Mariano Rajoy, qui n’a rien concédé à la Catalogne lors de son dernier mandat, revient à Barcelone pour annoncer un investissement massif de 4 milliards d’euros pour le couloir méditerranéen et le réseau de trains régionaux. Une façon pour lui de mettre un terme au processus indépendantiste.
Le président du gouvernement espagnol a fait le déplacement à Barcelone pour, lors d’une déclaration devant un parterre d’entrepreneurs, répondre favorablement à des demandes historiques de la société catalane. Mariano Rajoy souhaite débloquer, le dossier épineux de la vétusté des trains régionaux catalans, argument massue des indépendantistes pour dénoncer la différence de traitement entre Madrid et Barcelone.
Le camp séparatiste explique que les trains régionaux catalans fonctionnent mal car selon eux ces 30 dernières années, alors que le nombre de passagers a triplé, les infrastructures sont restées les mêmes, faute d’investissements de l’Etat. Quatre milliards d’euros débloqués entre 2017 et 2025, c’est la réponse de Mariano Rajoy. Le président de l’Espagne justifie un retard relatif dans les injections financières à cause de la crise économique qui a frappé le pays durant les dernières années. Pour Rajoy, le camp indépendantiste s’est servi de la crise pour accuser sans cesse le gouvernement central. « Je vous rappelle que la Catalogne est la seule communauté autonome qui a ses 4 capitales de province (Barcelone, Gérone, Tarragone, Lleida) reliées avec l’AVE (…) Nos infrastructures sont aujourd’hui un motif de fierté parce qu’elles sont parmi les meilleures d’Europe » se félicite Mariano Rajoy.
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Autre sujet phare réclamé depuis des années par la société catalane : le développement du couloir méditerranéen. Les travaux de ce réseau ferroviaire qui doit connecter les principales villes de la Méditerranée va un peu trop lentement au goût des indépendantistes. Les travaux entre Castellbisbal et Tarragone sont au point mort et il n’y a pas de date pour la liaison Vandellòs-Castelló. « En 2020! » , c’est la réponse donnée aujourd’hui par Mariano Rajoy. Selon le chef de l’exécutif, les efforts budgétaires fournis par le gouvernement permettront à cette date de voir l’achèvement des travaux. Devant la société civile catalane, le président de l’Espagne a par ailleurs assuré qu’une dynamique allait aussi se mettre en place autour de l’aéroport de Barcelone, el Prat.
Pas de référendum autorisé pour la Catalogne
Dans une interview à nos confrères de la Vanguardia, Mariano Rajoy tente de (s’)expliquer comment on en est arrivés là en Catalogne. Est-ce que tout a commencé en 2007 quand le Partido Popular (PP) avec Mariano Rajoy à sa tête a saisi le Conseil constitutionnel pour invalider une grande partie du statut d’autonomie de la Catalogne ? Il avait alors déclenché la fureur d’une partie des Catalans. « Non », répond Mariano Rajoy, expliquant qu’après cela le PP a voté deux ans de suite le budget de la Generalitat pour faciliter la tâche au gouvernement catalan d’Artur Mas qui n’avait pas les députés suffisants. Donc les ponts n’étaient pas rompus, argue le chef de l’exécutif. Le début du mouvement indépendantiste selon Rajoy coïncide avec le début de la crise durant laquelle « certains n’ont pas voulu prendre leurs responsabilités et ont rejeté toutes les fautes sur Madrid ».
Mariano Rajoy a-t-il abandonné la Catalogne à son sort comme le prétendent les indépendantistes ? « Nous avons financièrement assisté la Generalitat depuis 2012 (…) Nous avons destiné dès 2012 67 milliards d’euros pour garantir le fonctionnement normal des institutions catalanes » se défend le chef du gouvernement.
Mais « il n’y aura pas de référendum en Catalogne » répète Mariano Rajoy. Pour organiser un tel vote, « il faudrait modifier la constitution espagnole pour qu’elle ne reconnaisse plus la souveraineté nationale de l’Espagne. Pour une telle modification, il faut que l’ensemble du peuple espagnol se prononce lors d’un référendum, et ensuite, selon les lois espagnoles, il faudrait dissoudre le parlement et organiser de nouvelles élections. Ce n’est pas le moment de déclencher une telle instabilité » tranche le chef du PP. Et dans son refus que la Catalogne exerce son droit d’auto-détermination, Mariano Rajoy affirme ne pas se sentir seul. Il note que l’ensemble des démocraties mondiales « ne prévoient pas dans leur constitution un droit d’autodétermination », ajoutant que seules l’ont fait « l’ancienne URSS, l’ancienne Yougoslavie et l’Ethiopie. »
M. Rajoy tente de mettre hors jeu C. Puigdemont
Mariano Rajoy a pris soin de venir dans la capitale catalane en l’absence du président Carles Puigdemont, en voyage officiel aux Etats-Unis. Une façon de dévaloriser le leader catalan. Depuis quelques semaines, le gouvernement espagnol tente de jouer un coup de billard à trois bandes en mettant hors jeu les responsables indépendantistes de centre droit du PDeCAT : Carles Puigdemont et Artur Mas. Il semblerait que l’exécutif espagnol ait une préférence pour la gauche républicaine menée par le vice-président catalan Oriol Junqueras.
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Le gouvernement attend, selon son point de vue, que le référendum illégal promis par la Generalitat ne puisse pas avoir lieu, des élections catalanes suivraient et Madrid verrait bien Oriol Junqueras devenir président afin d’ouvrir une nouvelle étape dans les relations Espagne-Catalogne. Coup de Trafalgar envers Carles Puigdemont de la part de ses propres alliés indépendantistes ou nouveau coup de théâtre machiavélique des séparatistes catalans ? Les semaines à venir nous le diront. En attendant, Mariano Rajoy se réjouit « qu’en cinq ans il n’ait jamais entendu parler de la Catalogne dans aucun Conseil européen ».