Vivre à l’étranger et baigner dans une culture caractérisée par une langue différente de son idiome maternel peut potentiellement effacer certains automatismes linguistiques. De ce constat, des experts ont étudié la question et ont développé le concept « d’attrition des langues ».
Peut-on perdre sa langue maternelle en ne la pratiquant plus ? La question peut paraître curieuse. Et pour cause, notre langue maternelle nous définit et est, en théorie, inhérente à notre identité. Pourtant, faute de pratique quotidienne, un idiome peut s’effacer au profit d’un autre. Un phénomène appelé « attrition ».
Effectivement, selon les linguistes, une attrition est souvent causée par la forte présence d’un autre idiome qui se substitue peu à peu au premier. En s’installant dans une contrée lointaine, baigner dans une langue étrangère cause logiquement un appauvrissement de son vocabulaire, des pertes d’automatismes syntaxiques et provoque même des néologismes résultant d’un mélange entre sa langue maternelle et le nouvel idiome pratiqué au quotidien.
L’attrition, un phénomène courant chez les enfants
Le phénomène est très documenté chez les enfants, et il semble y avoir un âge charnière : “Un enfant qui cesse de parler une langue avant l’âge de 12 ans peut totalement l’oublier”, explique la journaliste Madeleine Schwartz, dans l’article intitulé « Can You Lose Your Native Tongue ? » paru dans The New York Times. La journaliste cite par ailleurs la linguiste Julie Sedivy qui estime que : “L’esprit ne peut pas faire entrer une nouvelle langue sans que cela n’ait des conséquences sur les autres langues déjà présentes.”
De surcroît, en 2005 une étude a été menée sur des Coréens ayant été adoptés en France alors qu’ils étaient âgés entre 3 ans et 6 ans. Il s’agit de la thèse de Valérie A. G. Ventureyra intitulée : « Étude psycholinguistique de l’attrition de la première langue chez des Coréens adoptés en France « . Les enfants en question comprenaient et parlaient très bien la langue coréenne à leur arrivée dans l’Hexagone. Mais à l’âge adulte, ils n’ont gardé plus aucune trace de leur langue maternelle. A contrario, leur maîtrise du français est parfaite, équivalente à celle de francophones natifs. Ainsi, l’étude démontre que dans le cas d’une immersion totale dans un pays étranger, même chez les enfants relativement âgés, l’attrition totale se fait en quelques mois seulement.
Les adultes, non plus, ne sont pas épargnés
L’enracinement cognitif qu’est la langue maternelle semble plus fugace que l’on ne le pense. Effectivement, l’attrition peut avoir lieu chez certains immigrés et expatriés de longue date. En immersion à l’étranger depuis longtemps, regarder des programmes télévisés étrangers, lire en version originale ou ne plus pratiquer régulièrement sa langue première fragilise le niveau de maîtrise de celle-ci. D’ailleurs, comprendre n’est pas vraiment un problème, mais parler l’est davantage. On ne retrouve plus un mot, on doute de la construction grammaticale d’une phrase où on emploie, sans s’en rendre compte, des néologismes !
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