À Barcelone, quand le retour au bureau impacte la santé mentale

Cyane Morel

Souvent lié au travail, le stress peut se voir multiplier par le retour au bureau imposé. À Barcelone, c’est d’ailleurs le cas pour un grand nombre d’employés qui ne s’habituent pas à ce changement de rythme.

Photo de couverture : Cyane Morel

Alors que la moitié des entreprises espagnoles déclarent vouloir un retour au présentiel à 100%, les employés déjà concernés font grise mine. D’un point de vue de la santé mentale, ce retour à plus de rigueur et à moins de liberté n’est pas du tout le bienvenu, surtout en Espagne, où l’état mental des salariés se détériore année après année.

Selon une étude publiée en 2023 par la Fondation Santé et Personne, qui se concentrait justement sur ce retour au bureau, 35% des travailleurs espagnols se sentent tristes quotidiennement au travail, la moitié d’entre eux a des problèmes de sommeil et 6 personnes sur 10 ressentent de l’angoisse liée au travail.

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Le directeur de la fondation, Joan Piñol, affilie en grande partie ces mauvais résultats à l’obligation du présentiel : « le retour au travail en face à face a généré des troubles liés à l’anxiété, au stress ou à l’agoraphobie qui finissent par se traduire par des troubles du comportement liés, par exemple, aux addictions ou aux habitudes alimentaires ».

« Une charge mentale de plus »

Chez les grands groupes, qui ont rendu obligatoire la présence 4 jours sur 5 – et 5 jours sur 5 dès janvier – comme Amazon par exemple, ces symptômes ne se sont pas fait attendre. Dans un des sièges de la multinationale, à Barcelone, de très nombreux cas d’anxiété sont signalés, ainsi qu’une poignée de burn-outs, témoigne Roberto, un Italien expatrié de 27 ans. Celui qui vit dans le Raval est arrivé il y a deux mois à Amazon, en tant que chargé de clientèle. Il nous raconte le jour où une de ses collègues britanniques, embauchée en même temps que lui, a fondu en larmes : « je me suis retourné, et elle était effondrée. Elle a enlevé son casque, elle a dit ‘c’est trop’, et elle est partie ».

Lui-même se pose la question du départ quotidiennement. La pression imposée par la multinationale n’est pas nouvelle, mais auparavant les jours de télétravail permettaient quand même de souffler. Maintenant qu’ils ne sont presque plus autorisés, et plus du tout à partir de janvier, les employés n’ont pas de moyen de sortir la tête de l’eau.

Equinox Barcelone travail

Photo : Vicente Zambrona Gónzalez – mairie de Barcelone

Elle ne travaille pas chez Amazon, mais Clémence, 27 ans, expat depuis 8 ans est en plein processus de recrutement pour quitter son entreprise actuelle, qui ne lui autorise aucun jour de télétravail. « Pour moi c’est un manque de confiance de la part des employeurs, même si je suis d’accord que certains employés abusent », raconte celle qui exerce elle-même en tant que recruteur et constate que cette politique freine les potentiels candidats « qui ne comprennent pas qu’on leur retire ce droit qui leur a été octroyé ».

Lire aussi : À Barcelone, la fin du télétravail fait gronder les expats

Pour elle, le manque de liberté commence à devenir pesant. Ne pas pouvoir s’organiser comme elle le souhaite constitue « une charge mentale de plus ». En effet, le télétravail permettait de se délester petit à petit des corvées comme faire ses courses, le ménage ou caler des rendez-vous médicaux.

Une question d’équilibre

« Dans ce retour au travail, il y a une notion d’organisation, chez soi on peut prioriser ses tâches, la liberté est plus grande », acquiesce Caroline Gourdier, psychologue à Barcelone. Toutefois, elle pose des nuances. Pour elle, tout est une question d’environnement de travail et de personnalité. Et le télétravail 100% peut aussi avoir un impact négatif, car « travailler à la maison implique le fait d’emporter avec soi les problèmes liés au boulot et de ne pas déconnecter, ce qui peut vite devenir stressant », raconte-t-elle. D’un autre côté, le 100% bureau dans un environnement de travail toxique peut avoir un effet très néfaste.

L’idéal serait selon elle un emploi du temps hybride, permettant un équilibre qui convienne à la fois aux salariés et aux entreprises, et qui se traduira forcément par plus de satisfaction des deux côtés. Selon la Fondation, la mauvaise santé mentale est responsable de 30 % des démissions, et pourtant seulement un tiers des entreprises proposent des initiatives en matière de bien-être émotionnel. 

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