Indépendance – On démêle le vrai du faux

Devant le flux ininterrompu d’informations, souvent contradictoires, dans un contexte politique très confus, Equinox décode le vrai du faux de l’actualité catalane.



L’Espagne a déjà appliqué l’article 155 de la Constitution

Faux

Ce jeudi 19 octobre, le gouvernement de Mariano Rajoy a déclaré sa volonté de mettre en marche l’article 155 de la constitution. Cependant la mise en route véritable commencera dès samedi matin avec la tenue d’un conseil des ministres extraordinaire. C’est le Sénat qui prendra ensuite la main, avec une commission chargée d’étudier les mesures à prendre, et finalement, la chambre se réunira en séance pleinière le 30 ou le 31 octobre. Jusqu’à cette date, le gouvernement espagnol ne peut prendre aucune mesure. Jusqu’au 31 octobre, le président Puigdemont peut convoquer des élections en Catalogne, mettant fin à la mise en route du 155. Cependant le gouvernement espagnol à réussi, sans l’application du 155, à bloquer les comptes bancaires du gouvernement de Catalogne depuis le mois de septembre, officiellement pour empêcher l’organisation du référendum. Aujourd’hui les comptes sont toujours bloqués.

Avec l’article 155, le gouvernement espagnol aura les pleins pouvoirs en Catalogne

Faux

Il faut partir du postulat que l’article 155 de la constitution peut en théorie donner tous les pouvoirs au gouvernement central sur une autonomie. L’intégralité des compétences peut être transférée vers Madrid. Cependant cet article n’a jamais été appliqué en Espagne. On rentre donc dans un terrain inconnu. Le conseil des ministres de samedi donnera les premières indications sur les intentions du gouvernement. Si Mariano Rajoy possède la majorité absolue au Sénat (qui valide le 155), le premier ministre veut néanmoins un large soutien politique. Il a conclu un accord de principe avec les socialistes et les libéraux de Ciutadans. La gauche a déjà expliqué que l’application du 155 devrait être courte et légère.

A priori, le gouvernement devrait en premier lieu destituer le ministre catalan de l’intérieur pour prendre le contrôle des Mossos d’Esquadra. L’exécutif espagnol peut aussi effectuer des « frappes chirurgicales ». C’est-à dire destituer uniquement le chef de la police ou retirer les pouvoirs judiciaires aux Mossos. Le gouvernement craint des tensions dans la rue et n’a pas confiance dans les responsable de la police catalane. Ensuite l’État espagnol devrait démettre de ses fonctions le président Puigdemont et dissoudre le parlement catalan afin de convoquer de nouvelles élections régionales. Selon des sources proches de la place Sant Jaume, la Generalitat pourrait poursuivre ses activités d’une manière clandestine. Un plan qui est sur la table mais qui reste encore à détailler. La TV publique TV3 accusée de propagande pourrait aussi passé sous contrôle espagnole. Les socialistes ont annoncé ce matin même qu’ils avaient passé un accord à Mariano Rajoy pour des elections aient lieu en Catalogne en janvier.

Le 155 s’active facilement

Faux

Le chemin législatif pour enclencher le 155 peut vite devenir un « vietnam ». Terre inconnue, le 155 est truffée d’embûches. La Generalitat pourra tout au long de la procédure saisir le tribunal constitutionnel pour soulever tel ou tel point. Des actions qui pourront ralentir le processus. La commission sénatoriale examinant le 155 sera composée de l’ensemble des autonomies espagnoles.

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Si toutes sont contraires à l’indépendance de la Catalogne, des nuances sont à percevoir, notamment l’autonomie basque attachée au nationalisme régional. Les autonomies de Valence et des Baléares se sentent relativement proches de la Catalogne. Des positionnements qui pourraient compliquer la bonne marche des débats autour du 155. Parallèlement à ce qui se passe au Sénat de Madrid, à n’importe quel moment du cours de la procédure, le parlement catalan peut proclamer l’indépendance de la Catalogne sans que le 155 puisse faire effet.

Carles Puigdemont a proclamé l’indépendance

Faux

Dans une formule alambiquée, le président a proclamé l’indépendance pour la suspendre huit secondes plus tard. Dans tous les échanges épistolaires qu’il a entretenu avec Mariano Rajoy, Puigdemont a refusé de confirmer que l’indépendance était proclamée. L’enjeu est maintenant de lever cette suspension afin que la proclamation devienne effective. Le président a affirmé que le parlement voterait la levée de la suspension dès que l’État aura activé le 155, donc au plus tard fin octobre, début novembre. Des sources proches de la Generalitat indiquent que  la levée peut avoir lieu à n’importe quel moment à partir de ce week-end.



