La majorité parlementaire indépendantiste catalane se déchire une nouvelle fois, cette fois-ci autour du budget 2016-2017. Une crise politique sans précédent qui pourrait déclencher de nouvelles élections catalanes.
Comme toute collectivité locale, la Catalogne doit faire approuver chaque année par son parlement le budget annuel qui servira à payer les fonctionnaires et à garantir les services publics. Pour la première fois depuis la fin du franquisme et le rétablissement du parlement catalan en 1980, la Catalogne pourrait toutefois se retrouver sans budget de fonctionnement approuvé, à cause d’un conflit opposant le camp indépendantiste au pouvoir en Catalogne. D’un côté, la coalition séparatiste centriste Junts Pel Si (essentiellement composée de la droite catalane CDC et de la gauche indépendantiste ERC), et de l’autre, l’extrême-gauche indépendantiste la CUP.
Le gouvernement de Junts Pel Si souhaite faire voter rapidement le budget 2016-2017, mais a besoin des voix des députés indépendantistes de la CUP pour le faire approuver, Junts Pel Si ne disposant pas de la majorité absolue au parlement catalan. Malgré un accord de gouvernance signé par les deux formations politiques en janvier dernier, la CUP a décidé de bloquer le budget car il ne serait pas assez « indépendantiste ».
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Le parti anti-capitaliste réclame que le budget incorpore le financement d’une agence des impôts catalane (afin de ne plus verser l’argent à l’Espagne) ainsi que d’une sécurité sociale locale qui permettrait à la Catalogne de se déclarer unilatéralement indépendante au cours des prochains mois. Junts Pel Si refuse catégoriquement d’intégrer ces demandes, arguant du fait que cela rendrait les budgets illégaux, car dépassant les compétences actuellement accordées à la communauté autonome, et entraînerait une sanction immédiate du gouvernement espagnol.
Autre litige important entre Junts Pel Si et la CUP : la fiscalité. L’extrême-gauche souhaite augmenter les impôts sur le revenu des plus hauts salaires. Si l’espace d’un instant, le conseiller à l’économie Oriol Junqueras était en faveur de cette hausse, le gouvernement catalan a fini par enterrer la mesure à la plus grande fureur de la CUP.
Grave crise politique en Catalogne
A cause du projet indépendantiste de l’actuelle majorité, aucun autre groupe parlementaire ne votera pour le nouveau budget. En pleine campagne électorale pour les législatives espagnoles du 26 juin prochain, ni les socialistes, ni les centristes de Ciudadanos, pas plus que les conservateurs du PP ou les Indignés de Podemos, ne souhaitent soutenir le camp indépendantiste.
Actuellement, 78,5% du budget de la Catalogne (874,3 millions d’euros) est destiné au fonctionnement des services public dont 73,6% directement alloué aux dépenses sociales. Sans nouveau budget voté, la loi prévoit que la Catalogne continuera de fonctionner en adoptant automatiquement une prolongation des budgets de l’année précédente. Une situation instable qui ne permettra toutefois pas de répondre aux nouveaux besoins qui sont chaque année actualisés par le gouvernement. Oriol Junqueras, en charge de l’économie, s’est notamment plaint du veto de la CUP car ce nouveau budget devait incorporer le financement d’un grand nombre de nouvelles mesures sociales.
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Si techniquement, la Catalogne peut se passer de l’approbation d’un nouveau budget, politiquement, elle replonge dans la crise. Le gouvernement est totalement désavoué et le processus indépendantiste démonétisé. Une situation qui pourrait conduire la Catalogne vers de nouvelles élections à l’automne prochain. Il s’agirait alors d’un quatrième scrutin en seulement six ans.
Un scénario que n’envisage par encore le politologue Marc Sanjaume : « en cas de nouvelles élections, le projet indépendantiste risquerait de ne plus avoir de majorité au Parlament, de plus ni CDC ni la CUP ne gagneraient de députés et ERC est pour l’instant loyal au gouvernement de Junts Pel Sí, personne n’a donc intérêt à prendre le risque d’un nouveau scrutin ». Le résultat des élections espagnoles au soir du dimanche 26 juin pourrait par ailleurs exercer une grande influence sur les décisions à court terme du camp indépendantiste catalan.