La victoire d’Emmanuel Macron donne un coup de vieux à la classe politique en général. En Espagne, l’impact du succès du nouveau président de la République risque de ringardiser les programmes les plus extrêmes. Décryptage.
La nouvelle politique. C’est par ce label que de nombreux responsables publics rêvent d’être reconnus. En Espagne, nombreux sont ceux qui espèrent garder cette étiquette, le plus longtemps possible. Le concept de cette communication est simple. Il s’agit de remplacer le clivage droite-gauche par une nouvelle frontière : les modernes contre la vieille classe politique. La supposée nouvelle politique est toujours plus moderne, plus jeune, plus proche du peuple, moins politicarde qu’une caste vieillie, usée, fatiguée. C’est en tous cas le message qu’essaient de vendre des partis comme la gauche radicale Podemos, les centristes de Ciutadans ou les anarcho-indépendantistes catalans de la Cup qui ont abusé de ce qualificatif en se l’appliquant à eux-mêmes.
Pablo Iglesias, le chef de Podemos, la maire de Barcelone Ada Colau, Anna Gabriel députée de La Cup, Pedro Sanchez, le candidat au primaires socialistes, sont les plus enclins à revendiquer le totem de la nouvelle politique. Un concept qu’ils amalgament avec provocations et coup d’éclats cherchant le buzz médiatique en permanence. Si la sauce médiatique prend à chaque fois, ces leaders politiques pourraient à force provoquer un trop plein qui risque de leur faire perdre leur crédibilité. D’autant plus qu’en ce printemps 2017 l’appellation de nouvelle politique est désormais revendiquée par Emmanuel Macron, avec le succès que l’on sait.
Face aux trublions médiatiques qui jouent souvent dans les extrêmes, la nouvelle politique incarnée par Emmanuel Macron offre un visage centriste et policé. La nouvelle politique telle que voulue par Podemos est souvent extrêmement clivante et sous son couvert de vernis moderne, rejoue la partition de la lutte des classes ou la séparation de la société en deux parties : les bons et les mauvais. Autant la prise de pouvoir d’Emmanuel Macron s’est voulue rassembleuse, respectueuse des institutions, au-dessus des clivages, autant les arrivées au pouvoir de partis comme Podemos sont plutôt nerveuses et segmentantes.
A peine arrivée à la mairie de Barcelone Ada Colau par exemple, décidait de retirer le buste du roi Juan Carlosqui était dans la salle de délibération du conseil municipal. L’idée était d’envoyer un message républicain : elle est contre la monarchie. Cependant les manières excessives (mettre le buste dans un vulgaire carton et le scénariser avec de nombreuses photos envoyées dans toutes les rédactions) envoient un signal de désunion très fort.
Pour bousculer la caste de la vieille politique, la modernité brutale de la nouvelle politique espagnole contraste avec les manières d’Emmanuel Macron. Ce dernier durant le débat face à Marine Le Pen est toujours resté stoïque face à la candidate d’extrême-droite flirtant,elle en permanence avec l’insulte. Le chef de Podemos Pablo Iglesias a la réputation de s’exprimer parfois de manière agressive face à ses adversaires. Si le parlement espagnol dans son immenses majorité s’est plaint des sorties des députés de Podemos, cherchant selon certains le buzz à tout prix, ceux-ci estiment qu’ils doivent bousculer la vieille caste politique.
Sur le fond, la modernité de Macron réside en grande partie sur son engagement européen,les chantre du rajeunissement en Espagne ont les plus grandes difficultés à être clairs sur le sujet. Pour le leader de Podemos « cet euro ne nous sert à rien » et alors qu’il était député européen il avait demandé à Bruxelles d’engager pour l’Espagne un processus de sortie de la monnaie unique. La Cup de son côté est très claire : il faut sortir de l’Europe, seul chemin possible pour rendre la Catalogne indépendante.
Et si au final, la nouvelle politique n’existait pas? Si ce n’était qu’un filtre Instagram pour redonner de la fraîcheur à des courants politiques existants depuis des décennies ? De quoi Emmanuel Macron est-il le nom, si ce n’est un mélange de social-démocratie-chrétienne à la sauce néo-libéralisme ? Qu’est-ce que Podemos sinon un mix de néo-communisme, social-démocratie, républicanisme et écologie ? Qu’est-ce que la Cup sinon le mouvement anarchique historique qui agit en Catalogne depuis longtemps ? Comme le disait très justement Edgar Morin, « la vraie nouveauté naît toujours dans le retour aux sources ».