Le président Puigdemont peut finir en prison

Vrai

C’est une des craintes du camp indépendantiste et un scénario envisagé par le président Puigdemont lui-même. Le chef de l’exécutif aurait parlé à sa femme et ses filles de cette hypothèse. Miquel Casals, un ami très proche du président, a dit dans le pure player Vilaweb que Puigdemont plaisantait sur le sujet, disant qu’on peut l’emprisonner dans la maison d’arrêt de Figueres, comme ça il pourrait l’inaugurer en même temps. Un scénario qui prend plus de corps depuis l’arrestation des Jordis et qui est pris très au sérieux à la Generalitat.

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La Catalogne n’a reçu aucun soutien européen

Vrai et Faux

Les indépendantistes depuis 2014 cherchent activement un soutien international. Déjà après la consultation populaire sur l’indépendance du 9 novembre 2014, le président Artur Mas annonçait que des pays interviendraient après le vote, ce qui n’a pas eu lieu. Depuis 2015, le ministre des affaires extérieures catalanes Raul Romeva s’évertue à tenter de convaincre un pays tiers de soutenir l’indépendance ou au moins la reconnaissance d’un référendum.

Le résultat n’est pas à la hauteur des espérances, pour réellement peser dans le rapport de force avec l’Espagne, la Catalogne devra décrocher le soutien d’un pays comme la France, l’Allemagne ou la commission européenne. Pour l’heure, ces 2 pays et l’UE par la voix d’Emmanuel Macron, Angela Merkel et Jean-Claude Juncker ont fermé la porte à tout soutien envers la Generalitat de Catalogne. Cependant l’exécutif de Carles Puigdemont a reçu une réponse favorable de la Belgique et de la Suisse. Deux pays trop légers pour faire pencher la bascule. La position de la Belgique a tout de même profondément agacé Madrid. Selon la presse flamande, le chef de cabinet Jorge Moragas a envoyé un e-mail à l’ambassadeur belge à Madrid pour exprimer sa « stupéfaction face aux attaques du gouvernement belge et fait savoir que ce comportement pourrait sérieusement mettre en danser les relations bilatérales ».  L’explication du soutien de la Belgique s’explique par le fait que le pays est dirigé par une coalition dans laquelle figurent des membres nationalistes flamands qui ont mis la pression au premier ministre pour aller dans ce sens.

Les « Jordis » sont des prisonniers politiques

Presque vrai

D’un point de vue purement juridique l’on ne peut pas affirmer que « Les Jordis » soient des prisonniers politiques. Selon la définition du conseil de l’Europe :

«Une personne privée de sa liberté individuelle doit être considérée comme un “prisonnier politique” (…) si la détention a été imposée en violation de l’une des garanties fondamentales énoncées dans la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et ses protocoles, en particulier la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’expression et d’information et la liberté de réunion et d’association;

Or, les Jordis n’ont pas été placés en détention provisoire pour avoir émis une opinion mais en application des articles 544 et 545 du code pénal, c’est-à-dire pour sédition. Concrètement la juge d’Instruction nº 3 de l’audience nationale estime que les Jordis ont incité la population qui manifestait devant le siège du ministère de l’économie catalan à empêcher d’entrer et de sortir des agents de la police espagnole qui perquisitionnaient les locaux. La juge estime également que les Jordis devaient être placés en détention provisoire devant le risque de récidive, de destruction de preuve ou de fuite. Des raisons qui ne correspondent donc pas à la définition du conseil de l’Europe. Cependant l’on ne peut pas nier la charge émotionnelle, symbolique et politique qu’entraîne la détention des Jordis. Véritables icônes de l’indépendantisme, les actions des associations présidées par les deux hommes se sont toujours déroulées pacifiquement. Dans un moment où la tension politique est tendue à l’extrême, la détention des Jordis est considérée par beaucoup comme politique.

Le processus indépendantiste peut déboucher sur une guerre civile

Presque faux

On en est loin. Très loin. En cas de violence, le mouvement séparatiste perdrait la sympathie médiatique européenne accumulée lors des dernières semaines. Même après la détention des Jordis, aucune violence n’a eu lieu. ANC et Omnium ont même sorti des vidéos enregistrées avant leur détention pour appeler au calme. Cependant un secteur très à gauche de l’indépendantisme ainsi que les anarchistes de La Cup affirment qu’à un moment donné les Mossos d’Esquadra devront protéger les populations civiles contre les violences de la police espagnole. Peu de probabilité que cela arrive, mais rien ne peut être exclu dans cette crise.




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