Ils sont de plus en plus nombreux à s’expatrier plusieurs fois, à la recherche d’un meilleur job ou d’un meilleur salaire. Et si ces mobilités sont bien vues dans certains cas, elles peuvent aussi fermer des portes professionnelles.
Photo de couverture : Cyane Morel
« Superexpat ». Non, ce n’est pas le nom d’un nouveau super héros Marvel au pouvoir inventé, mais une autre manière de désigner ceux et celles qui choisissent de s’expatrier à plusieurs reprises. Ceux qu’on appelle aussi multi-expatriés sont de plus en plus nombreux à parcourir le monde de job en job, et de fiche de paie à meilleure fiche de paie.
« Le marché du travail mondial est beaucoup plus fluide qu’avant. L’UE n’a plus de frontières, les zones de coopération économique sont plus ouvertes et il y a une internationalisation du marché du travail pour les cadres internationaux. Tout ceci donne un marché professionnel très compétitif et tous veulent sortir du lot en multipliant les expériences internationales », analyse Sandrine Gelin-Lamrani, coach professionnelle en carrière à Barcelone.
Ces « drogués à la mobilité » comme s’auto-désigne Adrien, cadre dans la tech à Barcelone depuis 2021 après être revenu de quatre expatriations en Asie, sont souvent de ceux qui ont attrapé le virus du voyage. Il sont aussi de ceux qui ont compris qu’aujourd’hui, pour réussir une carrière, il faut s’expatrier, et beaucoup. C’est en tout cas le résultat d’une enquête menée par la prestigieuse Harvard Business Review. Quatre chercheurs ont sondé leurs anciens élèves en MBA pour savoir si la mobilité à l’internationale les a aidés à construire leur vie professionnelle, surtout en ce qui concerne le salaire.
Photo : Cyane Morel
Et le résultat les a étonné : les avantages financiers les plus importants sont allés aux diplômés qui ont effectué plus de quatre déplacements internationaux. Pour ces « superexpats », la mobilité internationale soutenue s’est accompagnée d’une croissance salariale nettement plus élevée. En effet, leur expérience autour du globe a démontré des capacités d’adaptation, des savoirs venant d’autres cultures et donc un plus grand pouvoir de négociation.
Adrien en est la preuve vivante, puisqu’après avoir travaillé à Tokyo, Shanghai et Singapour pendant 12 ans, il a pu venir à Barcelone et négocier son salaire. Une victoire, même s’il gagne moins, bien sûr, qu’à Singapour où les impôts sont très bas et les salaires calqués sur ceux des États-Unis.
Un phénomène qui n’est pas vrai partout
Si les expatriations d’Adrien lui ont permis d’avoir de meilleurs jobs et de meilleurs salaires, ce n’est pas une réalité pour tous. Ce qui est une qualité dans des emplois transversaux, nécessitant de diriger des équipes internationales, ne l’est pas forcément dans des postes à moindre responsabilité où l’on valorise plus la loyauté et la constance que l’ouverture d’esprit.
« Nous, on privilégie la stabilité », confirme Nicolas, un Français consultant en recrutement à Barcelone, qui précise même que « certaines destinations sont plus appréciées, comme l’Allemagne ou Londres. Mais même dans ces cas-là, quand il y a trop de déplacements, ça peut faire instable ».
Même Adrien, le roi du voyage – qui s’occupe aussi du recrutement dans son entreprise – concède qu’il peut trouver ça louche : « quand je vois quelqu’un qui au bout de 6 mois ou un an a changé de pays et d’entreprise, ça me questionne ». Une fièvre du voyage qui n’est certainement pas près de s’arrêter, notamment grâce (ou à cause) de l’essor d’internet, « avec lequel on peut postuler depuis l’autre bout du monde », explique notre coach, ce qui encourage, forcément, le mouvement.