Stéphane Vojetta : « Notre coalition républicaine peut mettre Bardella hors d’état de nuire »

Photo de couverture : Ivan Barrera

Second tour des élections législatives sur la circonscription des Français d’Espagne, du Portugal, d’Andorre et de Monaco. Le candidat du Nouveau Front Populaire et ancien responsable des ressources humaines du groupe LFI au Parlement, Maxime Da Silva, affronte le député sortant, Stéphane Vojetta. Rencontre avec le centriste qui tente de décrocher un second mandat.


On ne comprend pas bien le concept de la majorité alternative de M. Macron. Soit c’est un regroupement qui va de LR aux Insoumis, donc contre-nature soit on exclut les Insoumis et le nombre de parlementaires risque d’être insuffisant. C’est mission impossible ?

Au contraire ! Il est vrai que j’ai été parmi les tout premiers à imaginer et à parler de cette coalition de majorité alternative au RN. Mais désormais tout le monde raisonne sur la base des estimations de sièges post-désistements, ce qui amène à deux conclusions claires : premièrement, le RN n’obtiendra pas la majorité absolue et deuxièmement, le NFP contrôlé par la LFI ne sera jamais en position de gouverner, ni de près ni de loin. Du coup, beaucoup de leaders d’opinion arrivent désormais à la même conclusion que moi : une majorité alternative devient envisageable, tout en excluant à la fois le RN et la LFI, à condition que ces derniers ne soient pas trop nombreux. Sur notre circonscription, je vais m’y atteler en m’affrontant au second tour à un candidat LFI.

En cas de majorité RN, la gauche va remplir l’hémicycle de discours de “résistance”. Le RN répondra avec le ton qu’on lui connait. Coincé entre ces deux groupes, comment allez-vous vous faire entendre si vous êtes élu ?

Je reste convaincu que la coalition républicaine telle que je l’envisage peut mettre Jordan Bardella hors d’état de nuire en l’empêchant de s’installer au gouvernement. Mais si par malheur c’était le cas, et bien je serais un député d’opposition parmi d’autres. Et comme vous le savez, Marine le Pen et ses troupes me détestent, car mes tweets mettent en évidence leur amateurisme, et parce que je l’ai poussée dans ses retranchements sur l’ingérence que la Russie exerce sur elle et son parti, notamment via des financements barbouzesques. Je ne vais certainement pas les lâcher maintenant.

On sait que dans un duel LFI-RN, vous rejetez les deux candidats. Une autre question impossible : quel est le scénario le moins mauvais pour la France : un gouvernement RN, ou un pays sans gouvernement, faute de majorité parlementaire ?

Il n’y aura pas de pays sans gouvernement. Des tractations prendront nécessairement place cet été pendant plusieurs semaines pour former la coalition capable de proposer une alternative. La Constitution le permet et ne fixe pas de deadline au Président de la République pour nommer un premier ministre. Pendant ce temps-là, le gouvernement Attal restera en place et gérera les affaires courantes et en premier lieu les Jeux Olympiques de Paris 2024. Je crois que c’est le meilleur scénario possible.

Le camp Da Silva vous accuse de flirter avec l’extrême-droite, car vous n’appelez justement pas à faire barrage via un LFI. Par ailleurs, vous avez voté la loi immigration, qui selon Da Silva, reprend la thèse de la préférence nationale. Simultanément, la candidate RN a confié à Equinox qu’elle ne vous oublierait pas, et tôt ou tard se mettra en travers de votre route, au motif, selon elle, que vous avez critiqué Marine Le Pen sur Twitter. D’ailleurs, elle considère que Vojetta et Da Silva, c’est bonnet blanc et blanc bonnet et ne donne aucune consigne de vote. Vojetta seul contre tous ?

Avec tout le respect que je lui dois, monsieur Da Silva est un petit rigolo et sa campagne ne laissera pas un grand souvenir dans la circonscription malgré quelques belles photos avec le fleuron de l’extrême gauche espagnole. Tenter de me faire passer pour un proto-fasciste, moi ? Moi qui suis peut-être le député de la majorité le plus détesté par Marine Le Pen, Sébastien Chenu et Jean-Philippe Tanguy ? Les déclarations et les menaces de la candidate RN à mon encontre le confirment : les lepénistes ne m’aiment pas. Cela tombe bien, je n’avais pas l’intention de partir en vacances avec eux, et encore moins de rejoindre leur bande !

On vous reproche même d’avoir fait une photo en compagnie de la présidente de Madrid, Isabel Diaz Ayuso, car elle fait partie de l’aile dure de la droite espagnole…

J’ai aussi récemment fait des photos avec Bjorn Borg, Florentino Perez et Luis Fernandez, si c’est ce qui intéresse mes opposants. Argument ridicule.

En ce qui me concerne, je suis un député français (je suis, j’étais, je serai, bref…), je me désintéresse des positions sociétales de Mme Ayuso. Tout ce que je sais c’est que je me réjouis qu’elle ait gagné son pari d’avoir laissé Madrid ouvert pendant la deuxième vague du Covid. Cela a confirmé l’incroyable vitalité et résilience de sa population, transformé l’image de la ville dans le monde, et en a fait la nouvelle capitale du sud de l’Europe, en attendant que Barcelone récupère sa juste place après les récentes années troublées.

