Affaire de pédophilie au Lycée français de Barcelone : deux ans après, où en est-on ?

Lycée français de Barcelone

Tout juste deux ans après le dépôt de la première plainte pour agression sexuelle sur mineur à la maternelle du Lycée français, l’instruction piétine et le principal suspect reste libre. 

Photos : CM/Equinox

« Nous avons tout fait pour protéger et aider notre fille, mais on a l’impression d’avoir été oubliés par la justice espagnole et par le système français ». Joint par téléphone, Bruno semble calme et résigné. Il veut aller de l’avant. Lui et sa famille ont quitté Barcelone durant l’été 2023. Loin, très loin de l’Espagne et surtout de la France, dont les institutions n’ont, selon lui, pas été à la hauteur du drame. C’est sa famille qui a déposé la première plainte le 19 mars 2023.

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Les faits avaient débuté six mois plus tôt, peu après la rentrée 2022 de la maternelle du Lycée français de Barcelone (LFB). Bruno et sa femme remarquent alors chez leur fille de 5 ans des gestes intimes anormaux. Ils prennent rendez-vous avec le directeur de l’établissement, Stéphane Housset, qui balaie rapidement leurs doutes : « cela peut arriver à cet âge, il n’y a pas de quoi s’inquiéter ».

Mais les mois passent et, un samedi soir, la fillette finit par raconter à sa mère les agissements d’un « homme grand, fort, souvent habillé en orange » qui l’entrainait avec d’autres enfants dans les toilettes, leur montrait comment se masturber et les filmait. Il leur avait aussi ordonné de garder le secret, les menaçant de « poser des bombes à l’école s’ils parlaient ».

Une plainte est déposée dès le lendemain auprès de la brigade des mineurs des Mossos d’Esquadra. Et les policiers arrêtent rapidement un homme de 31 ans, Samuel R., qui travaillait à la cantine en tant qu’employé de Serunion, prestataire externe en charge des repas de l’école.

Le trentenaire, qui souffre d’un léger retard mental, est placé en détention préventive le 1er juin 2023. Il est relâché un mois plus tard, la juge estimant qu’il n’y avait aucun risque de récidive ni de fuite, sans remettre toutefois en question les indices de culpabilité. L’homme est placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de s’approcher à moins de 500 mètres du domicile des victimes présumées et de la maternelle Munner. Selon une source judiciaire, « seul le non-respect d’une de ces mesures justifierait son retour en détention préventive ».

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L’enquête avance. Six plaintes sont finalement déposées. Les jeunes victimes, de 4 à 5 ans, sont entendues par la police, les analyses médico-légales dûment effectuées. Puis plus rien. « C’est désormais dans les mains de la justice », nous explique un des policiers en charge de l’enquête, ajoutant qu’il n’a pas travaillé sur le sujet depuis de très nombreux mois. « L’affaire est complètement paralysée au tribunal, confirme l’avocat de plusieurs victimes, nous avons envoyé plusieurs relances pour qu’ils s’occupent du dossier et qu’ils fassent quelque chose, mais c’est un désastre complet, ils ne font rien, ça n’avance pas ».

La justice aux abonnés absents

Or, selon une source proche de l’enquête, l’instruction est encore loin d’être terminée et certains témoins clés n’ont pas été entendus, notamment du côté du Lycée français. Contactée par Equinox à plusieurs reprises, la direction de l’établissement n’a pas répondu à nos demandes sur le suivi de l’affaire ainsi que sur les mesures prises pour éviter que de telles agressions ne se reproduisent. « Ils ne nous ont jamais appelés pour demander des nouvelles ou montrer leur soutien », regrette Bruno.

pédophilie lycée français

En parallèle des plaintes en Espagne, une procédure pénale a également été lancée au parquet de Paris pour non-dénonciation de crimes. Elle vise des employés du LFB, qui selon les parents ont fermé les yeux sur les agissements du suspect. Là aussi, l’enquête traîne, ce qui n’est toutefois pas inhabituel pour des faits s’étant déroulés à l’étranger. « Nous espérons désormais des avancées concrètes, tangibles et rapides de la plainte déposée en France », nous indique Maitre Emmanuel Molina, avocat fondateur de ADPFE (Assistance Défense Pénale Français de l’étranger), qui confie aussi ne pas avoir eu de nouvelles du dossier depuis des mois.

Les victimes, elles, se reconstruisent comme elles peuvent. Certaines familles ont choisi de laisser leurs enfants au LFB, pour ne pas les perturber davantage. D’autres, comme celle de Bruno, sont parties loin pour tenter de tourner la page. « Ma fille voit encore un psychologue, mais elle ne veut plus du tout parler de l’affaire ni du ‘monsieur qui pue’, raconte-t-il, nous faisons le maximum pour qu’elle s’en sorte, elle fait du sport, de la musique, et avec sa maman et son frère, nous veillons à rester tous unis ».

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