Le conseil des ministres espagnol a approuvé le projet de loi visant à réduire la semaine de travail de 40 à 37,5 heures. Quelles seront les conséquences de cette réforme et sur quels secteurs ?
Photo de couverture : Clémentine Laurent
L’objectif : un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Hier, le gouvernement a approuvé le projet de loi visant à réduire la durée maximale légale du travail de 40 à 37,5 heures par semaine en moyenne annuelle, sans perte de salaire. Cette approbation marque le début d’un laborieux processus législatif, qui passera ensuite par divers rapports obligatoires avant d’être soumis au Parlement.
La réforme profiterait à 12,5 millions de salariés. Parmi eux, un tiers des salariés espagnols qui ont actuellement les horaires les plus longs verront leur temps de travail diminuer de plus d’une heure et demie par semaine.
Les secteurs où l’impact sera le plus important sont ceux de l’hôtellerie et la restauration, l’information et la communication, le commerce et l’agriculture, l’élevage et la pêche. À l’inverse, certains domaines ne seront pas impactés, car leurs conventions collectives prévoient déjà des horaires inférieurs à la nouvelle limite légale, comme l’éducation, l’administration publique, les banques et assurances et la distribution d’eau et gestion des déchets .
La réforme concernera aussi les emplois à temps partiel. Les contrats d’une durée hebdomadaire moyenne de 37,5 heures ou plus « seront automatiquement convertis en contrats à temps plein » à compter de l’application de la nouvelle durée légale du travail, tandis que ceux qui travaillent moins conserveront leurs horaires, mais verront leur salaire ajusté proportionnellement.
Sanctions et règles d’encadrement
Avec cette loi viennent des sanctions plus dures qu’auparavant. En effet, dès son entrée en vigueur, l’inspection du travail infligera une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 euros par personne aux entreprises qui ne respectent pas l’enregistrement des heures et la mise en place des 37,5 heures.
D’autres mesures visent à garantir le respect des règles et le bien-être des salariés. Le texte établit que l’employeur tiendra un registre numérique quotidien de la journée de travail afin de garantir le respect de la règle et d’éviter toute falsification. Il y aura également un registre des heures supplémentaires, jour par jour, pour le paiement de la rémunération. Ce sont les travailleurs qui effectueront personnellement et directement les inscriptions, de sorte que l’entreprise ne pourra pas conditionner leur contenu.
Photo : mairie de Barcelone
La nouvelle législation renforce par ailleurs le droit à la déconnexion numérique des travailleurs en dehors de leur journée de travail, en faisant un droit « inaliénable » du salarié, pour lequel il ne peut y avoir de conséquences négatives ou de représailles s’il ne répond pas aux communications de l’employeur en dehors de ses heures de travail.
Une approbation laborieuse
La ministre du Travail Yolanda Díaz, figure de l’aile gauche du gouvernement et patronne du parti radical Sumar veut que cette réduction soit appliquée avant le 31 décembre 2025, avec dans le viseur les probables législatives anticipées de 2026.
Mais le texte devrait connaitre une naissance difficile au Parlement espagnol. La coalition socialiste-gauche radicale ne dispose pas, pour l’instant, des soutiens nécessaires à l’adoption de sa réforme. L’initiative rallie pourtant la gauche catalane et les régionalistes basques, mais tout repose désormais sur les sept députés indépendantistes de Junts, le parti de Carles Puigdemont, arbitres d’un équilibre précaire.
D’un côté, Puigdemont hésite à s’opposer frontalement à une réforme largement plébiscitée. De l’autre, Junts, encore marqué par l’échec de la tentative de sécession de 2017, cherche à retisser des liens avec les milieux économiques, notamment les PME, bastions traditionnels de ce parti de centre-droit. La porte de sortie pourrait passer par une série d’amendements destinés à adoucir le texte, avec en ligne de mire des mesures de soutien financier pour les petites entreprises. Un compromis qui pourrait bien dessiner l’issue de ce bras de fer parlementaire.
Cette réforme marque un tournant historique en Espagne : c’est la première modification majeure du droit du travail depuis 1983. Yolanda Díaz a d’ailleurs rappelé à l’issue du vote que « ce qui est important, c’est notre vie, et non le temps que nous consacrons à une activité professionnelle. Il s’agit de vivre mieux, de travailler moins et d’être beaucoup plus productif et économiquement efficace ».