Les expats de Barcelone face au rejet croissant des habitants

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Après les touristes, les expatriés commencent à être désignés comme indésirables à Barcelone. Faits isolés ou phénomène naissant ? Eléments de réponse.

Photo : Lluis Uria DR

Les fêtes de Gràcia sont terminées depuis près d’une semaine et les équipes de nettoyage de la mairie s’affairent sur les murs du quartier. Douze fonctionnaires sont déployés pour recouvrir de peinture les graffitis « à caractère offensif », précise David, la trentaine. Lui et son collègue ont effacé plusieurs messages « Expats go home » (expats, rentrez chez vous), notamment celui de l’entrée de la station de métro Fontana. « C’est assez nouveau, on en voit surtout ici et dans la vieille ville ».

A quelques mètres de là, vers la Plaça de la Vila, Richard se méfie des graffitis comme des réseaux sociaux. « Cela ne représente pas les gens du quartier », assure-t-il au milieu de son magasin de guitares. Il raconte que la moitié de ses clients sont des expatriés et dénonce « des anarchistes qui sont parfois eux-mêmes étrangers et ne sont là que pour diffuser leur message politique ».  Selon le quinqua aux allures de rockeur, l’expatophobie n’existe que dans les mouvances d’extrême-gauche. « Je n’ai jamais entendu parler d’animosité envers les expatriés », confirme Maria, vendeuse dans une boutique voisine de cosmétiques bios, également habituée à la clientèle européenne.

Il faut dire que dans le quartier de Gràcia, les Européens ne manquent pas et semblent se sentir parfaitement à la maison. « J’adore vivre ici et les gens sont très accueillants », confie Céline, attablée à la terrasse d’un café près du métro Fontana. La trentenaire française vit ici depuis six ans et affirme n’avoir jamais senti le moindre rejet, ni la moindre allusion.

Un sujet politique

Le rejet des expats serait-il donc uniquement médiatico-politique ? En mai dernier, la chroniqueuse Marta Ferrer, qui officie sur la radio publique Catalunya Radio, estimait sur X que les expatriés étaient la cause de l’augmentation des loyers à Barcelone.Ponctuant son commentaire d’un « go home girl ». En août, le journaliste Jaume Clotet, directeur de la communication du gouvernement catalan entre 2016 et 2021, signait une tribune dans El Nacional intitulée « Appartements d’expatriés ? Non, merci« . Lui aussi estime que la hausse des prix, à l’achat comme à la location, provient de la vague d’expatriés au pouvoir d’achat bien supérieur à celui des locaux. Un fait difficile à démontrer, même si plusieurs agences immobilières ont reconnu signer avec davantage de clients étrangers depuis un an.

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Contacté par Equinox, Jaume Clotet concède que la faute est « partagée » entre étrangers et responsables politiques, et qu’il est nécessaire de voter des lois pour contenir la hausse des prix. Il précise aussi ne pas mettre tous les Européens ou Nord-Américains dans le même panier. « Les expats sont pour moi des gens qui viennent pour un, deux ou cinq ans, travaillent dans des multinationales ou montent des startups, puis repartent, sans avoir jamais l’intention de vivre ici ». Ni aucune envie, selon lui, de s’intégrer ou de s’intéresser à la culture locale. L’ancien haut fonctionnaire indépendantiste préconise donc des lois interdisant l’achat immobilier à toute personne qui ne réside pas à Barcelone depuis plusieurs années, « comme cela se fait au Danemark », ainsi que la création de davantage de logements sociaux.

« Il n’existe pas d’expatophobie à Barcelone, mais cela peut finir par exister si rien n’est fait pour répondre à un réel mal-être social, comme cela s’est passé pour la tourismophobie qui devient maintenant une réalité ». Car pour lui, cette forme de défense des territoires face à une mondialisation effrénée n’est par propre à Barcelone, « et si on n’y répond pas rapidement, cela peut finir comme Trump aux Etats-Unis ou comme la victoire de l’extrême droite en Allemagne dimanche ».

Les responsables politiques, qui favorisent depuis des décennies la spéculation immobilière, oseront-ils vraiment affronter les propriétaires et investisseurs en votant des lois de protection des plus précaires ? Ou seront-ils tentés de pointer du doigts les expats ? « Je ne serais pas étonné que cela soit un thème de campagne des prochaines municipales », estime le sociologue Martin Szulman, lui-même expat argentin à Barcelone.

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