Dans les jours qui ont suivi son investiture à la mairie de Barcelone en juin 2015, Ada Colau a fait de la politique touristique de la ville l’un de ses chevaux de bataille. La maire pointait une dérive du tourisme dans la ville catalane entraînant une hausse des prix et surtout une ghettoïsation, touristes d’un côté, autochtones de l’autre.
Photo : AE/Equinox
Cette ancienne militante du droit au logement a donc pris le problème à bras le corps en imposant un « plan stratégique général pour une approche différente du tourisme ». Un an et demi plus tard, qu’en est-il ? La guerre déclarée à Airbnb fait la une des journaux, mais le mal est bien plus profond.
Les effets du tourisme de masse
La politique urbaine lancée à la suite de l’organisation des Jeux Olympiques de 1992 a modifié l’aspect la ville. L’aménagement urbain a fait de Barcelone une capitale mondiale du tourisme au point que certains parlent de « Disneylandisation » de la ville où se côtoient aujourd’hui dans le cœur historique, boites de nuit, fast food et grandes chaines d’hôtel. C’est l’un des problèmes majeurs pointé par Ada Colau et son équipe : le centre de la ville est devenu un territoire touristique et uniquement touristique. Les habitants historiques subissent de plein fouet la montée des prix et les désagréments causés par les fêtards abusant de cerveza. Ils sont alors nombreux à quitter les Ramblas et ses environs. Cette étude publiée par l’Université de Pau pointe même un centre-ville conçu et pensé pour les touristes où l’anglais devient l’unique langue présente dans la signalétique faisant disparaître le catalan et même le castillan. Au fond, ce n’est pas uniquement l’immobilier qui est touché, c’est la culture de la ville.
Les mesures prises par Ada Colau
Le plan mis en place a découpé la ville en trois cercles concentriques. Plus aucune licence hôtelière n’est attribuée dans le premier cercle. Dans le second, il est seulement possible d’obtenir une licence auprès d’établissements qui disparaissent. Le troisième (la périphérie) n’est pas touché. Cette licence touristique est nécessaire si l’on souhaite louer son logement pour une durée de moins d’un mois puisque c’est dès lors considéré comme un service hôtelier.
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C’est sur ce point que la guerre avec Airbnb est déclarée et louer sans licence est très risqué. Le but est de faire peu à peu décroitre le tourisme dans le cœur de la ville pour redonner un peu d’authenticité à Barcelone, mais le but n’est pas de bannir le tourisme, loin de là.
Penser le tourisme autrement
Le tourisme n’a pas vocation à disparaitre à Barcelone. Ce n’est pas la volonté de la ville qui en tire d’importants bénéfices. Il est d’ailleurs toujours possible pour les touristes de trouver des logements de location légaux en passant par des plateformes comme Holidu. La mairie de Barcelone cherche à penser le tourisme autrement. En avril 2016, elle a créé un conseil du tourisme sur le modèle de la démocratie participative pour prendre en compte tous les avis. Les premières pistes de réflexion ont été dévoilées au début du mois. L’idée première est un meilleur partage des retombées économiques qui doivent profiter à tous les quartiers de la ville.
Un tourisme tourné vers le développement durable est aussi mis en avant tout comme une meilleure formation des professionnels du secteur pour guider les touristes et leur indiquer les comportements adéquats à suivre. Enfin, la signalétique et les transports en commun vont être repensés pour permettre aux Barcelonais de se réapproprier le centre de la ville.