Que la Catalogne devienne Cuba, le fantasme des indépendantistes





Cuba, l’une des dernières colonies qui a fait chuter l’empire espagnol. L’île est devenue un symbole pour les indépendantistes, quitte à mélanger mythes et réalités.

Crise économique, territoires qui veulent se séparer de l’Espagne. Endettée auprès des banques allemandes, Madrid a du mal avec sa trésorerie. C’est l’hémorragie des territoires de l’empire espagnol fondé par les Conquistadors. Tour à tour, les colonies obtiennent leur indépendance. La Vice-royauté de Nouvelle-Grenade donnera naissance à la  Colombie, Équateur, Panama et Venezuela. La Vice-royauté du Río de la Plata à l’Argentine, la Nouvelle Espagne au Mexique, et enfin en 1898 Cuba se libère de l’Etat espagnol.

7557 kilomètres séparent Barcelone de Cuba. Pourtant les indépendantistes aujourd’hui se sentent proches de l’île des Caraïbes. Lors de l’indépendance cubaine, nombreux sont les Espagnols qui sont restés vivre dans l’île. Près de 30 ans après l’indépendance, il y avait encore 17.000 Catalans à Cuba. Une partie de la diaspora catalane a suivi avec une certaine admiration le processus indépendantiste cubain. Vicenç Albert Ballester i Camps fut l’un d’eux. Activiste de la cause indépendantiste catalane, il est condamné à une peine de prison pour avoir organisé le 11 septembre 1908 une « diada », la fête nationale catalane alors interdite. On prête à Ballester l’idée de la création de l’Estelada, le drapeau indépendantiste catalan. Ce symbole, très à la mode de nos jours, est une fusion de la Senyera, le drapeau officiel catalan, avec l’étoile cubaine du nouvel étendard cubain indépendant.

C’est Francesc Macia, un des présidents mythiques de la Generalitat qui utilisa pour la première fois ce drapeau, comme symbole de son parti Estat Catalan. Intéressé par la chose cubaine, Macia se rendit sur l’île en 1928. Il projetait de fonder une république catalane indépendante. A Cuba, il travailla avec les instigateurs de l’Assemblée indépendantiste de Guàimaro, la première réunion constituante des rebelles cubains contre l’Etat espagnol. La rencontre accoucha de la constitution provisoire de la République. Premier document qui devait potentiellement servir à doter d’une forme légale la future nation catalane indépendante. Malgré son démantèlement, dans l’imaginaire indépendantiste, l’empire espagnol existe toujours : la dernière colonie étant la Catalogne. Tout comme l’État espagnol était certain de ne pas perdre Cuba, les indépendantistes catalans tentent de prophétiser que l’histoire se répétera avec la Catalogne. Le catalanisme romantique aime les symboles. Le PDeCAT, le parti d’Artur Mas fait remarquer que les députés de son parti, sont -par le plus grand des hasards- placés aux mêmes sièges que les parlementaires qui à l’époque de l’empire représentait les Espagnols de Cuba. Un des nombreux signes du destin que les séparatistes aiment discerner.

Les Catalans ont eux aussi colonisé Cuba

Joan Tarda, un des parlementaires gouailleurs de la gauche indépendantiste au parlement espagnol, a tenté de donner un cours d’histoire mercredi dernier. « L’Espagne, depuis 1714, – date de la chute de Barcelone face aux armées bourboniennes- , occupe de force la Catalogne, donc les guerres espagnoles ne sont pas les nôtres », dixit Tarda.

2 Embarque de la primera espedici%C3%B3n de voluntarios catalanes a Cuba.

A la tribune du parlement espagnol, la dithyrambe prononcée avec un certain talent par Joan Tarda avait pour objectif notamment d’exonérer la Catalogne des conquêtes coloniales de l’Espagne. La réalité, comme souvent, est plus contrastée que la narration politisée de l’histoire. Comme les Espagnols, les Catalans sont venus commercer dans cette prospère colonie. Des fortunes catalanes y sont nées, les alcools Barcardi, ou les vins Joan Sarda pour ne citer que les exemples les plus prestigieux. L’époque n’était pas à la tendresse.

En plus de faire du négoce dans le sucre et le tabac, les colons n’hésitaient pas à réduire les populations locales en esclavage. Ici, les Espagnols et les Catalans ne se différenciaient nullement. Ce triste poème de l’époque déclamait : « En el fondo del barranco, canta un negro con afán:  ay, Dios, quien pudiera ser blanco, aunque fuera catalán ». D’ailleurs quand le roi d’Espagne décida d’abolir l’esclavage, les colons étaient unanimement furieux. D’aucuns diront qu’il ne faut pas mélanger le peuple catalan dans son ensemble avec une élite commerciale sans foi, ni loi. Un argument recevable. Mais le camp indépendantiste ne doit pas non plus oublier sa propre histoire et éviter l’auto-critique.




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