Commander ou ne pas commander ? Voilà le dilemme auquel sont confrontés chaque soir des milliers de personnes, devenues bien malgré elles addicts à la commande de nourriture en ligne. À Barcelone, capitale gastronomique aux 10 000 bars et restaurants, la problématique est particulièrement présente, au détriment des économies et de la santé des concernés.
Photo de couverture : Equinox / Clémentine Laurent
« J’étais à 3 ou 4 commandes par semaine et financièrement ça pouvait monter jusqu’à 200 euros les gros mois », nous confie Juliette* (le prénom a été modifié), Française à Barcelone depuis 4 ans. Pour elle, comme pour beaucoup d’autres, les applications de livraison à domicile type Glovo ou Ubereats ont une emprise sur sa vie quelque peu démesurée. « C’était motivé par la flemme », explique celle qui a drastiquement réduit sa consommation depuis le début de l’année, « et puis je sortais boire des verres et quand je rentrais, forcément je n’avais pas fait les courses donc le réflexe c’est de commander ».
En 2023, 61% des Espagnols ont commandé « par commodité ». Une habitude qui a explosé depuis la pandémie et qui fait des ravages dans le monde entier, jusqu’à presque devenir une addiction.
C’est que les mécanismes de ces plateformes sont bien rodés et faits pour s’insérer dans un quotidien de plus en plus pressé, nous confirme Delphine Dolynny, nutritionniste à Barcelone : « la plupart des personnes qui commandent et que j’accompagne sont des femmes entre 30 et 40 ans, qui courent sans cesse après le temps. Pour elles, c’est une façon de souffler ».
Commander pour se décharger d’une certaine charge mentale est très tentant, surtout dans la cité comtale où le nombre de restaurants proposant le service est incalculable. Du choix et du pas cher : la recette est inratable.
Photo : Louis Hansel – Unsplashed
« Il ne faut pas être dans la frustration »
« Le moment où ça a basculé, c’est quand j’ai eu Glovo Prime », raconte encore Juliette. Avec ce service, qu’elle payait 8 euros par mois, elle n’avait plus à verser les frais de livraison. Thaï, indien, burgers, pizzas… « Ça m’a fait prendre du poids, manger moins sainement et donc j’étais moins en forme. C’était pas terrible » admet la jeune femme de 27 ans.
Des burgers, pourquoi pas, mais avec parcimonie. Mehdi, 28 ans et qui habite dans le Born a lui aussi décidé de réduire sa consommation en passant de 2 fois par semaine à 2 fois par mois pour préparer le semi-marathon de Barcelone, en février. S’il lui arrive de commander un burger le dimanche, il fait attention le reste de la semaine. Une consommation équilibrée que Delphine félicite : « moi aussi ça m’arrive de commander, si c’est une fois et que le reste du temps c’est équilibré, c’est très bien, il n’y a pas de problèmes. Il ne faut pas être dans la frustration ».
Commander sainement
En outre, en matière de livraison à domicile, l’important est de choisir avec sagesse, explique la nutritionniste, qui estime que la malbouffe n’est pas une fatalité, et qu’on peut commander tout en mangeant sainement. Il faut simplement « trouver des options ‘moins pires que d’autres’ comme la cuisine moyen-orientale et asiatique, thaï par exemple. À l’intérieur il faut prendre les plats les moins riches où il y a des légumes comme le dahl, le houmous ou le taboulé ».
Les chiffres nationaux n’ont pour le moment pas l’air de suivre ses conseils. Parmi toutes les applications de livraison, c’est la cuisine américaine et ses burgers qui sont les plus plébiscités en Espagne. Et selon le rapport annuel JustEat, le smashburger était le plat le plus commandé de l’année 2024 à Barcelone. Peut-être qu’une version végétarienne serait la solution pour allier plaisir et nutrition ?