Le géant de la réservation d’hébergements Booking a écopé cet été d’une amende record pour abus de position dominante. Les hôtels s’organisent pour demander des dommages et intérêts.
C’est une amende historique : 423 millions d’euros pour deux abus de position dominante depuis au moins 5 ans. La commission de la concurrence espagnole, saisie par plusieurs syndicats hôteliers, a tranché le mois dernier et estimé que le portail de réservations a imposé « plusieurs conditions commerciales déloyales aux hôtels situés en Espagne qui utilisent ses services d’intermédiation de réservation et en restreignant la concurrence d’autres agences de voyage en ligne offrant les mêmes services ».
La haute autorité a notamment sanctionné le fait que Booking interdise aux hôtels souhaitant figurer sur sa plateforme de proposer des tarifs moins chers sur leurs propres sites Internet. Le prix de la plateforme doit toujours être le plus compétitif, ce qui empêche les hôtels de fixer les prix à leur guise sur d’autres supports mais entrave aussi la pénétration du marché par d’autres agences de réservation.
D’autre part, Booking met en avant les hôtels qui cumulent le plus grand nombre de réservations via sa plateforme, ce qui incite les entreprises à ne pas choisir d’autres canaux de promotion. Enfin, l’autorité espagnole de la concurrence a jugé opaques les programmes de fidélité proposés aux hôteliers.
Le début d’une longue bataille judiciaire
Le portail de réservations a déjà indiqué qu’il ferait appel de la décision, estimant être un acteur-clé pour la croissance du secteur, et notamment de ses 200 000 entreprises affiliées en Espagne.
De leur côté, les assocations hôtelières indiquent redoubler de vigilance pour que ces pratiques ne se reproduisent pas et proposent d’assister les établissements qui souhaiteraient réclamer des dommages et intérêtes pour les pratiques reconnues abusives ces cinq dernières années. « Tout hôtel, complexe hôtelier, appart-hôtel ou motel ayant eu un contrat de collaboration en vigueur avec Booking.com à tout moment entre 2019 et 2024 peut demander des dommages et intérêts pour les comportements reconnus et sanctionnés par la CNMC devant les tribunaux civils, protégés par la loi 15/2007 sur la défense de la concurrence et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », explique le cabinet d’avocats spécialisés Eskariam, qui travaille sur une procédure collective contre le portail.
Selon ces juristes, la condamnation établit que Booking « en position dominante sur le marché de la réservation d’hôtels en ligne, a commis entre 2019 et 2024 plusieurs infractions à la loi antitrust en imposant des conditions commerciales déloyales aux hôtels situés en Espagne dans son contrat, et en restreignant la concurrence d’autres agences de voyage en ligne. Ces comportements ont gravement affecté la concurrence et les revenus des établissements hôteliers en Espagne pendant des années ». Le cabinet estime que 10 000 établissements espagnols seraient en mesure de réclamer des compensations financières.