Stéphane Vojetta est le député sortant qui siégeait dans la majorité parlementaire d’Emmanuel Macron pour représenter les Français vivants en Espagne, au Portugal, en Andorre ou à Monaco. Apparenté Renaissance, il se présente aujourd’hui en candidat indépendant, sans étiquette, pour tenter de décrocher un nouveau mandat. Interview.
Photo de couverture : Ivan Barrera
“Mauvaise personne” c’est ainsi que vous a décrit dans les médias Maxime Da Silva, candidat du Nouveau Front Populaire. Vous payez vos clashs sur Twitter avec la France Insoumise ?
Je paie souvent mes clashs Twitter. On peut être d’accord ou non avec mes orientations politiques mais je pense que les gens qui vivent ici et qui connaissent la circonscription me voient comme quelqu’un qui essaie de faire son maximum pour accomplir les promesses qu’il a annoncées en 2022, plutôt que comme une mauvaise personne incompétente. Insulter quelqu’un ce n’est pas très digne, et on voit que la personne qui a proféré ces paroles ne connait ni la circonscription ni l’opinion des Français qui y vivent.
Vous avez retiré toute mention d’Emmanuel Macron dans votre campagne, vous êtes un candidat sans étiquette. Vous êtes toujours Macroniste ?
J’étais un député apparenté à Renaissance et aligné à la majorité présidentielle. Si certains veulent appeler cela Macroniste, je l’accepte mais je ne me réduis pas à cela, et les gens le savent. Tout comme en face de moi, j’ai un candidat Mélenchoniste et une candidate Lepeniste. Ce que j’ai voulu faire pour ces législatives, c’est réaliser la même chose que lors de ma candidature de 2022 : la même affiche, la même suppléante Nathalie Coggia, et ne bénéficier d’aucune investiture officielle. L’Élysée m’a appelé pour connaître mes intentions. Je leur ai répondu : je repars, je veux gagner pour continuer ma mission. En revanche, j’ai ajouté que je ne voulais aucune investiture, ni de la majorité présidentielle, ni des Républicains. Mais je leur ai demandé cette fois-ci de ne pas envoyer un candidat investi contre moi.
Nous sommes dans une élection nationale de barrage. Ou barrage contre l’extrême-gauche ou barrage contre Marine Le Pen. Beaucoup de votes vont se faire sous cette lecture clivante. Se présenter sans étiquette, n’est-ce pas un pari risqué ?
Les deux extrêmes, droite et gauche, installent uniquement le duel entre eux. Nous sommes l’alternative dans chaque circonscription. Les gens ne vont pas voter pour moi pour faire barrage, mais pour mon bilan et pour ma notoriété, ce qui ne se résume pas à une étiquette que j’aurais pu mettre sur mon affiche. J’avais l’autorisation des partis, mais je veux rester indépendant et libre de mes actions à Paris.
Photo : Ivan Barrera
Où siègerez-vous, si vous êtes de nouveau élu ?
Mon ambition est de participer à une nouvelle majorité qui sera structurée autour de ce qui était l’ancienne majorité. Elle sera forcément réduite en nombre avec de probables nouveaux groupes, peut-être autour d’Edouard Philippe ou de François Bayrou. Il y aura une grande refonte du paysage politique et selon la configuration, je prendrai une décision.
La candidature de Yohann Castro, proche de LR, est une mauvaise nouvelle pour vous qui êtes placé aussi au centre droit ?
Vous connaissiez Yohann Castro avant qu’il annonce sa candidature dimanche ? Il y a aussi neuf autres candidats dont personne ne connait ni les noms, ni les prénoms. Il n’y a aucun candidat soutenu par LR, ce qui était un choix du parti de ne pas mettre de candidat face à moi.
Il y a deux parachutages majeurs sur cette circonscription : les candidatures LFI et le RN. C’était déjà le cas il y a deux ans avec l’arrivée de Manuel Valls. Est-ce une forme de mépris depuis Paris pour notre circonscription ?
