Logement : ce que l’Espagne peut apprendre des autres pays européens

Cyane Morel

Loyers records, achats inaccessibles, offre réduite… La crise du logement atteint toute l’Espagne, et en particulier ses grandes villes. Comment la péninsule pourrait-elle s’inspirer de ses voisins ? Eléments de réponse. 

Photo : Cyane Morel/Equinox

Se loger devient un vrai parcours du combattant à Barcelone, mais aussi à Madrid et dans plusieurs capitales régionales. Une nouvelle manifestation massive est prévue le 23 novembre prochain dans la cité catalane. Les syndicats menacent de faire la grève des loyers si aucune mesure n’est prise par les pouvoirs publics.

Spécialiste de la spéculation immobilière, qui a causé l’une de ses pires crises financières il y a 15 ans, l’Espagne a du mal à se réformer sur le sujet, sclérosée par d’innombrables lobbies et intérêts privés. Pire, la régulation fait peur aux propriétaires, qui préfèrent retirer leurs biens du marché locatif et réduisent ainsi l’offre disponible, faisant mécaniquement grimper les prix. Pour faire baisser la pression, l’agrandissement du parc de logements sociaux, aujourd’hui presque inexistant, semble devenir une priorité nationale comme locale. Le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez a ainsi promis en 2021 la construction de 100 000 logements sociaux, dont un tiers serait réservé aux jeunes. En attendant, les prix des loyers montent, comme un peu partout en Europe, à des rythmes différents. Certaines solutions étrangères semblent un peu mieux fonctionner.

Bruxelles : remettre les logements vides sur le marché

Cette année, Bruxelles a mis en œuvre le droit de gestion publique, une mesure permettant aux municipalités de réquisitionner temporairement des logements vides ou insalubres. Cette politique vise à rénover ces biens et à les proposer en location sociale. Le propriétaire récupère son bien une fois que les revenus locatifs ont couvert les coûts de rénovation engagés par la municipalité, à moins qu’il ne rembourse la différence plus tôt.

Cette initiative garantit la qualité des logements disponibles et incite les propriétaires de logements non habités à les remettre sur le marché. Une mesure qui pourrait être efficace en Espagne, où l’on estime le nombre de bien vides à près de 4 millions.

Vienne : des logements sociaux pas ghettos

Pour éviter les effets négatifs de la régulation, Vienne a de son côté mis en place un système mixte intéressant. Depuis plus d’un siècle, la municipalité de la capitale autrichienne s’est lancée dans la construction de logements publics, financés par des taxes sur les biens et services de luxe. Cette initiative visait à répondre aux besoins de logement abordable pour les nombreux déplacés de l’ancien Empire austro-hongrois après la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, Vienne possède le plus grand parc de logements publics d’Europe : près de 60 % de la population y réside, avec des loyers bien plus accessibles que dans d’autres grandes villes.

L’accès aux logements sociaux n’est pas réservé uniquement aux personnes à faibles revenus, mais repose aussi sur d’autres critères comme l’âge et la composition des familles. Les immeubles comprennent des logements de tailles et de loyers variés, favorisant ainsi des communautés mixtes et évitant la formation de ghettos. Le droit d’occuper un logement social se transmet de pères en fils. Ce modèle public est complété par le secteur privé, notamment via les coopératives : des associations permettant aux futurs résidents d’acheter des parts pour financer la construction de bâtiments, avec un soutien de la municipalité. L’Espagne aurait là aussi de quoi s’inspirer, avec une réelle planification à moyen et long terme, en faisant collaborer secteurs publics et privés. Un défi sans doute, mais un passage nécessaire pour assurer un logement digne à tous ses citoyens.

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