépendance, son positionnement politique évolue très rapidement vers le séparatisme au moment où cette idée recueille un soutien croissant dans la société catalane.
Un indépendantiste convaincu
Membre d’Omnium Cultural, l’association indépendantiste dont le président est aussi emprisonné, Jordi Turull se fait connaître du grand public lorsqu’il se rend au Congrès des députés à Madrid pour défendre le droit à l’autodétermination de la Catalogne.
Celui qui aime se perdre lentement dans le village de Josa de Cadi en Alt Urgell ou flâner dans des librairies va professionnellement mettre un coup d’accélérateur. Alors qu’il était considéré comme un homme au tempérament prudent, Jordi Turull apparaît plus intransigeant lorsqu’il est chargé de soutenir le processus indépendantiste. Sa vie politique est étroitement liée à l’évolution sociale du séparatisme.
Après avoir été nommé président du groupe parlementaire Junts Pel Si, la coalition politique indépendantiste catalane, il succède à Neus Munté après des tensions internes du parti aux fonctions de ministre à la présidence et porte-parole du gouvernement. Sa popularité au sein du parti se doit à ses qualités. Ses collègues parlent de lui comme un homme discret, efficace et fiable. En clair, Jordi Turull ne fait pas de bruit mais surtout pas d’ombre.