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Photo : Ivan Barrera

Tout au long de la campagne, on a aussi entendu cette critique : Vojetta a toujours soutenu Macron, se prend en photo avec lui, participe au groupe Macronard sur Twitter, et aujourd’hui, vous vous éloignez au maximum de la figure présidentielle. Mais vous allez siéger au sein du groupe parlementaire Macroniste, si vous êtes élu. Y-a-t-il un double discours ?

Écoutez, si je suis élu, je le serai après avoir été un candidat indépendant, sans étiquette ni investiture. C’était risqué, mais un risque calculé, car c’était le prix de ma liberté. En effet, je serai libre de choisir mon rattachement au groupe parlementaire de mon choix, et je compte faire ce choix afin de maximiser la possibilité que puisse se former la grande coalition que j’appelle de mes vœux depuis le 1er jour. Pour cela j’aurai le choix entre plusieurs options (être « non-inscrit », ou me rattacher aux groupes Horizons, ou Renaissance, ou Socialistes, ou pourquoi pas un nouveau groupe transpartisan avec vocation d’être le noyau dur de cette coalition parlementaire). J’ai d’ailleurs lancé ce vendredi matin une enquête auprès des Français de la circonscription afin qu’ils m’indiquent leur préférence. Une fois à Paris à partir du 8 juillet, je déciderai au mieux, en fonction de l’évolution de la situation politique, mais je compte bien être un pion qui compte dans la constitution de cette coalition parlementaire.

Le groupe parlementaire Macroniste sera vraisemblablement réduit. Peut-être avec un nombre de députés à deux chiffres seulement. Quel rôle souhaitez-vous jouer dans un groupe plus intimiste ?

Comme je vous l’ai expliqué, je ne sais pas dans quel groupe je serai, mais je ne parierais pas forcément sur ce qui restera du groupe Renaissance.

Macron est fini ou peut-il rebondir ?

Macron restera le Président de la République jusqu’en 2027. Il est le garant de sa Constitution, et de nos institutions. François Mitterrand à deux reprises (86-88 puis 93-95) puis Jacques Chirac (97-02) ont démontré qu’un président en cohabitation continue à jouer un rôle essentiel dans l’équilibre des pouvoirs, et le respect des garde-fous mis en place par nos ainés. Mais dans tous les cas, Emmanuel Macron sera bel et bien un président en cohabitation : soit avec un gouvernement Bardella, soit avec le gouvernement de coalition républicaine que je souhaite, mais un gouvernement qui ne pourra pas avoir pour premier ministre un membre de l’actuelle majorité présidentielle.

L’homme de l’avenir, c’est Édouard Philipe ou François Bayrou ?

La question ne me passionne pas. Gérons déjà le présent et le futur proche. Mais je vais quand même vous répondre en partie : malgré le respect que j’ai pour sa trajectoire, François Bayrou n’est certainement pas l’homme de l’avenir.

La connexion entre la France et l’Espagne, s’est dégradée au niveau des trains. La ligne TGV Paris-Toulouse a été supprimée depuis le Covid et n’a jamais été remise en fonction. Les prix sont prohibitifs pour un Barcelone-Paris en TGV par exemple. De plus, la SCNF mène une politique très agressive envers la RENFE en empêchant leurs trains de circuler en France et donc de relier l’hexagone à l’Espagne. Deux questions : comment votre majorité potentielle gérerait ce dossier, et en tant que député quelles actions mèneriez-vous ?

C’est un sujet fondamental. Ces deux dernières années j’avais mis la pression sur Clément Beaune, ministre des Transports, afin d’accélérer les procédures d’autorisation d’opérer pour la RENFE sur la ligne Barcelone-Marseille, afin de récupérer plus de fréquence de trains à grande vitesse entre la Catalogne et la France après le retrait de la SNCF. Par ailleurs je continuerai à insister pour que l’on ré-ouvre – à l’instar de ce qui se fait avec d’autres destinations en Europe – des trains de nuits entre Paris, Barcelone et Madrid, voire même Lisbonne une fois que la liaison grande vitesse Madrid-Lisbonne aura été complétée. Si, toutefois, le gouvernement portugais le souhaite dans le contexte de la Coupe du Monde de football 2030.

Quel bilan tirez-vous de cette campagne ? A-t-on réellement compris les enjeux des Français de la circonscription ?

Au-delà du résultat dans les urnes qui a confirmé d’une manière éclatante le soutien populaire à mon bilan et à ma méthode en me plaçant largement en tête au premier tour, tous les retours que je reçois (et ils sont nombreux) m’indiquent que les électeurs se félicitent que j’ai parlé avant tout d’eux et de leurs problématiques spécifiques durant cette campagne. Au contraire de mes adversaires – le premier d’entre eux monsieur Da Silva – qui auront finalement surtout parlé de moi, et de politique nationale.

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