Connaissez-vous le fracatagnol ? Cette étrange créature à l’orée de l’espagnol, du catalan et du français qui semble en nette augmentation dans les rues de Barcelone ?
Photo de couverture : Júlia Arnau
Débarqué dans la cité comtale avec une valise pleine de marinières, de Saint-Nectaire et la ferme intention de faire rayonner son héritage, l’expatrié français est vite touché par une étrange pathologie…
Petit à petit, il se détend, allonge le pas, et on croirait même voir se dessiner un sourire à la place du rictus méprisant qui caractérise son expression. L’huile d’olive et le soleil auraient-ils eu raison de sa légendaire mauvaise humeur ? Avant même de s’en rendre compte, le voilà en train de débattre du meilleur endroit où déguster une fideuá et d’expliquer à qui veut bien l’écouter que les pinchos sont d’origine basque. Pas de panique, il ne perd pas la raison, il est juste atteint de Barcelonite aigüe.
Voici les cinq signes qui ne trompent pas.
1 – À l’heure espagnole : décalage culinaire
Après avoir fait la grossière erreur d’inviter son coloc à partager son dîner à 20h00, et essuyé un refus poli et amusé, l’expatrié français a décidé de ne plus se laisser avoir et a réglé son horloge interne sur le fuseau horaire espagnol.
Mais pourquoi au juste, les Espagnols mangent-ils si tard ? La réponse remonterait à 1940, quand le général Franco décida de sortir l’Espagne du fuseau horaire de Londres (GMT) pour s’aligner sur celui de l’Allemagne (GMT+1). À l’époque, les Espagnols changent l’heure sur l’horloge mais gardent leurs habitudes. L’ensoleillement plus long de la péninsule par rapport à d’autres pays d’Europe expliquerait aussi ce décalage.
Petit conseil pour tenir quand l’estomac crie famine au bureau : on se prépare ou on commande un sandwich au bar. C’est bien souvent grâce à ce second petit déjeuner que les transpyrénéens tiennent jusqu’à 14h00.
2 – Parlem català ? la Catalan attitude
S’étant d’abord appliqué à se rappeler ses cours d’espagnol, l’expat se rend bien vite compte qu’en Catalogne, on parle catalan. Le voilà qui baragouine pour ne pas passer pour un simple gabacho mais pour un polyglotte confirmé. Au fur et à mesure que des expressions du cru s’invitent dans sa conversation, le Français se rend compte que le catalan est plus proche de la langue de Molière que de celle de Cervantes et s’emmêle parfois les pinceaux jusqu’à en perdre son latin.
Petit conseil idiomatique : on estime que près de 80 % du lexique catalan est partagé avec la langue française. Plusieurs mots qui sont incroyablement similaires, « si us plau, merci, tot bé… », qui signifient respectivement « s’il vous plaît, merci et tout va bien ». Si jamais le doute s’installe, inviter un mot français dans un échange en catalan peut toujours fonctionner. On ne sait jamais, sur un malentendu…
3 – L’expatrié et le secret de la dégustation de calçot
Après avoir enfin compris que la calçot n’était pas un type de chaussette mais un gigantesque oignon, l’expat a mis de côté l’étiquette pour se retrousser les manches. Pas question de vivre en Catalogne sans participer à des calçotadas dont le nombre d’invitations est un indicateur sans faille de sa côte de popularité. Le voici donc en passe de maîtriser l’art périlleux de tremper une calçot dans de la sauce romesco sans se tâcher.
Petit conseil gastronomique : La précision chirurgicale de cette opération ne laisse que deux choix à l’expat soucieux de s’intégrer : laisser son chemisier blanc au placard ou se résoudre à utiliser un bavoir.
4 – Calendrier chamboulé : Adéu 14 juillet
Dans les premiers temps, l’expatrié français cale son calendrier sur les habitudes de son pays d’origine : le 14 juillet, avec son feu d’artifice et ses bals des pompiers, reste la date incontournable de ses départs en vacances. Mais rapidement, il découvre que Barcelone a ses propres célébrations, bien plus originales. Pourquoi se contenter d’un feu d’artifice quand on peut fêter la Mercè, avec ses diables armés de feux d’artifice, ses castells humains vertigineux et ses concerts dans chaque coin de rue ?
Et que dire de la Sant Jordi, une fête à la fois romantique et littéraire où les rues se transforment en un marché géant de roses et de livres ? D’abord perplexe, l’expat abandonne vite l’idée du 14 février à la française pour embrasser cette tradition unique, où l’on échange des livres au lieu de chocolats et des roses à la place de cartes de Saint-Valentin. Très vite, le 14 juillet devient une date qu’il va jusqu’à oublier, et les véritables fêtes autour desquelles il planifie ses vacances sont celles qui font vibrer la Catalogne.
Petit conseil festif : la Mercè est bien plus qu’une simple célébration locale mais une semaine pendant laquelle Barcelone est en ébullition. Défilés de géants, spectacles de drônes, traditions catalanes… C’est le moment d’en savoir plus sur sa région d’adoption. Quant à la Sant Jordi : si c’est la première, on n’hésite pas à prendre un jour de congé pour se perdre dans les rues recouvertes de roses et pourquoi pas se faire dédicacer son roman catalan préféré.
5 – Zone interdite : les aventuriers de la Rambla maudite
Après s’être fait voler son portefeuille comme un novato, l’expat enchanté par la Rambla et par les étals colorés du marché de la Boqueria comprend vite que le vrai charme de Barcelone se cache dans les petites ruelles de Gràcia, les terrasses secrètes du Raval, et les marchés locaux comme celui de Sant Antoni. La Rambla, avec ses hordes de touristes, ses prix excessifs et ses pickpockets devient vite la zone à éviter à tout prix.
Cependant, comme tout Barcelonais d’adoption, il sait qu’il est parfois impossible d’échapper à cette artère mythique. C’est donc avec un mélange de nostalgie et de résignation qu’il se résigne à guider ses amis en visite dans cette célèbre avenue, tout en jetant des coups d’œil complices aux autres locaux qui, eux aussi, semblent piégés par le devoir touristique.
Petit conseil de local : pour éviter la foule et profiter au maximum de la Rambla, allez-y tôt le matin ou tard le soir.