Reportage – Barcelone, ville végane… vraiment?

reportageLe véganisme fait de plus en plus d’adeptes à Barcelone. Depuis quelques années, être végane est facilité grâce aux nombreux restaurants et magasins, mais aussi grâce à la prise de position de la mairie. Etat des lieux.

Presque inconnu il y a encore quelques années, le mouvement végane se développe considérablement à Barcelone. Par définition, être végane signifie exclure de son alimentation tout produit d’origine animale et adopter un mode de vie qui respecte les animaux, que ce soit dans les vêtements, les loisirs ou les cosmétiques. Par exemple, les personnes véganes ne mangent pas de viande, ni de produits laitiers et ne portent pas de cuir. Elles privilégient d’autres produits comme le tofu, les yaourts à base de soja ou le fromage vegan. Ce régime alimentaire se différencie du végétarisme, qui exclue seulement la chair animale, mais non les produits d’origine animale.

Le mot vegan a fait son apparition en 1944 en Angleterre, il a été proposé par Donald Watson, le cofondateur de Vegan Society. Cette association avait pour objectif de se démarquer des végétariens. La définition devient officielle en 1951 : « Le véganisme est la doctrine selon laquelle les humains doivent vivre sans exploiter les animaux. ». Depuis quelques années, le véganisme fait de plus en plus d’adeptes, ce qui contribue à rendre ce mode de vie de plus en plus connu.

Derrière ce mouvement se cachent de véritables convictions et une prise de position contre la maltraitance des animaux. Manon est une jeune française installée à Barcelone. Elle explique pourquoi elle est devenue végane : ”je ne me suis jamais vraiment régalée en sachant que je mangeais de la chair d’un animal mort. Je pense tout simplement ne pas être supérieure aux espèces animales. En soit nous savons parler et créer en tant qu’humain mais je ne pense pas que ça nous donne le droit de tuer des animaux innocents. (…) Il suffit de se renseigner sur ce que le monde ingère chaque jour en pensant s’alimenter correctement pour constater que les circonstances, conséquences et les manières dont certains aliments sont faits (viandes, poissons, oeufs, etc) sont tout simplement écoeurants.”

veganUn avis partagé par Minerva La Rosa, 23 ans : “ma décision de devenir végane a été prise avant tout pour les dégâts environnementaux que la production de viande crée. Sans oublier toute la souffrance et la maltraitance que les animaux subissent dans les abattoirs, toutes les façons et manières dont on se sert des animaux comme les habits, le divertissements, etc. De plus, un régime végane favorise beaucoup notre santé et bien-être”.

Une ville ouverte

Si les véganes sont de plus en plus nombreux à Barcelone, c’est aussi parce que ce mode de vie est bien accepté dans la capitale catalane. Après avoir vécu à Bucarest, Los Angeles et Amsterdam, Catalin 30 ans, affirme “qu’il y a une grande conscience ici, qui manque en Roumanie ou aux Pays-Bas. Cela se voit avec le nombre de magasins pour véganes, les restaurants, les bars et des mouvements actifs qui font des événements, films et manifestations. Je me sens plus accueilli ici en tant que végane”. Il ajoute qu’à Barcelone “les gens sont ouverts au changement. C’est une bonne indication pour le progrès et il ne sera pas long pour que Barcelone suive Berlin, Londres ou Tel Aviv pour être un “paradis vegan”.”

Saul a 48 ans, il est végane depuis 36 ans. Cet anglais connaît très bien le monde végane à Barcelone, qu’il fréquente depuis plus de 20 ans. Pour lui, les “changements sont fantastiques depuis 5 ans (…) des supermarchés véganes ont ouverts, les magasins commencent à expérimenter la nourriture végane. Il s’avère que c’est plus populaire, mais plus pour une question de santé”. Il estime qu’aujourd’hui il y a environ un demi-millier de véganes à Barcelone. Un grand nombre d’adeptes du véganisme trouvent que les changements sont majeurs depuis quelques années. La ville compte aujourd’hui une quinzaine d’établissements 100% véganes et des centaines de restaurants qui proposent des plats véganes.

Le véganisme, un business ?

Le quartier du Raval abrite l’un des plus anciens restaurants pour végétariens et véganes, L’Hortet. Cet établissement existe depuis presque 50 ans. Depuis ses débuts, il a toujours proposé des produits véganes. Sonia est coordinatrice depuis 26 ans à L’Hortet. Elle a observé de nombreux changements depuis une vingtaine d’années : “avant la clientèle c’était plutôt des personnes âgées, mais avec le temps les jeunes ont commencé à venir, les étudiants, mais aussi les artistes et les cadres de 30-40 ans”. La culture végane attire un public varié.

