La guerre aux appartements touristiques est déclarée à Barcelone. Et tous les coups sont permis, d’un côté comme de l’autre. Hier, des habitants du quartier Gotic se sont faits passer pour des touristes et ont loué un appartement touristique illégal, qu’ils ont immédiatement dénoncé aux service de la mairie.
Photo : LS/Equinox
A Barcelone, près de 40% des appartements loués à la journée ou à la semaine ne possèdent pas de licence touristique et exercent donc leur activité au noir. Ils sont souvent pointés du doigt comme les principaux responsables d’une cohabitation difficile entre habitants et visiteurs, mais aussi d’un dérèglement du marché locatif. Les propriétaires préférant la rentabilité d’un logement touristique, les appartements disponibles à la location longue durée se font de plus en plus rares et de plus en plus chers dans les quartiers de la vieille ville.
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La nouvelle équipe municipale d’Ada Colau en avait fait un thème de campagne en 2015. Elle multiplie les initiatives depuis son arrivée au pouvoir en mai de la même année. Alors qu’elle vient de lancer une vaste campagne pour inciter les Barcelonais à dénoncer les appartements touristiques sans licence de leur quartier, les habitants commencent à prendre les devants.
Un groupe d’activistes de la plateforme Ciutat Vella no está en venta (« le quartier de Ciutat Vella n’est pas à vendre ») et de l’Assemblée des quartiers pour un tourisme durable (ABTS) ont ainsi loué pour une durée de deux jours un logement touristique illégal via le site Airbnb. Dès leur arrivée dans l’appartement hier, ils ont contacté les services de la mairie. Les inspecteurs municipaux, prévenus à l’avance de l’opération, sont venus constater que le logement était loué sur de courtes durées sans posséder la licence obligatoire. Ils pourront donc ordonner sa cessation d’activité, laquelle n’interviendra toutefois pas avant de longs mois de procédure.
Une professionnalisation du business Airbnb
Avec cette opération coup de poing et largement médiatisée, les activistes ont voulu apporter un fort démenti au puissant storytelling d’Airbnb. Selon eux, la plateforme n’est plus le moyen pour de pauvres familles de boucler leurs fins de mois. La plupart des propriétaires qui louent actuellement sur ces sites Internet possèdent plusieurs logements. C’était le cas du propriétaire de l’appartement dénoncé hier, qui possède 5 autres logements touristiques dans la vieille ville. « Airbnb ne propose pas un modèle d’économie collaborative, mais un modèle d’économie spéculative », explique Daniel Pardo, membre de l’ABTS.
Le géographe Alan Quaglieri, chercheur à l’Université de Tarragone, travaille depuis plusieurs années sur le phénomène Airbnb, et en particulier dans la capitale catalane : « les chiffres montrent que la majorité des appartements publiés sur la plateforme appartiennent à de grands propriétaires, qui ont plusieurs logements en location sur la plateforme. Airbnb s’est grandement professionnalisé. Les familles les plus modestes ne sont pas celles qui louent des chambres ou des appartements, car soit elles vivent dans des quartiers qui n’intéressent pas les touristes, soit dans le cas de Ciutat Vella, elles n’ont pas la place d’accueillir des touristes ».
Des propriétaires rusés
Si les habitants ont usé de ruse pour dénoncer cet appartement touristique, les propriétaires ne sont pas en reste. « Les touristes sont bien briefés, explique Gala Pin, maire du quartier de Ciutat Vella, le propriétaire leur demande de ne pas répondre si on sonne à leur porte, et s’ils rencontrent des inspecteurs, de leur dire qu’ils sont dans l’appartement d’un ami qui s’est absenté ». Dans le cas de l’appartement dénoncé hier, le propriétaire posséde même un site Internet dans lequel il précise bien que ses logements sont à louer pour des durées supérieures à 31 jours, le minimum légal pour ne pas tomber sous les normes du logement touristique. Ce qui s’est donc révélé faux hier.
De son côté, la mairie s’est félicitée de l’initiative de la plateforme citoyenne, qui promet de nouvelles actions très prochainement.
Els veïns del Gòtic, com fa anys, denunciant negocis il·legals que expulsen el veïnat. https://t.co/G4l3CKTDRk
— Gala Pin (@galapita) 20 septembre 2016