Pourquoi un parti comme le FN n’existe-t-il pas en Espagne ?

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ANALYSE – Choc, tremblement de terre, séisme politique. A chaque élection en France, le Front National réalise des scores souvent plus importants que les partis de gouvernements. Un phénomène qui n’existe pas un Espagne. 

#Jeune démocratie, moins de partis

En Espagne, après plus de 40 ans de dictature franquiste, la démocratie a seulement été rétablie en 1975 et réellement consolidée dans les faits après 1981. Le débat politique a été monopolisé par le centrisme. Le centre-gauche socialiste de Felipe González ou José Luis Zapetero et le centre-droit de José Maria Aznar ou Mariano Rajoy.

Après une période de dictature, le centrisme politique était une valeur partagée unanimement par le corps électoral. Il aura fallu l’émergence de la gauche radicale de Podemos lors des élections européennes en 2014 et de Ciutadanos, parti boosté par la poussée indépendantiste catalane, pour sortir le pays d’un bipartisme établi.

Le Front National, quant à lui, bouleverse la vie politique française depuis 1981, voire encore plus loin dans le temps si l’on prend en compte que Jean-Marie Le Pen était déjà député en 1954.

#Nationalismes régionaux

Contrairement à la France jacobine, l’Espagne est relativement décentralisée. Les sentiments nationalistes le sont tout autant. Les nationalismes basques, catalans et à moindre mesure andalous ne font que dissoudre le sentiment patriotique espagnol.

Il est à noter que les partis régionalistes et indépendantistes catalans ne sont jamais tombés dans des dérapages racistes et antisémites comme cela a pu être le cas avec le Front National. Il n’empêche que les sentiments régionalistes empêchent l’éclosion d’un grand parti nationaliste espagnol enregistrant de forts scores sur tout le territoire.

#Pas le même système électoral

En Espagne la proportionnelle quasiment intégrale à un tour est appliquée dans toutes les élections. Des partis contestataires sont rapidement arrivés au pouvoir avec 30% des suffrages en prenant la gestion de villes importantes comme Madrid ou Barcelone. Le système français du vote majoritaire empêche le FN de prendre le pouvoir ou d’avoir une représentation parlementaire. Les 30% de Podemos obligent le parti à prendre des responsabilités politiques concrètes alors que le FN est l’éternel parti de l’opposition, à la tête du ministère de la parole. Le FN entretient depuis 30 ans un fantasme de « si j’étais au pouvoir, ça se passerait mieux » qui explique aussi sa longévité médiatique malgré la radicalité de ses propositions.

#Système déjà très à droite

La structure du système espagnol est relativement plus à droite que la structure du système français. Les aides sociales sont réduites au minimum, les expulsions locatives sont facilitées au maximum par le système judiciaire et les partis de gouvernement, que ce soit les socialistes ou les conservateurs, n’hésitent pas à utiliser la manière forte, comme le socialiste JL Zapatero qui avait envoyé l’armée pour remplacer les contrôleurs aériens suite à une grève, ou encore la droite de Mariano Rajoy qui a voté une loi de sécurité intérieure jugée très restrictive et répressive par de nombreuses associations.

Dur dans ces conditions pour un parti réclamant de l’ordre comme le FN de trouver un espace médiatique. En revanche, Podemos réussit à se faire une place en proposant une reforme du système, en injectant beaucoup plus de mesures sociales et d’aides aux plus défavorisés.

#Une extrême droite plus distillée

Nombre d’observateurs expliquent enfin la non-émergence d’un parti d’extrême droite en Espagne par une frange très à droite du Partido Popular. Xavier Albiol, ancien maire de Badalone et candidat en septembre dernier à la présidence de la Catalogne, a par exemple été plusieurs fois épinglé par SOS Racisme pour divers dérapages xénophobes. Il s’était notamment fait connaître avec son slogan « nettoyer Badalone » (amalgamant le nettoyage des rues et l’expulsion des immigrés), et avait essayé, sans succès, de réserver certaines activités municipales aux seuls Espagnols.

Plusieurs partis d’extrême droite se présentent aux élections, comme Vox ou Plataforma per Catalunya (PxC). Mais peu obtiennent des élus. Aux dernières municipales de mai 2015, PxC, l’unique parti qui avait réussi à avoir de bons résultats, a perdu la majorité de ses élus, passant de 67 à 8 conseillers municipaux en 4 ans.

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