Michel Houellebecq: « la mort m’amuse »

Interview exclusive  Michel Houellebecq pour Equinox Radio Barcelone

Vous venez à Barcelone présenter un recueil de poésies. La poésie avec toutes les formes d’art en 2013 est-elle encore d’actualité ?

Il faut lire des poèmes sinon on perd la main. C’est la dimension spectacle de l’auteur. La modeste dimension spectacle.

 Comment rendre un poème vivant ?

Pour qu’il soit vivant il faut le faire lire par un acteur. Ce qui leur plaît car c’est déclamatoire.

​Vous préférez écrire des romans ou des poèmes ?

Les raisons pour lesquelles on préfère quelque chose ne sont pas forcément les bonnes raisons. La poésie est plus dure à faire éditer qu’un roman. C’est un peu comme un enfant en bonne santé que l’on préfère à un enfant handicapé. La poésie c’est plus difficile car on peut écrire si on est en forme, mais si on est mal on ne peut rien faire. Avec un roman c’est différent, même pas en forme on peut toujours sortir quelque chose. Le roman il y a une part de travail et personne n’aime travailler.

Dans vos romans vous dénoncez des comportements sociétaux et individuels, dans vos poèmes cela vous est impossible ?

Il peut y avoir un flou sur l’instance dénonciation. Par exemple dans un de mes poèmes qui dit « nous avons pris la voie rapide » personne ne sait qui est ce nous. Le flou grammatical de la poésie amène une perception différente. C’est difficile à expliquer. La plupart de mes poèmes quand je mets « je », je pourrai mettre « tu, il, nous, vous » ce qui ne changerait rien.

C’est une position narrative particulière, de plus dans la poésie il n’y a aucune place pour l’humour. On peut considérer un poème comme un passage d’un moment dont on ne sait rien par ailleurs. Beaucoup de mes poèmes sont des scènes que mes lecteurs peuvent eux-mêmes compléter. Il faut qu’il y ait une rupture de narrativité dans la poésie.

 Dans vos romans, il y a énormément de points communs avec votre propre personnalité. Comme par exemple un personnage qui vient de votre ville natale de Meaux, il est informaticien et a connu les mêmes problèmes que vous avec sa mère. Vos romans sont-ils donc autobiographiques ?

Non car c’est un genre en soi, qui n’est pas le mien. Je ne suis pas doué pour ça.

Rien n’est vrai, j’invente. Certains auteurs cherchent une vérité qui est en eux pour l’exprimer, moi ça ne m’intéresse pas. Je mens dans mes livres comme dans la vie. Pour avoir des arrêts de travail il m’arrivait d’aller voir des psys et de raconter n’importe quoi pour avoir l’arrêt de travail.

Interview Michel Houellebecq

Frederic Beigbeder

Dans deux de ses romans, Frédéric Beigbeder (Nouvelles sous extasy et Un roman français) fait mention du “plus grand écrivain de tous les temps encore vivant”. Beigbeder n’a jamais voulu dire de qui il faisait mention. Moi je pense que c’est vous, confirmation ?

 Je ne sais pas il ne me l’a pas dit. En même temps je ne vois pas qui cela pourrait être d’autre ? Un peu de modestie ne fait jamais de mal. J’aime bien Beigbeder. Le personnage, pas l’écriture.

 Vous avez obtenu le prix Goncourt avec la carte et le territoire, cela va-t-il changer votre future manière d’écrire ?

Non dans mon cas cela n’a rien changé. Le Goncourt, c’est le cadeau que l’on s’offre à Noël, c’est franco-français. Changement ? Je crois que plus rien ne changera jusqu’à ma mort, le mécanisme de réception est bien établi.

 Cependant votre style a changé avec la carte et le territoire, moins de provoc’ et plus polissé ?

 Ce livre est assez bizarre, moins de volonté de comprendre. Impossibilité de comprendre les thèmes évoqués. Exemple : quand Olga s’en va , Jed ne cherche pas à comprendre pourquoi elle part. Il dit « les gens cherchent à se regrouper dans des cellules appelées familles mais la nature des temps les détruit », il ne cherche pas à comprendre plus loin que ça. Jed dans son activité artistique ne comprend pas non plus ce qu’il fait

Plus que dans mes autres livres, on a l’impression que les gens vivent dans un monde auquel ils ne comprennent absolument rien. On a une sensation de destin dans ce livre. Je disparais un peu pour les mêmes raisons qu’Olga. Car déjà une liaison amoureuse fortement érotique commençait à naître ce qui le détournerait de ses préoccupations artistiques. Donc je disparais un peu pour les mêmes raisons pour éviter que je prenne trop de place dans sa vie.

Il commence un peu à s’attacher à moi donc le mieux est de me tuer. C’est un grand enjeu dans un roman de réussir à se débarrasser des personnages. On ne peut le faire facilement. Avec l’Extension de la Lutte qui était insolent, je jetais des seaux d’eau froide sur les lecteurs à chaque phrase. La Carte est sacrifiée à l’harmonie. Je voulais avec ce livre endormir les lecteurs. Moi j’aime m’endormir, me faire bercer avec un livre. J’évite l’agression. Ça me fait penser aux Pink Floyd, au début on croit que c’est du bruit ensuite on comprend la mélodie. C’est la même chose avec la Carte et le Territoire.

L’islam est toujours la religion la plus bête, elle n’a pas changée

 Vous pourriez, maintenant que vous avez obtenu le prix Goncourt, dire encore que “l’Islam est la religion la plus bête du monde” et que Meaux votre ville d’origine est “dangereuse car remplie d’arabes”?

