Le Lycée Français de Barcelone n’a pas toujours été géré et administré par l’AEFE ou par le gouvernement français. Dans ces premières années, il a été géré par les Français de Barcelone- Cependant, sous le régime de Vichy, il a été placé sous l’autorité directe du gouvernement français, à la demande de Philippe Pétain. Retour sur cet épisode oublié.
Photo : Philippe Pétain dans une école de l’Allier en 1941, Mémorial de Caen
Constitué en 1924 dans le but d’offrir aux enfants de la bourgeoisie française de la Barcelone une éducation poussée, l’établissement était financé et organisé conjointement par la Générale, l’équivalent du gouvernement des Français de Barcelone, et les parents d’élèves. Cependant, la sélection, le détachement et la rémunération des enseignants étaient confiés à l’Université de Toulouse.
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Cette dépendance d’un établissement scolaire envers une université française était commun à l’époque, si bien que, durant les premières années du Lycée, il n’avait jamais été question de le placer sous l’autorité directe du gouvernement français. Même après la guerre civile espagnole, malgré une intervention croissante du gouvernement français par l’intermédiaire de Philippe Pétain, alors ambassadeur en Espagne, l’autonomie de l’établissement fut préservée.
Sous protection diplomatique
C’est la défaite de la France face à l’Allemagne nazie en 1940, suivie de l’accession au pouvoir de Philippe Pétain, qui marque un tournant pour le Lycée. Le chef de l’État français, soucieux de préserver les nombreux et anciens intérêts culturels français en Espagne, menacés par le régime franquiste notoirement francophobe, opte pour une politique de « collaboration » avec le régime franquiste – c’est le terme qu’il emploie –.
Pour sauvegarder ce qui peut l’être, Pétain ordonne au ministère des Affaires étrangères français de prendre le contrôle financier des deux principaux établissements scolaires français d’Espagne : ceux de Barcelone et Madrid. Par ce geste, il entend placer ces institutions sous protection diplomatique française. Ainsi, face à la menace constante de confiscations, régulièrement brandie par Franco à l’encontre des biens culturels français, la France pouvait espérer maintenir quelques intérêts.
Une vitrine de Vichy
Cependant, la motivation diplomatique n’est pas la principale raison de l’intervention de Pétain. Il souhaitait également faire de l’établissement une vitrine du projet éducatif du nouveau régime français, axé sur la Révolution Nationale. Les programmes scolaires furent remodelés, des portraits à son effigie installés, et même une visite de son épouse, Annie Pétain, fut organisée.
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Entre 1940 et 1943, le Lycée bénéficie d’importantes subventions, totalisant 10,5 millions de pesetas, une somme considérable qui permit à l’établissement de passer de 200 à 519 élèves. Ces largesses financières ne furent pas étendues aux Écoles françaises (actuelles Ecole Lesseps), qui furent délaissées, ne reçurent que 212.000 pesetas pour environ 400 élèves, bien qu’elles aient compté en 1940 plus d’élèves que le Lycée. Ce traitement inégal entre les deux établissements sous le régime de Vichy se reflète encore davantage lorsque l’on calcule la moyenne des subventions par élève : en 1941, le Lycée recevait 2.910 pesetas par élève, contre seulement 350 pesetas pour un élève des Écoles françaises.
La libération
En 1943, les fonctionnaires du Lycée, pourtant initialement vichystes, deviennent hostiles à celui-ci en raison de sa compromission avec l’Allemagne nazie. Vichy, avec l’appui des autorités franquistes, obtient leur expulsion et reprend le contrôle de l’établissement en y plaçant de nouveaux fonctionnaires. Cependant, ces derniers ne tardent pas à basculer dans la dissidence, rendant la situation du Lycée très précaire. Cette précarité est d’autant plus marquée que les fonctionnaires expulsés en 1943 fondent leur propre établsisement qui connaît un grand succès.
Classe de 12ème en 1953 – Archives LFB
En 1944, ces mêmes fonctionnaires reprennent possession des locaux du Lycée. Malgré la proclamation de De Gaulle selon laquelle « Vichy est nul et non avenu », la question de revenir sur la décision de placer l’établissement sous la tutelle du gouvernement français n’est pas remise en cause. Au contraire, le Gouvernement Provisoire de la République française valide tous les décisions prises par Vichy concernant Barcelone, y compris le choix de ne pas subventionner les Écoles françaises, consacrant ainsi le quasi-monopole du Lycée dans le paysage scolaire français de Barcelone jusqu’en 1968.
L’histoire des Français de Barcelone
L’historien Guillaume Horn, auteur de cet article, a dirigé les recherches et la rédaction de l’ouvrage LES FRANÇAIS DE BARCELONE, OMBRES ET LUMIÈRES – DU XVE AU XXE SIÈCLE.
Le livre est toujours disponible et s’il est acheté à la librairie française de Barcelone Jaimes, tous les revenus sont reversés à la Bienfaisance. Infos et commandes sur le site de la librairie.
