En Espagne, les aides sociales sont beaucoup plus faibles, si l’on compare à la France, Quelles en sont les raisons ? Décryptage.
Photo de couverture : Isaac Planella – mairie de Barcelone
Pas d’APL, un RSA local qui est arrivé très tard, des allocations familiales très faibles. Comparée à la France et même au reste de l’Union Européenne, l’Espagne n’est pas très en avance pour aider ses citoyens les plus défavorisés. Par exemple, l’« Ingreso minimum vital », l’équivalent du RSA français, n’a été introduit qu’en 2020, alors que le dispositif a été adopté en France en 1988, sous le nom de RMI, revenu minimal d’insertion. Fait rare dans l’histoire politique, le texte proposé par le gouvernement socialiste de Michel Rocard a été voté à l’unanimité par les parlementaires, droite et gauche mélangées. En Espagne, la droite du Partido Popular et les nationalistes de Vox se sont opposés à la mesure lors de son vote au Parlement.
Dans le pays, les dépenses sociales publiques représentent 23 % du PIB, soit l’un des niveaux les plus bas d’Europe occidentale, qui, en moyenne, implique un quart de ses dépenses pour ce budget. En outre, elles sont davantage axées sur les prestations économiques contributives (par exemple, les pensions et les allocations de chômage), qui représentent 64 % des dépenses totales, alors que dans l’UE, cette proportion est bien plus basse (la moitié seulement).
Et ces prestations contributives sont, en Espagne, plus accessibles aux foyers les plus riches, puisque, pour les toucher, un chômeur doit justifier avoir travaillé de manière stable et prolongée auparavant. Ainsi, ce sont souvent des classes sociales déjà relativement aisées qui perçoivent les aides de l’État : les riches s’enrichissent tandis que les plus pauvres ne sont pas assez aidés pas pour combler l’écart.
La disparition de la classe moyenne
Un écart qui se creuse, car les impôts payés par la population active ne sont pas suffisants pour financer d’autres aides, notamment à cause de la réduction des classes moyennes, explique l’économiste Olga Cantó à EuroNews : « Lorsque les pays commencent à perdre la classe moyenne, ils deviennent une structure comme celle que nous voyons aux États-Unis, dans laquelle il est plus difficile de financer les services publics. C’est pourquoi les services publics ont tendance à se dégrader ».
Au fil des années et des crises que le pays a traversées, notamment depuis 2008, on a assisté à un glissement de la classe moyenne vers la classe moyenne inférieure, ce qui a réduit le nombre de foyers imposables susceptibles de financer d’autres aides.
Les familles, grandes victimes de ce manque d’aides
Les foyers avec enfants sont les plus touchés par ces inégalités. Par rapport au revenu disponible, les dépenses sociales en Espagne sont inférieures aux ratios moyens de l’UE pour les enfants (de 38%), les jeunes (de 45%) et les femmes (de 16%). En 2021, l’Espagne est tombée au 14e rang des 19 pays de la zone euro en termes d’aide aux familles, la pire position qu’elle ait jamais occupée.
L’aide publique totale (y compris la garde d’enfants) s’élevait à 2 290 euros par enfant et par an. Ce montant est inférieur à la moyenne de la zone euro, qui est de 4 670 euros par enfant. Et c’est presque un quart du pays leader, l’Allemagne, qui dispose de près de 10 000 euros d’aides annuelles pour les familles avec enfants.
Détails des aides en Espagne
Allocations familiales
En Espagne, le gouvernement de Pedro Sánchez vient de proposer un versement unique de 1000 euros par enfant.
En France, les familles les plus modestes peuvent toucher jusqu’à 472,88 mensuels à partir de deux enfants. L’aide est versée de la naissance de l’enfant jusqu’à ses 18 ans. Soit un total de 102.142 euros.
Allocation de rentrée scolaire
A chaque rentrée en France il est possible de percevoir jusqu’à 454,60 € par enfant pour les plus petits revenus. La somme est versée sur le compte bancaire du bénéficiaire sans contrôle de la dépense.
En Catalogne, c’est plus strict : un chèque scolaire de 60 euros est donné et valable uniquement pour acheter des livres et des fournitures scolaires.
Aide au logement
Pour se loger en France, le montant moyen de l’APL par ménage est de l’ordre de 225 euros par mois. En Espagne, il n’y a pas de système équivalent. Les aides sont attribuées ponctuellement par les mairies et les communautés autonomes.
Aide au permis de conduire
En France, en ce qui concerne le permis de conduire, les jeunes âgés de 16 à 25 ans peuvent toucher une aide de 30€ par jour.
En Espagne, certaines régions comme la Galice ou le Pays Basque offrent une bourse pour les jeunes pouvant aller jusqu’à 2000 euros. En Catalogne, aucun dispositif n’est prévu.
La prime d’activité
En vigueur depuis le 1er janvier 2016, la prime d’activité est un complément de revenus de 173 euros par mois. Elle est accordée, sous conditions de ressources, aux personnes majeures salariées et indépendantes. Mais aussi aux étudiants salariés et apprentis. En Espagne, il n’y a pas non plus de système équivalent à cette mesure.