À Barcelone, la consommation de drogues est de plus en plus banalisée, entraînant ainsi une augmentation du nombre de consommateurs et d’overdoses, principalement durant l’été et les périodes de festivals. Reportage.
Depuis plusieurs années, Barcelone est devenue un véritable repaire pour les fêtards du monde entier. Que ce soit pour profiter des plages, des boîtes de nuit ou des festivals musicaux, les jeunes se pressent par milliers dans la capitale catalane. Les Barcelonais et les touristes se mélangent avec souvent un seul et même but : faire la fête. Parmi eux, des noctambules consomment des drogues illégales afin de “s’amuser” et surtout “ pour tenir le plus longtemps possible”.
Selon le docteur Santiago Nogué, spécialiste en toxicologie à l’Hospital Clínic de Barcelone, la drogue est un phénomène inquiétant dans la capitale catalane. Interrogé par Equinox, il explique que consommer des substances illicites est devenu une banalité. Le médecin voit augmenter dans son service le nombre d’overdoses depuis quelques années, ajoutant qu’“en Espagne, 1000 personnes meurent chaque année d’une overdose”. Il explique que la facilité d’accès aux drogues illégales en Espagne et surtout à Barcelone dédramatise le problème. “Acheter de la drogue est plutôt facile pour les consommateurs, vu le nombre de trafics et de vendeurs présents. Avec une telle offre et une telle demande, il est normal qu’il y ait autant de gens qui en consomment”.
Cocaïne, ecstasy, amphétamines, speed, hallucinogènes ou kétamine, autant de drogues qui sont à la portée des jeunes aujourd’hui. Il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur le nombre de personnes qui en consomment à Barcelone, mais en Espagne, 2,2% des personnes entre 15 et 64 ans ont pris de la cocaïne, 0,7% de l’extasy, 0,3% des hallucinogènes et 0,6% des amphétamines et des speeds, selon une étude de 2013 de l’Observatoire Espagnol de la Drogue et Toxicomanie (OEDT) du ministère de la Santé. D’autres chiffres provenant des services de santé permettent de donner la tendance à Barcelone. Ainsi en 2014, 1.049 personnes ont subi un traitement pour la dépendance à la cocaïne et 981 pour l’héroïne.
Pour Santiago Nogué, il existe un profil type du consommateur : un homme, entre 18 et 30 ans et qui consomme plusieurs drogues. La polyconsommation est assez récente selon le spécialiste. Aujourd’hui, les jeunes n’hésitent plus à mélanger les substances : “au cours d’une soirée, une personne va boire de l’alcool, prendre une trace de cocaïne, fumer un joint et prendre une pastille”. Il précise qu’aujourd’hui “l’objectif est de pouvoir tenir tout un week-end et donc de prendre un maximum de substances pour réussir à le faire (…) à la fermeture des boîtes, les jeunes continuent sur la plage pour ne pas s’arrêter”. Les consommateurs n’hésitent plus à tout mélanger car ils n’ont pas conscience du véritable danger. Avant, il était plus commun de prendre une seule substance.
L’arrivée de nouvelles drogues
Dans la capitale catalane, un autre problème plus précis se pose : l’apparition de nouvelles drogues. Certaines ont émergé il y a seulement 5 ou 10 ans sur le marché, comme les nouvelles substances psychoactives (appelées aussi NPS). Ces drogues de synthèse représentent des alternatives à celles déjà existantes. Souvent plus fortes et plus dangereuses, leur forte consommation est responsable de l’augmentation du nombre d’overdoses à Barcelone. Parmi les NPS, il existe le spice. Vendu comme une alternative au cannabis, le spice présente pourtant des effets beaucoup plus addictifs et plus puissants. Beaucoup de dérivés des amphétamines sont également composés dans des laboratoires illégaux, dans le but d’augmenter l’effet addictif pour les consommateurs.
Récemment, le site d’information El Español annonçait l’arrivée de 25N-NBOMe, une substance hallucinogène imprégnée dans des bonbons en forme d’oursons. Aujourd’hui, la drogue circule sous une forme attractive, comme des pastilles colorées. “Nous sommes loin du temps où il fallait se piquer pour prendre de la drogue, elle circule sous forme de poudre ou de pastilles, ce qui rend la consommation plus facile et ce qui renforce la banalisation” explique le docteur Santiago Nogué.
Augmentation durant l’été et la période des festivals
Durant plusieurs périodes de l’année, les médecins observent une nette augmentation des overdoses et donc de la consommation de drogues. Les week-ends, mais aussi l’été. L’an dernier, plus de 7 millions de touristes sont venus à Barcelone et l’été 2016 devrait battre tous les records. Parmi ces voyageurs figurent des consommateurs potentiels qui viennent pour se lâcher, profiter et oublier le temps.
José Portella est l’un des responsables du groupe d’investigation de Ciutat Vella, le quartier du centre-ville. Le policier affirme qu’il y a une hausse importante de la consommation de drogues dans cette zone durant la saison estivale. “Les touristes sont captés dans la rue par des dealers, ces derniers les accompagnent jusqu’au point de vente, à leur domicile. Les consommateurs étrangers savent parfaitement en arrivant à Barcelone qu’ils vont prendre de la drogue et quels types de drogue ils souhaitent”. Pour José Portella, il y a bel et bien un tourisme de drogues à Barcelone.
À Ciutat Vella, son unité se concentre sur les vendeurs. “Ils sont partout et sont de toutes nationalités, ils vendent dans la rue mais aussi à domicile (…) il y en a beaucoup dans tout Barcelone”. L’homme explique que les actions peuvent s’avérer difficiles “ils savent comment on agit, mais ça ne nous empêche pas d’y arriver”. Depuis le début de l’année, 40 arrestations ont été effectuées dans Ciutat Vella et principalement dans le Raval.
Les festivals musicaux constituent également des moments durant lesquels les hôpitaux enregistrent une nette augmentation des intoxications et des overdoses. Le docteur Santiago Nogué affirme que durant les festivals, il y aura “une augmentation des overdoses, c’est incontestable.” Un fait également observé durant d’autres événements de ce type. Cependant, pour la police catalane, il est difficile de faire un état des lieux. Dans le cas des festivals barcelonais, les Mossos ont expliqué à Equinox qu’ils ne peuvent pas entrer à l’intérieur, puisqu’il s’agit d’événements privés et qu’il est donc impossible pour eux de savoir réellement ce qu’il s’y passe. “Il y a tellement de festivals que c’est sûrement du cas par cas (…) après on peut supposer que sur les milliers de jeunes présents, certains consomment, c’est de la consommation de loisirs”.
Pour freiner ce phénomène, il n’y a pas de véritables solutions pour le Docteur Santiago Nogué : “Les trafiquants vont continuer d’exister. Il faudrait centrer les actions sur les consommateurs pour éviter le début à la consommation, mais c’est plus facile à dire à faire”.