L'Hortet

L’Hortet

Enseignes attractives, terrasses agréables, assiettes colorées et recettes savoureuses, beaucoup de restaurants véganes réunissent tous les atouts pour attirer les clients. Les multiples ouvertures récentes peuvent laisser penser que le véganisme est devenu tendance et même un marché à prendre. Pour Sonia “beaucoup ouvrent des lieux avec une philosophie d’entreprise et non pour la culture végane. Certaines personnes sont biens, ce sont des propriétaires qui ont découvert ce monde et qui ont envie d’en faire partie. Mais pour moi, quand un lieu commence à être grand, que les employés changent sans arrêt, on est plus du tout dans cette philosophie. Mais ça les clients savent le reconnaître. Nous on connait nos clients, leurs habitudes, nos employés ne changent pas.”

Prise de position de la mairie

Barcelone est l’une des premières villes européennes à soutenir le véganisme. Sous le mandat de l’ancien maire Xavier Trias, un guide des restaurants végétariens avait été publié, une première étape vers l’acceptation de ce type de pratique. Puis, en mars 2016, la ville se déclare “veg-friendly”, soit amie de la culture végane et végétarienne, une première mondiale. Lancée par le parti politique ERC, cette proposition a été validée par la commission municipale d’Économie et des Finances. La mairie s’est ainsi engagée à prendre des initiatives en ce sens. Par exemple, elle va lancer un guide d’établissements végétariens et véganes et une application pour informer sur les commerces adaptés.

Barcelone a également pris part au mouvement international “Lundi sans viande”, connue sous le nom de Meet Free Monday. Cette campagne vise à sensibiliser les gens sur l’impact négatif de la viande. L’administration de la ville ne sert plus de viande le lundi. Cette initiative est suivie par plusieurs établissements barcelonais.

Si au fil des années la culture végane s’est développée, c’est aussi en partie grâce aux nombreuses associations de protection animale qui existent et qui sont actives sur le sujet. Libera! est né en 2004 avec pour objectif d’informer et de faire prendre conscience à la société de l’exploitation animale. La reconnaissance de Barcelone comme ville “veg-friendly” est une victoire pour l’association. Leonardo Anselmi est un représentant de LIBERA! et l’un des coordinateurs de cette campagne avec la mairie. Il explique que “ce n’est pas seulement une déclaration, il va y avoir de véritables actions. L’objectif est de créer à Barcelone une sorte de microclimat pour qu’il y ait un espace pour les véganes et les végétariens, pour les locaux et les touristes”.

Flax & Kale

Flax & Kale

Un développement croissant

Est-ce que le véganisme pourrait entraîner une forme de communautarisme, voire d’exclusion? Selon Caroline Gourdier, psychologue “effectivement c’est un mode de vie, donc beaucoup de forums et de groupes Facebook se sont formés. En général c’est plus pour donner des conseils (…) c’est un soutien dans la communauté. Comme dans la plupart des groupes, certains peuvent être radicaux ou fanatiques et donc s’exclure, mais cela reste rare. Le véganisme est basé sur le respect des animaux donc le respect aussi en général (…) Les véganes sont beaucoup en contact avec les non véganes et n’ont pas tendance à s’isoler.”

Malgré tout, le véganisme n’est pas sans danger. Par exemple en juillet dernier à Milan, un couple s’est vu retirer la garde de son enfant car il souffrait de malnutrition en suivant le régime végane. Quant à l’avenir du véganisme à l’échelle mondiale, les avis divergent selon la BBC. Des chercheurs de l’université d’Oxford avancent que si en 2050 tout le monde devient végétarien, les émissions de gaz à effet de serre (liées avec l’alimentation) baisseraient de 60%. Cependant Ben Phalan, chercheur à l’université de Cambridge explique que « la vie deviendrait impossible dans certains environnements sans bétail ».

À Barcelone, le mouvement végane n’est pas prêt de s’arrêter. Pour Leonardo Anselmi de LIBERA! “d’ici 5 ans, Barcelone sera l’une des villes les plus avancées sur le domaine, avec une meilleure sensibilité et plus d’offres (…). On va être obligé de changer nos habitudes dans le futur et les villes sont les mieux placées pour avoir un rôle important, sans subir la pression des lobbies de l’industrie alimentaire”. Le véganisme a encore de beaux jours devant lui.

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