Intelligence artificielle en Europe : quelle place pour l’Espagne ?

Equinox Barcelone IA

Alors que le sommet sur l’intelligence artificielle se tient en ce moment à Paris, avec comme objectif de redonner ses lettres de noblesse à l’IA européenne, quel rôle pour l’Espagne dans cette folle course technologique ? 

Photo de couverture : HispanIA 2040

« À l’échelle mondiale, c’est aussi important que la révolution industrielle »,  clame Jérémie Benhamou, fondateur de Tech Nation, une start-up de conseil en IA basée à Barcelone. Et en effet ces derniers temps, partout, le monde n’a que deux mots à la bouche : intelligence artificielle.

Ce lundi 10 et mardi 11 février, le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA), se tient au Grand Palais, à Paris, et c’est l’occasion pour l’Europe de montrer ses muscles (technologiques) aux géants états-uniens et chinois, pour le moment leaders dans le domaine avec leurs robots conversationnels ChatGPT et DeepSEEK.

Si l’Espagne a envoyé un officiel au sommet en la personne d’Héctor Gómez, représentant permanent de l’Espagne auprès des Nations unies, le secteur de la tech n’est pas le plus convoité de ce côté-ci des Pyrénées. « Il y a un consensus qui dit que la France mène la danse en IA en Europe. Mais l’Espagne n’est pas non plus larguée », résume Jérémie Benhamou.

Et ce notamment grâce à Barcelone, hub technologique important et ville d’accueil du Barcelona super computing center, un super ordinateur qui permet – entre autres – d’alimenter et d’entraîner les robots conversationnels. Autour de cette machine surpuissante se crée depuis sa création en 2005 un écosystème technologique, qui forme scientifiques et ingénieurs : la recette idéale pour propulser l’IA nationale.  

Un plan national de grande ampleur

Pour développer cet écosystème à l’échelle nationale, le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a, à l’instar du président français, fait son annonce sur le sujet. Le 20 janvier dernier, il présentait « HispanIA 2040 », un plan permettant de répondre aux questionnements soulevés par les systèmes intelligents. En 10 points, le gouvernement veut réguler et investir dans l’IA, promettant des financements à hauteur de 150 millions d’euros pour accélérer la transition technologique des entreprises (particulièrement les PME), une plus grande égalité dans les métiers de la tech et un investissement dans l’écologie liée à l’IA.

Mais l’annonce qui a secoué le pays est surtout la mise à disposition au public d’ALIA, un robot conversationnel national souverain, disponible en 35 langues européennes dont l’espagnol et les langues co-officielles comme le catalan, le basque, le valencien, etc.

Barcelone

Photo : Clémentine Laurent

Une révolution pour le monde hispanophone : jusqu’ici, aucune IA n’était spécialisée dans cette langue, pourtant utilisée par 600 millions de personnes dans le monde. Et cette lacune se traduit par une moins bonne compréhension des attentes des utilisateurs et donc une moindre qualité de service, mettant à la traine de la technologie les utilisateurs espagnols.

La régulation, spécialité européenne

L’utilisation de l’IA est une course, notamment politique. C’est surtout la sécurité des données des utilisateurs qui inquiète les nations européennes dont l’Espagne, raconte encore notre entrepreneur : « on a coutume de dire que dans la tech, les Américains inventent, les Chinois copient et les Européens régulent ». 

Si aujourd’hui seuls les particuliers peuvent utiliser l’IA en toute sécurité, c’est parce que l’utilisation de ces modèles privés implique l’envoi des informations à un nuage tiers (grandes entreprises), qui stocke les données. Avec ALIA, qui est publique et ouverte, le modèle n’est plus le même. Les administrations pourront désormais utiliser les robots sans crainte de voir leurs données partir aux Etats-Unis et en Chine.

En Espagne, le gouvernement a déjà annoncé deux essais concrets avec ALIA : un assistant virtuel pour l’Agence des impôts afin de rationaliser les procédures, et un outil pour améliorer le diagnostic précoce de l’insuffisance cardiaque dans les soins primaires, qui permettra d’améliorer les diagnostics plus rapidement et plus efficacement. 

Malgré ces avancées, l’Espagne reste loin derrière les Etats-Unis et la Chine dans la course, mais semble faire partie d’un bloc commun avec la France en oeuvrant pour une IA éthique et plus humaine. Comme le dit Jérémie Benhamou, « l’Europe c’est tout de même la troisième puissance technologique. On râle parce qu’elle régule mais ce n’est pas plus mal ».

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