Si la dépression est de mieux en mieux prise en charge en Catalogne, elle ne touche pas tous les publics de la même manière. À l’occasion du Blue Monday, état des lieux de la santé mentale catalane.
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Il fait froid. Il fait moche. Il n’y a pas de fête ni de jour férié. Oui, le mois de janvier est définitivement le mois le plus déprimant de l’année, mais il y a pire que ça : le jour le plus déprimant du mois le plus déprimant de l’année, appelé le Blue Monday ou lunes triste en espagnol. Ce lundi maudit, désigné ainsi à cause du mauvais temps et de l’anxiété liée au travail intense du début d’année tombe aujourd’hui, le 20 janvier.
En Catalogne l’année dernière, 9,2% des personnes de plus de 15 ans souffrent de troubles dépressifs modérés ou graves, explique l’Agence de la santé catalane dans un rapport récent. Un chiffre qui est 28% plus élevé que celui de 2019. Bien sûr, la pandémie est passée par là, ce qui a fortement fait augmenter le taux de personnes en dépression, mais d’autres facteurs rentrent en compte comme l’accès au soin, le niveau de vie et le genre.
Si 6% seulement des dépressifs sont localisés à Barcelone, 16% vivent dans la province de Lleída. Une différence qui s’explique par le difficile accès au soin dans les campagnes, explique à Equinox Luis Botella, docteur en psychologie à l’université Ramon Llull de Barcelone : « en général ce qui pose problème c’est l’accès aux services psychologiques. La médecine et surtout la thérapie sont beaucoup plus accessibles dans les villes car les psys ne s’installent pas en campagne ».
Si en Catalogne, il y a 12 psychologues pour 100 000 habitants (deux fois le taux espagnol moyen mais beaucoup moins que la moyenne européenne de 18 pour 100 000), quasiment tous se concentrent à Barcelone. À Lleída, par exemple, il faut attendre trois mois pour pouvoir décrocher un rendez-vous avec un psychologue du service public.
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En outre, le manque d’argent dans les campagnes qui ont souvent un niveau de vie inférieur à celui de la cité comtale peut favoriser l’apparition de symptômes dépressifs. Les foyers les moins aisés sont plus susceptibles de tomber dans une dépression car moins d’argent signifie moins d’accès à la vie sociale ou aux loisirs.
Femmes et hommes, inégaux face à la dépression
« La dépression est très liée au genre, ça s’associe avec une certaine construction sociale », poursuit le psychologue. En effet, 14% des femmes catalanes souffrent de dépression contre seulement 6% des hommes. Pour autant, les taux de passage à l’acte sont inverses : les hommes commettent beaucoup plus de suicides que les femmes. « Là aussi, c’est une affaire de construction sociale », explique Luis Botella, car « faire quelque chose de disruptif et violent est plus masculin, tandis que les femmes vont pleurer plus facilement, et être plus affectées dans le quotidien ».
Il y a là quelque chose à voir avec une certaine libération de la parole. Si on a toujours appris aux femmes à faire part de leurs sentiments, les hommes sont moins encouragés à le faire. Résultat : moins de prise en charge médicale pour la gent masculine et donc plus de dépression sévère.
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Mais cette tendance est en plein évolution. En effet, les réseaux sociaux permettent aux hommes comme aux femmes de prendre la parole sur les sujets de santé mentale, même en résidant dans des régions plus isolées.
Attention toutefois à l’excès de communication sur le sujet, prévient Luis Botella : « effectivement aujourd’hui nous avons plus de connaissances des sujets de santé mentale, avec les réseaux sociaux aussi on en parle davantage, mais cela contribue peut-être parfois au catastrophisme ».