La lente disparition des restaurants français à Barcelone

cafe pablo barcelone

Où sont passés les restaurants français ? À Barcelone, parmi la myriade d’offres culinaires internationales, on peine de plus en plus à trouver un drapeau tricolore. 

Photo de couverture : Equinox

« La cuisine française, ce n’est plus une marque qui vend », résume d’emblée Philippe Regol, critique gastronomique français à Barcelone depuis plus de 20 ans, auteur du blog Observación Gastronomica et régulièrement invité par les médias catalans à partager son oeil expert sur la cuisine espagnole.

En arpentant la ville, force est de constater que la gastronomie française fait grise mine. On dénombre une vingtaine, tout au plus, de restaurants dédiés à l’art culinaire tricolore. Bien peu pour satisfaire les quelques 70 000 Français de la capitale catalane.

Ce paradoxe intrigue : Barcelone est une capitale gastronomique, et la France, historiquement, celle du raffinement culinaire. Enfin, plus vraiment, explique Philippe Regol : « au 19e siècle, tous les menus ici étaient rédigés en français, c’était l’époque de la grande cuisine tricolore. Même il y a 30 ans, à Barcelone on avait encore des enseignes reconnues comme le Reno et ses 2 étoiles : il y avait un prestige français ».

Lire aussi : De plus en plus difficile de trouver un restaurant espagnol à Barcelone

Mais la cuisine française n’a pas disparu pour autant : elle s’est transformée, influencée par l’évolution des modes de consommation. À Barcelone, temple du fitness où 3 personnes sur 4 font du sport régulièrement, la diète méditerranéenne moins calorique est respectée avec rigueur.

« Il y a une raison diététique à ce changement de tendance. Notre cuisine a trop de crème, trop de lait, et on veut maintenant une cuisine plutôt méditerranéenne. Et il y a aussi, depuis une vingtaine d’années, la mode de la cuisine japonaise qui est entrée très fort, dans la ligne de l’alimentation diététique et légère », confirme notre critique.

Le japonais est en effet devenu un incontournable, avec des offres très haut de gamme, des poissons crus et des notes d’agrumes : on est loin de la blanquette. 

La french touch gastro

N’y a-t-il alors plus du tout de cuisine française ici ? Pas de dramatisme, il en reste. Le critique nous cite parmi ses favoris Le grand café rouge de Romain Fornell à Sant Martí, ou le traditionnel restaurant L’Entrecôte dans l’Eixample.

un grupo de amigos reunidos en torno

Photo : Clémentine Laurent

Outre ces marques reconnues, la nourriture française se fait discrète et s’est désormais « immiscée dans la cuisine actuelle », explique le Toulousain. On ne trouve plus autant de restaurants revendiquant une identité française, mais des influences tricolores se glissent dans les cartes les plus tendances : une sorte de french touch de la nourriture.

Un beurre blanc par-ci, un lièvre à la royale par-là, une entrecôte de ce côté… Philippe Regol note d’ailleurs un phénomène amusant, « un exotisme du retour » : on remet sur le devant de la scène de vieux plats français que l’on mélange à des cartes très modernes.

« C’est ce que j’appelle du rétro-moderne », s’amuse-t-il, évoquant par exemple le restaurant Slow & Low, dans l’Eixample. Parmi ses recette phares, le chef exécute une carbonara revisitée avec des calamars à la place des pâtes et une béarnaise en guise de sauce. 

La blanquette n’a certainement pas dit son dernier mot. Dans un savant mélange de nostalgie et de modernité, le pâté en croûte et le pithiviers reviennent aussi en force, prouvant que la cuisine française sait toujours se réinventer, même à Barcelone.

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