​Je ne regrette rien, dans la mesure où l’Islam n’a pas changé, moi je ne vais pas changer d’avis.

Ensuite je ne vais pas répéter, car cela ne servirait à rien, je n’aime pas radoter. L’essentiel est de trouver un personnage qui peut tenir ses propos. Rien de nouveau à dire car depuis des années l’Islam en France n’a pas changé. Parler de Pernaut dans la carte et le territoire me semble beaucoup plus intéressant.

​Vous avez déclaré qu’un poète doit rester vivant pour écrire, y a-t-il selon vous d’autres raisons de rester en vie ?

 Je ne sais pas, ça dépend des gens, le suicide est toujours inutile. Pas besoin de se tuer soi-même car ça va arriver tout seul, la vie est assez courte finalement. Je peux rester en vie sans écrire, je n’ai pas d’addiction à ce niveau-là. Je ne tiens pas de journal, ce n’est pas une sécrétion. En revanche vivre sans lire non.

j’adore les enterrements

​Vous êtes obsédé par la mort ?

​Non, mais ça m’amuse beaucoup, j’adore les enterrements, j’adore la terre, c’est presque joyeux, léger. Je ne pense jamais à ma propre mort. Je suis obsédé par les dents et la peau, ce sont les termes qui reviennent le plus souvent dans les poèmes. Mais la mort non finalement.

 Quels sont les auteurs qui vous passionnent ?

​Ceux du 19ème siècle : Lamartine, Beaudelaire, Verlaine, Rimbaud, Apolinaire. Je crois que ça s’arrête avec Aragon ensuite il y a eu une dégénérescence de la poésie. Je pense que la poésie s’est déplacée vers la musique.

​Vers le rap ? C’est ce que certains observateurs analysent ?

​Je ne sais pas, je n’ai jamais écouté un seul morceau, ce style ne m’intéresse pas.

​​Dans les écrivains actuels ?

Emmanuel Carrere,Philippe Giant,Thierry Jonquet, Pierre Michon, Yasmina Reza.

Actuellement c’est une bonne époque pour les romans.

 Amélie Nothomb, qui est récemment venue à Barcelone ?

Non ça ne m’attire pas. Je ne devrais même pas répondre. Je ne me sens pas obligé de tout lire, je ne suis pas critique littéraire.

 Pourquoi écrivez-vous ?

​Parce que je suis vaniteux et que j’aime le regard et les applaudissements des gens. Si je devais écrire sans être publié et lu, ce n’est pas sûr que je continuerais. Et puis c’est amusant d’écrire.

​Vous avez créé une foultitude de personnages qui sont psychopathes et frustrés sexuels, qu’y a-t-il d’amusant ?

​Ce n’est pas cela qui est amusant. Ce qui l’est, c’est de bouger les phrases de faire des effets, des détails. Les personnages sont attachants mais pas amusants. Par exemple dans la Carte et le Territoire, c’est structurel, dans la 3ème partie, on ne voit pas le rapport avec le thème du livre ensuite il faut savoir revenir au thème principal. L’auteur qui c’est le plus amusé, c’est Perec

Vous possédez une maison à Almeria. Quels sont vos rapports avec l’Espagne ?

Je vis surtout dans un endroit rempli de retraités hollandais!

biographie Michel Houellebecq

La biographie Michel Houellebecq  au sein du monde de la littérature française  commence à l’age de 20 ans.
Il commence à s’entourer de poètes. En 1985, il  fait la connaissance de  Michel Bulteau, directeur de la Nouvelle Revue de Paris, qui lui permet de publier ses poèmes. En 1991 Michel Houellebecq publie son premier livre qui est  la biographie de Howard P. Lovecraft, « Contre le monde, contre la vie ». La même année il sort un autre bouquin « Rester vivant » aux éditions de la Différence, puis chez le même éditeur, en 1992, le premier recueil de poèmes : « La Poursuite du bonheur », qui obtient le prix Tristan Tzara.

En 1994 est l’annèe pour Michel Houellebecq de la sortie de son livre  « Extension du domaine de la lutte », son premier roman, qui est traduit en plusieurs langues, qui le fait connaître à un public plus large adepte de litterature française contemporaine. Michel Houellebecq dans differents magazines tels que  L’Atelier du roman, Perpendiculaires, dont il est ensuite exclu et enfin Les Inrockuptibles. Depuis 1996, Michel Houellebecq est publié par Flammarion.  Son deuxième recueil de poèmes, « Le Sens du combat », obtient le prix de Flore 1996. « Rester vivant » et « La Poursuite du bonheur »,  sont réédités en un  volume unique en 1997. En 1998, sort son livre  « Les Particules élémentaires », son second roman traduit en plus de 25 langues. En 1999, il co-adapte « Extension du domaine de la lutte » au grand écran et parallèlement il publie un nouveau recueil de poèmes, « Renaissance ». Au printemps 2000 toujours dans le domaine de la poèsie Michel Houellebecq sort  un disque, « Présence humaine », où ses poèmes, lus par lui-même, sont mis en musique par Bertrand Burgalat.Peu de temps après, est publiè : Lanzarote, un recueil-coffret de textes et de photographies.

C’est en Espagne que Michel Houellebecq  écrit une partie son troisième roman, « Plateforme » ainsi que « La possibilité d’une île ».
Le 4 septembre 2010 sort « La carte et le territoire » avec lequel Michel Houellebecq recevra le Prix Goncourt pour cette oeuvre contemporaine.


 

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