La Renfe estime que la politique de bas prix de l’opérateur français sur le territoire espagnol constitue une pratique déloyale et illégale. Elle prépare un dossier pour porter l’affaire devant les tribunaux européens.
C’est l’histoire d’un divorce qui n’en finit plus. Après 10 ans de vie commune avec la Renfe sur les lignes à grande vitesse reliant la France à l’Espagne, la SNCF avait mis une fin brutale et unilatérale à la coopération commerciale début 2022. La raison officielle : le consortium était déficitaire. La raison officieuse : l’Europe libéralisait les chemins de fer. La SNCF voulait avoir les coudées franches pour se déployer en Espagne, et ralentir au passage l’arrivée de la Renfe sur le territoire français.
Et cela a fonctionné. Ouigo, qui opère dans la péninsule ibérique pour la SNCF, a grappillé 20% de parts de marché à la Renfe grâce à une politique de prix agressive. De son côté, la Renfe s’est installée tardivement en France et peine encore à obtenir les homologations pour arriver jusqu’à Paris. Selon des sources internes de l’opérateur espagnol, la SNCF fait tout ce qui est en son pouvoir pour ralentir les autorisations nécessaires.
Mais la goutte qui a fait déborder le vase, c’est la publication des comptes de Ouigo. La filiale française cumule 121 millions d’euros de pertes depuis son implantation sur le marché espagnol. « Ce sont les contribuables français qui paient ! », s’étrangle un cadre de la Renfe. L’opérateur espagnol considère que Ouigo fausse la concurrence en vendant des billets à des prix très bas et en utilisant, en parallèle, des investissements en capital camouflés provenant de sa maison mère.
Le ministre des Transports fait front
Et le gouvernement lui emboite le pas. En début d’année, le ministre des transports Oscar Puente a déjà dénoncé un « dumping commercial » de la part de Ouigo, avec des prix si bas qu’ils ne couvrent pas ses coûts opérationnels. Une pratique qui forcerait une baisse des prix chez les autres opérateurs ferroviaires et nuirait à leur compétitivité. Le ministre a estimé que l’affaire devrait être examinée par la Commission européenne.
Le sujet est pris au sérieux chez la Renfe, qui rassemble actuellement les preuves nécessaires pour porter l’affaire devant la Commission mais aussi devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). De son côté, Ouigo rejette en bloc les accusations. La filiale explique que son financement se base sur ses propres ressources, que sa politique commerciale n’est en rien illégale et qu’elle espère bientôt atteindre l’équilibre financier.