OPINION – Dans leur objectif d’obtenir l’indépendance en catalogne, les séparatistes gagnent les élections sans avoir la majorité des votes comme l’annonçait Equinox Radio Barcelone dimanche dès le début de la soirée. L’avenir reste flou et la société catalane plus divisée que jamais.
Independance de la catalogne : pas de majorité en votes
Après une campagne médiatique sans précédent dans la presse indépendantiste locale, les trois partis séparatistes (la gauche ERC et la droite CDC réunies dans la plateforme Junts Pel Si) et l’extrême-gauche la Cup n’ont finalement pas réussi à obtenir une majorité en votes . Avec une participation record de 77,44%, le camps du oui à l’indépendance de la catalogne n’aura obtenu que 47,7 % des suffrages. Trois Catalans sur quatre ont donc souhaité s’exprimer sur le sujet de l’indépendance, pour finalement avoir un pays quasiment coupé en deux. Les indépendantistes, qui ont pris pour habitude de se moquer des Espagnols qui ont peur que la Catalogne « casse l’Espagne », se retrouvent eux-mêmes avec une Catalogne cassée en deux. Ces élections se sont déroulées dans le cadre de l’élection du parlement catalan. Le système électoral proportionnel offrant une représentation en sièges supérieure aux votes, les séparatistes gagnent une majorité absolue de 72 sièges.
Quel gouvernement catalan autonome ?
Ce qui rend compliquée la suite des opération est le grand écart idéologique de cette majorité absolue : un grand nombre provient des files du parti de centre droit (CDC) : 32. La gauche républicaine comptera 18 sièges, l’extrême gauche anti-capitaliste 10 sièges, des membres de la société civile et différentes associations 8 députés, les centristes démocrates 2 sièges, les socialistes 2 sièges et 1 député anciennement communiste écologiste.
A part le désir d’indépendance de la Catalogne, force est de constater que ces 72 élus n’ont souvent rien en commun, car avant de déclarer l’indépendance il va falloir constituer le nouveau gouvernement autonome catalan, lequel prendra la suite de l’exécutif sortant composé presque uniquement de membres du parti CDC d’Artur Mas. Celui-ci est bien évidement candidat à sa propre succession. Les 62 députés de Junts Pel Si pour le moment se bornent à dire que ce doit être Artur Mas le futur président. Les alliés (contre nature) de la Cup ne l’entendent pas de cette oreille et ne souhaitent pas avoir un libéral à la tête du mouvement de rupture avec l’Espagne. Le leader de la formation d’extrême gauche a d’ailleurs déclaré pendant la campagne « ne pas être devenu indépendantiste pour donner un nouveau mandat à A. Mas« . La Catalogne qui se plaint de ne pas pouvoir négocier avec Madrid sa rupture va pouvoir négocier avec elle-même qui sera son prochain président. Après les meetings festifs de la campagne et le peuple au pouvoir, les semaines à venir vont être très politiques avec les habituels marchandages post-électoraux et la répartition des postes.
Que va-t-il se passer dans les prochains jours ?
Une fois son gouvernement en place, quel que soit le Président, la Catalogne va dérouler sa fameuse feuille de route indépendantiste. Le parlement souhaite faire une série de déclarations officielles à destination du gouvernement espagnol, du Roi d’Espagne, de la communauté européenne et internationale. Des déclarations qui risquent d’être frappées d’inutilité, retoquées systématiquement par le Tribunal constitutionnel à Madrid et jugé irrecevable par la communauté internationale. Si B. Obama, A. Merkel, F. Hollande, N. Sarkozy ou D. Cameron se sont prononcés contre les désirs indépendantistes durant la campagne, il y a peu de chances qu’il y ait un revirement avec un vote laborieux à 47% pour le camp du oui.
La seule solution à la sortie du conflit serait une intervention européenne ou internationale forçant Madrid et Barcelone à trouver un accord. Un événement majeur comme une fuite importante des investisseurs du territoire espagnol et catalan pourrait motiver une médiation extérieure. La porte de sortie pourrait alors être une plus forte autonomie législative et fiscale accordée aux Catalans.
Changement de gouvernement en Espagne ?
Les élections législatives se tiendront en décembre prochain en Espagne. Beaucoup spéculent sur l’attitude du nouveau gouvernement qui prendrait la suite des conservateurs, connus pour n’avoir rien cédé face aux nombreuses demandes de l’exécutif catalan. Certains sources proches du président Mas espèrent un gouvernement fragile composé de socialistes, de centristes de Ciutadans et de la gauche radicale de Podemos pour obtenir de solides avancées dans les négociations catalanes. Un scénario de plus en plus incertain, tant le parti Podemos recule dans les sondages depuis maintenant de nombreuses semaines. Le Partido Popular peut-il espérer un second mandat ? C’est une possibilité car à l’inverse de Podemos, les conservateurs remontent dans les enquêtes. Une alliance avec les centristes pourrait leur donner les clés du pouvoir.
Il sera intéressant de voir comment vont réagir les électeurs espagnols face au cas catalan. Les socialistes ont une marge de manoeuvre très limitée. Ils pourrait être tentés de proposer le fameux pacte fiscal qui freinerait sans doute l’indépendantisme, mais cette offre est très impopulaire en Espagne, qui verrait ses ressources largement amputées. Produisant près de 20% du PIB espagnol, la Catalogne est souvent appelée à la solidarité et la générosité. Pour contrer le séparatisme catalan, électoralement la fermeté risque de rapporter plus. Et à ce jeu-là, les conservateurs pourraient bien tirer leur épingle du jeu. Entre suspension de l’autonomie, destitution du président de la Catalogne, les conservateurs sont habitués à donner des coups de mentons. Cependant, beaucoup d’électeurs du Partido Popular pourraient reprocher au président espagnol son inertie face au « problème catalan ». Les déçus de la méthode dure pourraient opter pour le parti Ciutadans, un parti créé il y a 10 ans pour lutter contre le séparatisme. N’hésitant pas à manipuler les populismes, ce parti faussement centriste a doublé par la droite le PP dans les élections catalanes, obtenant 25 sièges contre seulement 11 pour les conservateurs. Ce parti a le vent en poupe et risque de devenir l’arbitre des législatives. Dans tous les cas de figure, il est fort à parier que les Catalans continueront de célébrer de nouvelles étapes qui doivent les mener au porte de l’indépendance de la Catalogne, que ce soit par le biais d’un référendum, d’une nouvelle élection régionale ou de grands rassemblements.