Les indépendantistes catalans ont un besoin vital d’internationaliser le débat sur le référendum séparatiste afin d’ouvrir une brèche dans la diplomatie espagnole. Depuis quelques semaines, des responsables politiques et des personnalités médiatiques en France donnent leur avis sur ce conflit diplomatique qui oppose la France à l’Espagne. Passage en revue.
François Fillon tend une main à la Catalogne
Le protagoniste du grand feuilleton de ce week-end fut le candidat à la présidentielle François Fillon. Premier acte vendredi soir quand l’ancien Premier ministre, à la surprise générale, a déclaré à nos confrère de Radio France Internationale qu’il était favorable à l’auto-détermination des peuples, précisant toutefois que le cas catalan était une question interne à l’Espagne. Reprenant la formule, le journaliste Christophe Boisbouvier l’a ensuite interrogé sur le cas catalan : « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dites-vous […] est-ce que l’Espagne a tort ou raison d’interdire aux Catalans un référendum sur leur indépendance ? » Le candidat : « c’est une question qui regarde l’Espagne, qui est du ressort de la politique intérieure espagnole et je me garderai bien de porter un jugement ». Le journaliste reprend : « cela vous choquerait que la Catalogne soit indépendante ? », François Fillon répond « ce qui me choque c’est qu’on nie totalement le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui est un principe fondamental, véhiculé par la pensée française depuis les Lumières ».
Émoi dans la presse catalane, tout au long du week-end, le candidat Fillon fait bouger les lignes d’une manière remarquable, Les Républicains étant probablement l’un des partis les plus anti-indépendantiste en Europe. Rétro-pédalage en urgence ce lundi matin, le cabinet de François Fillon indique que François Fillon a « précisé sa pensée et trouve désormais normal que l’Espagne refuse aux Catalans le droit d’organiser un référendum d’autodétermination, puisque la constitution du pays ne l’autorise pas. »
Jean-Luc Mélenchon, philosophiquement en faveur d’un référendum en Catalogne
Second candidat à l’élection présidentielle à opiner sur le référendum catalan, Jean-Luc Melenchon l’a fait dans les colonnes d’Equinox. Jean-Luc Mélenchon, qui a consigné dans son programme « la tenue démocratique du référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie en 2018″, affirme que le peuple catalan possède une identité propre de par sa culture et sa langue. A l’instar de Podemos, « un parti cousin », l’équipe de la France Insoumise dit soutenir l’idée d’un référendum tout en étant opposée à l’indépendance de la Catalogne. Le candidat d’extrême gauche rejette toute forme d’indépendance de la Catalogne, car « cela ferait le jeu de l’Union européenne qui cherche à créer l’Europe des régions ».
Contacté par Equinox, Djordje Kuzmanovic, en charge des questions internationales et de défense pour La France insoumise, explique au nom de son candidat que « l’on n’a pas besoin d’un nouvel Etat catalan » en Europe mais estime que « le peuple doit pouvoir s’exprimer ». Une déclaration du candidat à la présidentielle qui a été reprise, pour s’en féliciter, par le vice-président du gouvernement catalan Oriol Junqueras lors d’une interview sur la radio catalane Rac1 le 5 avril dernier. Le parti de Mélenchon estime toutefois que le conflit catalan reste une affaire interne à l’Espagne, et que ce n’est pas un sujet qui sera au cœur de la campagne présidentielle de son candidat.
Eric Zemmour : la faute à l’Europe
Dans un édito du Figaro Magazine en date du 30 mars intitulé « L’Écosse sonne le réveil des anciennes nations », Eric Zemmour explique son point de vue sur les processus indépendantistes qui touchent actuellement divers coins de l’Europe.
« Le Brexit britannique a exaspéré les Écossais qui ont voté majoritairement contre. Ce désaccord majeur a réveillé les velléités indépendantistes des Écossais qui organisent un nouveau référendum à ce sujet. Ce ne sera pas le premier. Mais cela pourrait être le dernier si les Écossais décident cette fois d’abandonner les Anglais. De fermer une parenthèse vieille de trois siècles, puisque l’acte de naissance du Royaume-Uni date de 1707. » Une situation qui amuserait les partisans de l’Europe qui rient discrètement selon Zemmour.
Selon lui, « ce mouvement vient de loin. Il n’est pas limité à la Grande-Bretagne. (…) C’est l’Europe qui, depuis des décennies, encourage les régions à affirmer leur personnalité et leur autonomie. C’est l’Europe qui les arrose de subventions. C’est l’Europe qui a encouragé les Etats-nations, même les plus unitaires comme la France, à créer des institutions régionales (…) C’est l’Europe qui leur a donné une représentation à Bruxelles et une dignité quasi étatique. C’est l’Europe, enfin et surtout, qui donne un gigantesque marché économique à des entreprises locales qui autrefois avaient besoin pour vivre du marché national. Partout, en Europe, les anciennes nations se sont réveillées : l’Ecosse, mais aussi la Catalogne, la Flandre, l’Italie du Nord, ou même la Corse ou la Bretagne. Toutes les antiques nations vaincues par l’édification des Etats-nations à l’ère moderne ont relevé la tête, assurées d’avoir un toit européen. La Catalogne prépare son référendum d’indépendance ; la Flandre s’est peu à peu détachée de la Wallonie ; l’Italie du Nord n’a pas renoncé ; les indépendantistes corses, enfin, ont pris le pouvoir à la région. Et le font savoir. »
Selon Eric Zemmour, l’Europe jouerait donc un double jeu. Le jour, elle condamnerait les processus séparatistes et la nuit elle encouragerait ces désirs indépendantistes afin de déstabiliser les grands Etats pour garder le pouvoir.
Alain Minc : cette folie de faire du catalan la langue d’enseignement
Le 6 avril dernier, Alain Minc, l’ancien conseiller du président Nicolas Sarkozy et actuel soutien d’Emmanuel Macron, était à Barcelone pour donner une conférence à la Chambre du commerce française. Sur la Catalogne, le conseiller, qui n’a jamais caché sa ferme opposition au mouvement séparatiste, estime qu’il n’y aura « pas d’indépendance et pas de référendum ». Pour lui, « la Catalogne, c’est très différent de l’Ecosse, le Brexit pose un problème majeur aux Écossais, ici on paie le prix d’un engrenage qui a commencé avec cette folie de faire du catalan la langue d’enseignement. Les bourgeois ont envoyé leurs enfants dans d’autres écoles, et on a enfermé le reste ensemble ».
Le rejet du statut d’autonomie constituerait la seconde erreur majeure selon Alain Minc qui trouve par ailleurs « l’opinion publique très conditionnée par les médias et les réseaux sociaux », mais concède à son auditoire qu’il « n’y a pas de classe politique aujourd’hui à Madrid d’une qualité telle que l’on puisse envisager une voie de sortie ». Quelle solution donc? « Il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne puisse résoudre »conclut-il sur un sourire, citant l’ancien président du Conseil Henri Queuille.
# Bonus Track : Quand les candidats à l’élection présidentielle parlent de la Catalogne