Toutes les dernières études sur le marché immobilier de Barcelone sont unanimes. Les prix des loyers n’arrêtent pas de grimper, dépassant ceux, déjà records, de la bulle immobilière de 2008. Face à ce phénomène, des collectifs luttent depuis plusieurs années. L’Observatoire DESC (des droits économiques, sociaux et culturels) a donc eu l’idée de les unir en lançant un syndicat de locataires. Le but : stopper la hausse des prix des loyers avec en toile de fond la crainte d’une nouvelle bulle immobilière.
«Il faut donner de la voix aux locataires, il faut les défendre car ce n’est plus possible. Les prix augmentent de façon trop spectaculaire». Irene Escorihuela, directrice de l’Observatoire DESC de Barcelone, donne le ton. Cela fait plusieurs années qu’elle travaille à la création d’un organisme qui permettrait d’aider juridiquement les locataires abusés mais aussi qui s’occuperait de mener des campagnes politiques et de faire du lobbying. «La loi sur les logements ne protègent pas les particuliers. En 2013 elle a été réformée et depuis la situation s’est empirée. On veut discuter avec l’administration. On veut offrir une couverture individuelle aux locataires grâce à un travail collectif». En septembre dernier, Irene Escorihuela réunissait des associations de quartiers, des collectifs et des locataires pour commencer à dessiner la forme que prendra le syndicat et ses modes d’actions. «On reprend le modèle des syndicats puissants qui existent en Allemagne et au Danemark. Là-bas c’est quelque chose de commun qui marche bien» argumente la directrice de l’observatoire DESC.
Lors de cette première rencontre, le collectif ABTS Xarxa Cuitat Vella Voisins était présent. «L’idée de créer un syndicat est une très bonne nouvelle. Ensemble on va pouvoir faire des choses puissantes» confie très motivé Daniel Pardo, porte-parole du mouvement formé d’une trentaine de groupes de voisin du quartier Cuitat Vella de Barcelone. Le cheval de bataille du collectif, ce sont les touristes. «L’industrie touristique est une grande source du problème de logements. Elle crée une inflation immobilière qui ne s’arrête pas. Les gens qui cherchent un appartement où habiter n’ont pas les moyens et sont obligés d’aller de plus en plus loin pour trouver» confie-t-il agacé.
« Laisser la place aux touristes »
Un avis que partage le groupement la Barceloneta Diu Prou. Sebastian, porte-parole du mouvement, expliquait le mois dernier sur Equinox que la présence des touristes a provoqué une flambée des loyers: «Pour un appartement sur la place del Poeta Boscà nous sommes passés de 400 à 900 euros mensuels en quelques années (…). Nous sommes obligés de partir de notre quartier pour laisser la place aux touristes. Les propriétaires n’hésitent plus à mettre les gens dehors pour faire des locations saisonnières (…). Des personnes âgées se retrouvent à la rue ».
Selon l’étude sur l’évolution des prix des logements publiée par le site de location Idealista, Barcelone a vu ses prix augmenter de 6,3 % au second semestre 2016. En juin 2015, le prix du mètre carré était de 13,20 euros/m2. Il est passé en juin 2016 à 16,10 euros/m2 par mois, subissant ainsi une hausse de plus de 22% en seulement 12 mois et marquant son record historique. Barcelone est désormais la ville espagnole avec les loyers les plus onéreux, devant Madrid (13,10 euros/m2 ) et San Sebastián (12,10 euros/m2 ).
Lutter contre la hausse des prix
Pour faire face à cette situation, le gouvernement municipal souhaite contrôler les prix d’une partie des logements de la ville. L’objectif exposé par Javier Burón, gérant des logements de la mairie de Barcelone, est de pouvoir modérer les prix des logements sur le marché. «Il faut les limiter pour protéger les consommateurs et le marché lui-même comme cela se fait déjà à Berlin ou Paris. Là-bas les prix des appartements sont contrôlés par la loi et ne peuvent pas fluctuer librement » défendait-il dans une interview à ElDiario.es.
La mairie de la ville espère également augmenter son parc de logements sociaux, passer de 300 logements qui se construisent chaque année à un millier par an pour 2018. Toujours dans la même ligne, le gouvernement catalan souhaite créer un indice de référence du prix des loyers en fonction de la zone, de la superficie de l’appartement et de la classe énergétique. L’indice n’aura pas d’impact légal pour déterminer le prix des appartements, puisque celui-ci relève de l’État, mais selon la maire il pourra servir à orienter le marché et éviter que se poursuive la tendance inflationniste et spéculative.
Une bulle immobilière à Barcelone en 2018 ?
Avec l’envolée des loyers, la crainte d’une nouvelle bulle commence à se faire sentir. En mars dernier, Ada Colau, la maire de Barcelone avait elle-même déjà alerté du «danger de la bulle immobilière» lors d’une conférence de presse.
Gonzalo Bernardos, économiste et professeur à l’Université de Barcelone, analyse qu’avec les taux d’intérêts actuels pour l’achat des maisons cinq fois plus faibles que ceux pour louer, l’Espagne vivra une nouvelle bulle immobilière en 2018 à Barcelone et à Madrid. L’expert analyse qu’une « mini-bulle » se produira dans les « zones premium où des étrangers payent excessivement pour certains appartements de luxe ». Selon lui, le phénomène sera accompagné d’une bulle hypothécaire comme celle qu’il y a eu dans la décennie de 1997 à 2006.