« Tous les partis se préparent à de nouvelles élections en Espagne »

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L’Espagne connaît pour la première fois de son histoire moderne une situation de blocage politique. L’échec de l’investiture du socialiste Pedro Sanchez vendredi et la réticence de Podemos et du Partido Popular à favoriser des négociations semblent mener le pays vers de nouvelles élections. Le point avec Ivan Serrano, politologue et professeur à l’Université Ouverte de Catalogne (UOC).

elections espagneEquinox : Pedro Sanchez n’a finalement pas réussi à obtenir les votes nécessaires pour former un gouvernement. Quels sont désormais les différents scénarios possibles?

Ivan Serrano : Il y a aujourd’hui deux scénarios possibles. Soit un gouvernement parvient à se former. Soit aucun accord n’est trouvé et de nouvelles élections devront être convoquées. Actuellement, aucune coalition qui pourrait paraître viable n’a, à elle seule, une majorité absolue. Toutes auront besoin de soutiens externes, ce qui augure donc de gouvernements sans stabilité.

Ensuite, ce à quoi nous avons assisté la semaine dernière ressemblait plutôt à une précampagne électorale. Tous les partis se préparent à de nouvelles élections. Dans les débats, nous avons observé des accusations croisées, des affirmations qui marquaient le positionnement des partis, plutôt que des critiques constructives qui pourraient mener à des accords. Podemos ne fait pas de proposition concrète, mais critique le pacte PSOE-Ciudadanos. Avec cette ferme opposition, le parti se pose en fidèle représentant d’une gauche qui ne renonce pas. Les socialistes et Ciudadanos se positionnent comme des partis responsables, qui peuvent parvenir à des accords de gouvernement. Le PP joue quant à lui la carte du sauveur qui pourrait extraire le pays du chaos provoqué par une gauche divisée, notamment en poursuivant des réformes qui, selon lui, ont permis de sortir le pays de la crise.


Lire aussi : Podemos électrise le Parlement espagnol


Comment l’Espagne en est-elle arrivée à cette situation de blocage? 

Deux grands facteurs ont provoqué la fragmentation du parlement espagnol suite aux dernières élections. Le premier : les deux grands partis majoritaires, le PSOE et le PP, n’ont pas su se renouveler et ont beaucoup déçu. La seconde : la fracture générationnelle. De nouveaux partis sont apparus, avec de nouveaux leaders, plus jeunes et vierges de toutes les affaires qui ont touché les partis de gouvernement. C’est la première fois que le parlement est si fragmenté et surtout qu’aucun parti n’obtient ou ne se rapproche de la majorité absolue. Même deux partis ne suffisent pas à obtenir la majorité absolue, sauf un pacte PP-PSOE qui semble assez compliqué.

De nouvelles élections sont-elles donc inévitables?

Il est très difficile de faire des pronostics dans un contexte si changeant. La situation actuelle me donne l’impression que tous les partis se préparent à de nouvelles élections. Mais une grande coalition PP-PSOE-Ciudadanos n’est pas non plus impossible, avec à sa tête un autre candidat que Mariano Rajoy ou une personnalité indépendante de ces trois partis. Ce serait la seule option de gouvernement viable du point de vue idéologique. Mais elle coûterait politiquement très cher aux socialistes et à C’s. C’est donc peu probable, mais possible.

Que peut-on attendre d’un nouveau scrutin? 

De nouvelles élections avec des résultats plus tranchés peuvent permettre de dégager des coalitions. Mais comment mobiliser à nouveau un électorat qui ne s’est déjà pas beaucoup déplacé en décembre dernier? Si la participation est en baisse, cela affectera-t-il Podemos, dont l’électorat s’était fortement mobilisé? Est-ce que cela bénéficiera à Pedro Sanchez qui a renforcé ces dernières semaines sa stature d’homme d’État? De nouvelles élections constituent un pari incertain pour l’ensemble des partis politiques.

La crise politique espagnole favorise-t-elle le projet du gouvernement indépendantiste en Catalogne?

La Catalogne est dans une situation de stand-by. Le parlement catalan et le gouvernement continuent à suivre leur feuille de route, sans réel changement. Quoiqu’il arrive à Madrid, les principaux partis, sauf Podemos, ont réitéré leur refus d’un référendum en Catalogne. Même si l’Espagne convoque de nouvelles élections en juin prochain, et qu’un gouvernement se forme en septembre, la feuille de route qui doit mener la région à son indépendance n’en sera qu’à sa première phase, cela n’aura donc pas vraiment d’incidence.

 

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