Plus froids que les Espagnols, les Catalans sont-ils des Français cachés ?

Une même racine, des branches bien distinctes : malgré leur histoire commune et leur langue partagée, les Catalans et les Espagnols cultivent des caractères aussi différents que le pa amb tomàquet et les patatas bravas.

Si l’Espagne et la Catalogne partagent une langue commune et une histoire entrelacée, il existe une perception tenace selon laquelle les Catalans se distinguent de leurs homologues espagnols par leur caractère. Loin de nous l’idée de faire une généralisation absolue et de nous mettre toute la Catalogne à dos, mais admettons qu’ils sont souvent décrits comme plus froids et réservés que les Espagnols, si expressifs et chaleureux. Un cliché qui se renforce encore dans une grande ville touristique comme Barcelone. Si dans les villages du sud de l’Espagne, de parfaits inconnus vous saluent à la caisse du supermarché à coup de « ma chérie » et « mon soleil », ici, c’est parfois à peine si l’on répond à votre bonjour.

« Je suis latino-américaine, j’ai vécu en Amérique latine, à Paris et dans plusieurs endroits d’Espagne, et je peux affirmer que les Catalans sont plus froids que les Espagnols, et définitivement plus proches des Français sur ce point ! », nous indique Luisa, qui habite Barcelone.

« Les origines et cultures des Catalans et Espagnols sont différentes. Nous (les Catalans) ne sommes pas plus froids, nous sommes plus sérieux… ce qui n’est pas la même chose », indique de son côté Ferran Puig. Les Catalans sont en effet réputés pour être tout à fait chaleureux… Une fois qu’on a intégré leur étroit cercle d’amis. Ce qui n’est pas une mince affaire, tous les expatriés vous le diront…

Les Catalans : Espagnols de cœur ou Français de culture ?

« Lorsque j’étais étudiant, j’ai passé plusieurs étés à cueillir des fruits en Catalogne, des poires et des pommes dans les vergers de Lérida en juillet et août, des raisins dans le Roussillon en septembre », raconte Manuel Fernandez. « Conclusion : les paysans de Lérida ressemblent beaucoup plus aux petits propriétaires andalous qu’à ceux du Roussillon, et ces derniers ont beaucoup plus de points communs avec les paysans du Languedoc et de la Provence qu’avec ceux de Lleida. Pour en revenir à la question, à quoi ressemblent les Catalans ? Tout dépend de quels Catalans on parle : ceux du Roussillon ? Plus français que la Marseillaise, ceux des vergers de Lérida ? Plus espagnols que la tortilla, n’en déplaise à certains. Plus de cinq siècles d’histoire commune ne s’écoulent pas en vain. »

barcelone

La fameuse tortilla espagnole. (Photo : Hostelería Salamanca)

Mais qu’est-ce qui distingue le plus les Espagnols des Catalans ? « Je pourrais énumérer les clichés les plus courants, comme le fait que les Catalans sont plus travailleurs, que les Espagnols savent s’amuser, etc. Mais je pense que tout cela repose sur des clichés sans fondement », indique David Magaña. « Il y a des gens de tous horizons partout, et penser à ce qui nous différencie nous empêche souvent de voir ce qui nous unit. Je suis allé plusieurs fois à Madrid, j’y ai parlé avec des gens et je vous assure que, si vous ne me connaissez pas bien, je suis indiscernable de n’importe quel Espagnol. J’ai même parlé espagnol en Catalogne et on m’a demandé si je venais de l’étranger. »

« Les Catalans, les Navarrais et les Basques, sont très proches des Français », confirme de son côté Jose Lluis Condom Bosch, professeur de sociologie à l’Université de Barcelone. « Maintenant, il faut commencer à nuancer, car en ce qui concerne principalement les cultures de travail, c’est-à-dire les personnes travaillant dans les entreprises, la vérité est qu’elles sont assez similaires. »

Une métaphore de l’Europe à l’échelle de la Catalogne

Mais si on regarde d’un peu plus près les valeurs en Espagne, en Catalogne et en France, on peut parler d’une graduation de similitude du sud au nord. « Ainsi, on peut dire que les Espagnols du nord sont plus semblables aux Allemands et aux Belges qu’aux Espagnols. Si nous prenons en compte la variable rurale-urbaine, il y a aussi des caractères très particuliers », ajoute-t-il.

Lorsque l’on évoque les différences entre les cultures, on fait en outre souvent référence, sans le savoir, à une différence de classe sociale et de pouvoir d’achat.

« En fait, dans l’enquête mondiale sur les valeurs, il y a des différences, mais elles sont minimes. Un tableau des différences montre que l’Espagne se situe au centre des axes. La France et la Belgique ont une estime de soi plus élevée et des revenus plus élevés. On peut dire que le climat marque aussi une différence. Le développement de l’État peut également faire une grande différence dans l’éducation, la santé, et donc la culture qui l’accompagne, les horaires et les comportements dans la rue, la façon de conduire, par exemple. Lorsque les Français traversent la frontière et entrent en Espagne, ils accélèrent… tandis que les Espagnols qui passent en France se sentent obligés de lever le pied parce qu’ils savent qu’ils seront sanctionnés », conclut-il. On plaide coupable…

Mais alors, pour revenir à nos moutons, les Catalans sont-ils plus proches des Français que des Espagnols ? « Je vois beaucoup de non-Catalans essayer de répondre à cette question étrange… Je suis Catalane, née et élevée à Barcelone et vivant en Catalogne, et je ne comprends même pas la question. Si vous êtes des États-Unis, que vous vous dites « Américain », est-ce que vous vous sentez plus Canadien ou plus Mexicain ? Ça n’a pas de sens », affirme Eva.

Selon elle, impossible de se sentir Français à moins d’avoir une mère ou un père français, ou d’avoir migré en France et vécu là-bas pendant plus de la moitié de sa vie. « Maintenant, est-ce que nous nous « sentons Espagnols » ? Pas moi, et beaucoup ne se sentent pas Espagnols non plus, mais d’autres oui. C’est un sujet historique et politique très complexe à aborder, d’autant plus qu’il n’y a pas de réponse simple en noir ou blanc. Cela dépend de l’individu, car les « sentiments » sont très personnels et dépendent de beaucoup de choses, notamment : où sont nés vos parents, s’ils ont migré en Catalogne ou non, où vous êtes né, vos propres opinions politiques, quelles écoles vous avez fréquentées, etc. » Si l’on peut imaginer toutes sortes de nuances dans les sentiments d’appartenance, on doit bien admettre qu’il est pratiquement improbable d’entendre un Catalan se revendiquer explicitement Français…

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