À Glòries, le marché aux puces des Encants fait carton plein depuis toujours. Mais ces jours-ci, parmi les habitués, de plus en plus d’influenceurs s’y promènent, faisant la promotion du bazar sur les réseaux. Une pub 2.0 qui plaît à la mairie mais pas à tous les commerçants.
Photo de couverture : Eve Fumey-Seguy
Il est 10h, ce mercredi ensoleillé, et le marché des Encants se réveille. Enfin, les flâneurs se réveillent, car les commerçants, eux, sont installés depuis longtemps. Dans les allées du plus grand marché aux puces de la cité comtale, les profils et les stands se suivent mais ne se ressemblent pas. Les vieilles dames catalanes à la recherche d’un mètre de tissu succèdent aux touristes suisses attirés par les vêtements vintages, tandis que plus loin, des trentenaires cherchent un nouvel élément de décoration, juste à côté de collectionneurs en quête de leur perle rare.
L’atmosphère est calme, et les commerçants, chacun derrière son stand, ou à même le sol, dépendant des moyens, donnent des conseils ou attendent patiemment l’acheteur, sans cris ni vraiment de brouhaha. Avec sa tôle futuriste qui délimite son emplacement et la proximité de la très moderne tour Glòries, il est loin, le commerce antique et désordonné que le marché des Encants fut par le passé.
Un marché très médiatique
Aujourd’hui, ce bazar à ciel ouvert est pris d’assaut par les jeunes branchés, qui se passent le mot via les réseaux sociaux, comme Cedi et Sofia, 18 ans, venus de Suisse en vacances à Barcelone. La raison de leur présence ici ? « Trouver des vêtements » répondent-ils en choeur, après avoir expliqué que c’est sur Tiktok qu’ils ont entendu parler du marché. Sur les réseaux, en effet, la braderie est un incontournable. Très régulièrement, des influenceurs du monde entier s’y rendent et filment l’endroit, devenu le repaire des fans de mode.
Photo : Eve Fumey-Séguy
Une tendance qui divise parmi les stands. Júlia, la soixantaine, vendeuse de bijoux aux airs de Mamie Nova, se souvient avec délice de la fois où une influenceuse – dont elle ne se rappelle plus le nom – et un « grand designer français » lui ont acheté des pièces. Mais un peu plus loin, Andrès n’est pas de cet avis : « tous les jours, on les voit filmer mais ici il y a des gens qui ne veulent pas finir sur internet », martèle-t-il. Lui est propriétaire de « La calle de Andrès », une boutique de revente d’appareils multimédia, dans laquelle il travaille depuis qu’il a 12 ans. Le charismatique Espagnol est une vraie star du marché des Encants : tout le monde le connait, et il connait tout le monde.
Photo : Eve Fumey-Seguy
Une vedette d’ailleurs régulièrement mise en avant sur le compte Instagram du marché. Un compte étonnamment populaire, qui cumule 20 000 followers et plus de 1 300 publications, mettant en scène tantôt les commerçants, tantôt les restaurants, tantôt les activités organisées sur le site. Cette vitrine virtuelle a été lancée en 2013 par la mairie, en même temps que l’installation du toit réfléchissant. Clairement modernistes, les deux créations ont pour but de redorer l’image de ce bazar souvent qualifié d’illégal et de sale. Une manière de nettoyer le marché, presque fait pour le rendre instagrammable, d’où la présence de nombreux influenceurs aujourd’hui.
Malgré ce lissage virtuel, le marché des Encants reste un marché. Dans l’enceinte de la structure, une très grande majorité des vendeurs ne souhaite pas être interviewée. On ne saura pas si c’est par timidité, ou par crainte que l’on remarque quelques objets tombés du camion. Une chose est sûre, derrière la propreté de l’écran, le plus grand marché de Barcelone garde ses secrets.