Ce vendredi à partir de midi sonne le glas de l’incertitude : soit l’indépendance est déclarée, soit des élections régionales sont convoquées.
Journée décisive dans le conflit entre Barcelone et Madrid. Le Sénat espagnol doit voter ce vendredi la suspension de l’autonomie catalane tandis que le parlement de Catalogne envisage de proclamer l’indépendance. La convocation d’élections régionales reste sur la table, malgré les retournements de situation permanents de la journée de jeudi.
Pour expliquer la tentative de convoquer des élections jeudi midi, un haut responsable de l’indépendantisme explique à Equinox que dans la nuit précédente, le président Puigdemont a été pris d’une crise de panique. Au cours d’une des réunions marathoniennes que le président anime chaque nuit depuis le début de semaine, les nerfs ont craqué. Une dispute a eu lieu entre le président et un important secteur de son propre parti le PdeCat. Le mouvement pro-business du Pdecat regroupé autour de l’ancien président Artur Mas, son bras droit David Madi, la coordinatrice du parti Marta Pascal et le ministre des entreprises Santi Vila ont fait monter la pression au cours de la nuit. Conjuguée aux pression du gouvernement de Madrid qui aurait dit au président que « s’il déclenchait l’indépendance, cela pourrait dégénérer dans les rues de Catalogne et que si il y avait des morts, ça resterait sur sa conscience. »
Un assistant de cette réunion a glissé à Equinox que « tout le gouvernement est composé d’indépendantistes de conviction. Cependant tous les ministres risquent des peines de prison et ils ont peur. On croyait tous que les Jordis auraient une caution et qu’en payant ils sortiraient au bout de quelques heures ».
Négociations avec Madrid
Déprimé, le président Puigdemont prit la décision au petit matin de convoquer des élections. Les relations avec Madrid n’ont jamais été rompues. En monnaie d’échange pour la reddition, Carles Puigdemont a demandé au gouvernement de Mariano Rajoy l’arrêt définitif de la mise en place de l’article 155 qui prévoit de suspendre les compétences de la Catalogne, l’amnistie judiciaire pour les organisateurs du référendum, la remise en liberté des Jordis, le départ des 10.000 policiers espagnols présents sur le sol catalan. A quoi Mariano Rajoy a répondu que lui voulait que Carles Puigdemont annonce officiellement qu’il n’avait jamais proclamé l’indépendance le 10 octobre, et qu’il affirme solennellement que le processus indépendantiste prenait fin définitivement. Malgré les tentatives de médiation de la part du parti socialiste et des nationalistes basques pour que chaque camp mette de l’eau dans son vin, les négociations n’ont pas abouti.
Face à l’annonce de la convocation d’élections, les militants politiques, les médias indépendantistes et les réseaux qui voulaient une journée historique sont devenus hystériques. La gauche républicaine, partenaire gouvernementale de Puigdemont, a vertement critiqué la convocation d’élections, la presse indépendantiste était larmoyante et des milliers de manifestants sont venus hurler « Puigdemont tu es un traite » plaça Jaume, devant le siège du gouvernement. Piqué au vif entre les critiques et la non envie de Madrid de céder, le président est reparti à la charge pour que l’indépendance soit votée vendredi midi au parlement. En conséquence, le ministre des entreprises Santi Vila a claqué la porte du gouvernement jeudi soir, au motif qu’il n’y avait plus de place pour le dialogue et qu’il ne pouvait pas assumer les décisions que le président allait prendre d’ici quelques heures, autrement dit la déclaration d’indépendance.
Majorité indépendantiste fragile
En conséquence, l’indépendance est-elle sûre d’être proclamée vendredi midi? La réponse est non car, selon une source parlementaire, l’indépendantisme n’a plus la majorité nécessaire pour faire approuver le vote. Selon cet assistant parlementaire, 6 députés du PdeCat refusent de voter la déclaration d’indépendance. Une autre source proche du groupe des députés se veut plus nuancée et estime que Lluis Corominas patron des députés du PdeCat et son homologue d’ERC Marta Rovira sont furieux contre ces 6 parlementaires. Selon un fin connaisseur parlementaire, « la majorité du groupe indépendantiste est d’accord avec ce constat et six personnes ne pourront pas ruiner des années de travail pour en arriver là. Ils seront obligés de voter en faveur, on ne leur laissera pas le choix ». Un proche du dossier se veut plus pessimiste, le PdeCat peut faire « des embrouilles procédurales au bureau du parlement pour que l’on ne puisse même pas proposer le texte d’indépendance en séance plénière pour le voter ».
L’indépendance est sur le fil du rasoir, les possibilités de la proclamation de l’indépendance sont d’une sur deux. En cas d’élections régionales, un ancien proche de Puigdemont confie à Equinox « quOriol Junqueras d’ERC va monter une nouvelle plateforme électorale extrêmement large avec un nouveau nom, en excluant les traîtres du PdeCat ». De son côté l’ancien ministre des entreprises Santi Vila pourrait créer son propre parti concurrent du PdeCat.
La convocation d’élections régionales permettrait à la Catalogne d’éviter la suspension d’autonomie qui sera votée ce vendredi à Madrid. Mais elle serait aussi vécue comme une grande trahison par les indépendantistes. A l’inverse, une déclaration d’indépendance serait très mal acceptée par Madrid, qui n’hésitera pas à appliquer une mise sous tutelle radicale de la Catalogne. Dans tous les cas, les heures sont comptées.