Le référendum catalan fait exploser le parti socialiste

Ce week-end, Pedro Sanchez a démissionné de son poste de secrétaire général du parti socialiste espagnol, suite à une crise interne opposant les partisans d’une abstention laissant gouverner le conservateur Mariano Rajoy à ceux qui veulent tenter de dégager une majorité de gauche. La question d’un référendum en Catalogne aura été cruciale dans l’échec d’une coalition Socialistes-Podemos

Depuis le 20 décembre dernier, l’Espagne est institutionnellement bloquée. Le parti conservateur de Mariano Rajoy a gagné par deux fois les élections législatives mais avec une marge trop courte pour obtenir la majorité absolue de députés au parlement. Seuls les centristes de Ciudadanos ont apporté leur soutien à la droite. Les socialistes, la gauche de Podemos, les indépendantistes basques et catalans continuant à affirmer leur opposition à la droite.

Justement sur le papier le nombre de députés « contre » Mariano Rajoy est supérieur à ceux qui lui sont favorables. La tentation fut grande pour le leader socialiste Pedro Sanchez, dont la liste est arrivée en seconde position, de tenter de former une coalition de toutes les forces contraires à Mariano Rajoy. Pour y arriver, le leader socialiste aurait dû charger dans son bateau l’autorisation de convoquer un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. C’était la condition sine qua non des 71 députés de Podemos et des 17 parlementaires catalans pour le rejoindre dans sa galère en apportant leur suffrages au socialiste. Dans un louvoiement permanent devant la question catalane, Pedro Sanchez a tenté de ménager la chèvre et le choux, en refusant publiquement le référendum, mais manœuvrant en coulisse pour tenter de trouver une réponse acceptable pour Podemos et les indépendantistes. Durant un temps fut envisagée la création d’une commission parlementaire chargée d’étudier le cas du référendum en échange des votes de Podemos et des indépendantistes. Une situation qui a provoqué la fureur des leaders historiques socialistes comme les anciens premiers ministres Felipe Gonzalez et Jose-Luis Zapatero. Les caciques du parti et la puissante fédération socialiste andalouse ont interdit formellement à Pedro Sanchez tout accord avec Podemos à cause du conflit territorial catalan. En échange, cette large frange du parti  réclame que les socialistes s’abstiennent au parlement afin de laisser gouvernement la droite et Mariano Rajoy. Ce conflit larvé qui coupe le parti en deux, couve depuis décembre dernier.


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La défaite des socialistes dans les élections partielles au Pays basque et en Galice fut la goutte de trop. Les opposants ont sonné la charge contre leur propre leader Pedro Sanchez en démissionnant de l’organe de direction du parti, afin de créer une situation obligeant leur chef à faire de même. Sauf, que Pedro Sanchez, avec les quelques fidèles qui lui restent, est parti en guerre contre son propre parti, qualifiant de putschistes ses opposants. La présidente socialiste en rébellion contre Pedro Sanchez essaie de prendre le contrôle du parti. Dans une scène qui restera probablement gravée pendant des années dans la mémoire politique espagnole, la responsable politique s’est retrouvé enfermée dans la rue, devant le siège de son parti pour déclarer aux journalistes « à partir de maintenant l’autorité c’est moi ». Une scène chargée du lourd symbole d’un coup d’état politique dans toute sa splendeur. Le problème c’est que Pedro Sanchez lui aussi dit qu’il représente la seule autorité du parti. Samedi après 11 heures d’exorcisme, les frondeurs socialistes ont réussi à mettre à la porte Pedro Sanchez qui a démissionné. Une équipe de gestion administrative dirige provisoirement ce qu’il reste du PSOE.

Bientôt un gouvernement en Espagne?

La crise politique du parti socialiste devient une crise institutionnelle espagnole. La vraie question étant de savoir si les députés socialistes vont permettre à Mariano Rajoy de rempiler pour un nouveau mandat ou si l’Espagne va connaitre le 18 décembre prochain sa troisième élection législative en moins d’un an.  C’est aux responsables du parti socialiste de prendre cette lourde décision. Il est évident que Mariano Rajoy n’est pas contre une troisième élection, les sondages prédisent une nouvelle montée du Parti Popular, une hausse de Podemos et une marginalisation des socialistes. Partido Popular-Podemos, le nouveau bipartisme espagnol, a de beaux jours devant lui. Pour éviter les troisièmes élections, il se dit en coulisse que Rajoy met une pression folle au PSOE. Le chef conservateur qui déteste plus que tout l’instabilité exige des socialistes un mariage sur le long terme : vote favorable lors de l’investiture, des budgets et arrêt des commissions parlementaires qui fouillent dans les affaires de corruption du PP.

L’explosion du PSOE se fait ressentir jusqu’en Catalogne. Les socialistes catalans, qui juridiquement sont autonomes des autres socialistes, menacent de faire sécession si une investiture de Mariano Rajoy est facilitée par la direction nationale du mouvement. En Catalogne encore plus qu’ailleurs les socialistes sont cannibalisés par la branche locale de Podemos dirigée intellectuellement par la maire de Barcelone Ada Colau. La question du référendum catalan est cruciale. La peur de Miquel Iceta, chef des socialistes catalan, est de se retrouver amalgamé aux droites anti-indépendance. Dans les faits, Iceta ne soutient pas le référendum prévu en Catalogne en septembre 2017, mais par le passé les socialistes catalans ont pris des accents indépendantistes, et Iceta connait bien la règle politique qui exige de ne jamais insulter l’avenir.

Ingouvernabilité du pays, explosion de l’historique Parti Socialiste, la Catalogne en état de sécession avec un référendum non autorisé prévu en septembre 2017, non seulement l’Espagne vit sa pire crise politique depuis 40 ans, mais voit aussi l’héritage de la transition démocratique de 1978 voler en éclat.

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