Puigdemont, ce jusqu’au-boutiste qui conduit la Catalogne vers le référendum

Portrait de Carles Puigdemont, président catalan et icone des indépendantistes. Il promet d’emmener la Catalogne aux portes de la République.

On raconte qu’enfant, il ne trouvait pas d’Estelada (le drapeau catalan indépendantiste) dans le bazar chinois de sa rue du village d’Amer dans la région de Gérone, alors il demanda à sa grand-mère de lui en tricoter un. Carles Puigdemont est né quasiment indépendantiste. A 16 ans, il envoie déjà des chroniques au journal local et à 19 ans, il entre au quotidien régional indépendantiste Punt Diari (aujourd’hui Punt Avui), dont il deviendra plus tard rédacteur en chef. Il participera ensuite à la création de l’agence de presse catalane (ACN) et du journal en langue anglaise Catalonia Today. Passionné par les bouleversements que connaît le journalisme, il est aussi l’auteur de plusieurs livres sur les nouvelles technologies.

Une carrière politique fulgurante

Carles Puigdemont se lance dans la politique en 2006, en devenant député de CDC au Parlement de Catalogne. Il est élu maire de Gérone en 2011, mettant fin à plus de 30 ans de socialisme, puis prend la tête de l’Association des Communes Indépendantistes en juillet 2015. Il devient alors une figure phare de la cause catalane. Indépendantiste depuis sa jeunesse, l’actuel président de la Catalogne est fier de ressortir une page jaunie d’un journal d’extrême droite espagnole aujourd’hui disparu El Alcázar. Sur une photo derrière un groupe de personnes favorables au coup d’état militaire espagnol du 20 février, en arrière-plan on aperçoit le jeune Puigdemont avec une pancarte indépendantiste. « Vous avez vu, c’est moi » s’amuse à dire le président à certains de ses interlocuteurs, histoire de rappeler que c’est un indépendantiste « de siempre ».

Préservé des affaires de corruption, il était le candidat idéal pour mettre d’accord les deux groupes indépendantistes du Parlement de Catalogne, l’extrême gauche (CUP) se refusant pendant des mois à investir Artur Mas. Sous sa carapace de centre-droit, on verra depuis janvier 2016 que le président Puigdemont, sur le sujet indépendantiste, partage quasiment tout avec la Cup. D’ailleurs c’est son ami Benet Salellas, député de la Cup et lui aussi originaire de Girona, qui fera le médiateur entre son parti et la majorité indépendantiste Junts Pel Si pour que Puidemont soit investi président.

L’indépendance de la Catalogne pour objectif unique

Sorti de nulle part, Puigdemont ne faisait peur à personne. Perçu comme une ombre d’Artur Mas, que l’on annonçait reprendre la Generalitat après une courte pause, le nouveau président affirme lui-même que son mandat a « une date de péremption » et qu’il « ne resterait au pouvoir que 18 mois ». Le temps pour le Gironais d’emmener la Catalogne aux portes de la république indépendante.

Le temps politique étant apparemment plus long que le temps naturel, au bout de 20 mois, Carles Puigdemont est toujours là. En revanche, sa volonté d’emmener « la Catalogne aux portes de la République » est censée se traduire par le référendum d’autodétermination dimanche prochain. A Madrid, avec une certaine condescendance habituelle au sein du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, on pensait que Puigdemont s’envolerait comme une feuille au vent à la fin de l’été. En ressortant l’éternel pacte fiscal, le gouvernement espagnol pensait mettre fin au conflit catalan. Raté. Le président Puigdemont a demandé à Mariano Rajoy de s’accorder sur un référendum et lui a proposé de négocier la date, la question, ou d’accepter un concept seulement consultatif du vote. Rien n’a été possible.

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Carles Puigdemont durant son investiture officielle

Du coup Puigdemont ne lâche pas, avec sa majorité de 72 députés sur 135, il impose le référendum unilatéralement avec un vote au parlement où 42 députés d’opposition ont quitté l’hémicycle en signe de protestation. Pour un texte de cette ampleur, il aurait fallu une majorité qualifiée des deux tiers du parlement soit 90 députés. « Et alors si on les avait eu, on nous critiquerait de la même façon » ne se démonte pas Puigdemont. Après le blocage des comptes bancaires de la Generalitat; après la fermeture de force de tous les sites institutionnels du référendum; après la descente de police dans les rédactions des journaux catalans diffusant les publicités du référendum; après l’opération Anubis se soldant par le placement en garde à vue de 14 hauts fonctionnaires du ministère de l’Economie catalan, noyau dur qui travaillait sur la logistique du référendum, on pensait du côté du gouvernement de Madrid que Puigdemont serait à terre. Pas du tout. Le président catalan clame que même si l’autonomie est suspendue et que lui va en prison, le référendum aura lieu de toute manière car des centaines de milliers de Catalans veulent voter. Certains au sein du gouvernement de Mariano Rajoy font état de leur stupeur « c’est un gars qui roule à 200 km/h dans une rue limitée à 50 ». D’autres sources pensent percevoir l’origine de leur problème dans le fait « que Puigdemont veut rester dans les livres d’histoire avec son référendum, il n’attend qu’une seule chose c’est de finir en prison. »

Même en Catalogne, le style Puigdemont ne plait pas à tous. Cet été, une partie du gouvernement catalan a démissionné de ses fonctions, ne voulant pas subir les foudres judiciaires qui tomberaient sur les signataires de la convocation référendaire. Le PdeCat, l’ancienne Convergencia, le parti d’Artur Mas, a également du mal à suivre le rythme. La direction du mouvement se plaint que le président pourtant originaire de ses rangs, soit plus proche de la Cup et des secteurs radicaux de l’indépendantisme que des cadres de PdeCat. Marta Pascal, l’actuelle fragile leader du parti, tente de freiner la déclaration unilatérale d’indépendance que le président entend soumettre au parlement la semaine prochaine si le oui gagne. La participation lors du 1er octobre sera un facteur déterminant dans la suite de la mise en place des plans du jusqu’au-boutiste Puigdemont.

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