Les Français de l’étranger sont parfois méprisés par les appareils de partis parisiens. Nous avons 11 députés des Français de l’étranger à travers le monde, et uniquement ces 11 personnes peuvent se lever dans l’Assemblée pour défendre les Français expatriés, notamment quand la Nupes veut une imposition universelle pour tous les Français qui vivent hors de France. Effectivement, pour les parachutés, la circonscription est perçue comme gagnable facilement. Ils se disent : « je n’aurai pas besoin de visiter ma circonscription tous les week-ends, je viendrai tous les deux mois serrer des mains et donner une interview à Equinox et j’aurais fait le job ». Je n’accepte pas ce modèle et quand je vois ces parachutés LFI et RN, j’ai les poils qui se hérissent.
Vous avez beaucoup travaillé sur la dématérialisation des actes administratifs français pour les expatriés. Si le mandat s’achève d’un coup, que va-t-il se passer ?
Le travail est entamé, mais pas terminé, c’est pour cela que je veux me faire réélire. Le gouvernement a trainé des pieds, mais j’ai mis la pression pour lancer ce système informatique qui permet de faire ses papiers en ligne de manière sécurisée. L’idée est d’éviter que les gens doivent parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre à leur consulat pour un rendez-vous de 15 minutes concernant un passeport ou une carte d’identité. L’étape suivante, c’est d’étendre ce système au reste du monde. Si on arrive à confirmer ce processus, on évitera sur notre circonscription 4 000 vols aériens de déplacements inutiles, soit 500 tonnes de co2 émis par an. Que les candidats écologiques trouvent une meilleure mesure environnementale que la mienne.
L’opposition déplore qu’il n’y ait pas assez de bourses scolaires distribuées dans la circonscription. Vous êtes en première ligne dans ce domaine, quel est votre bilan ?
Le budget global de l’AFE (Association des Français de l’Étranger, ndlr) qui gère les enveloppes est en hausse depuis 2018. L’inflation et les frais de scolarité ont explosé. Cette année, on a 118 millions d’euros de bourses. C’est un record, même si ce n’est pas encore assez. A force d’entendre la LFI dire qu’il n’y a pas de bourse disponible, certaines familles nécessiteuses n’en font pas la demande, alors qu’elles y ont droit. Il faut déposer les dossiers, je peux aider à plaider leur cause en commission des bourses. Les conseillers consulaires le font aussi.
Une affaire de pédophilie a eu lieu l’année dernière au sein du Lycée Français de Barcelone. Un surveillant a agressé sexuellement plusieurs enfants, et cette affaire a traumatisé la communauté des parents d’élèves. La candidate du RN, Johana Maurel, a sous-entendu que par votre silence, le député que vous êtes porte une part de responsabilité dans la gestion interne de ce fait divers. Que cela vous inspire-t-il ?
C’est une accusation très grave et qui démontre une méconnaissance absolue de la manière dont on travaille lorsque l’on est député des Français de l’Étranger. Même si l’on est souvent sur le devant de la scène, dans des affaires comme celle-ci on travaille en coulisses en parlant avec les ministres, en parlant avec le Consul, en parlant avec les équipes éducatives pour s’assurer que les bonnes mesures et décisions sont prises pour protéger nos enfants. Cette dame ferait mieux, plutôt que jouer au Karl Zero de la 5ᵉ circonscription, de se renseigner sur mon action.
En 2017, la majorité présidentielle a unilatéralement supprimé la réserve parlementaire avec l’opposition du reste des groupes politiques. Cette mesure permettait au député de financier des projets pour le bien commun. Le système du STAFE (dispositif de soutien aux associations aux Français de l’étranger) qui remplace la réserve parlementaire ne fonctionne pas. Faut-il revenir en arrière ?
Je suis contre. Je ne veux pas être un député qui dispose d’un chéquier et avec lequel les gens viendraient parler pour uniquement toucher de l’argent. Le STAFE ne fonctionne pas, car l’administration parisienne fait ce qu’elle veut et ne respecte pas les orientations proposées par les consulats. Il faudra avancer là-dessus dans les années qui viennent pour appuyer les dossiers de financement légitime des associations, des médias et des organisations qui viennent en aide aux Français en difficulté.
Photo : Ivan Barrera
Vous vous attendez à une participation record sur la circonscription en raison de l’enjeu national ?
Nous avons eu une belle participation en 2022 grâce au vote électronique et en raison de la présence d’une guest-star (Manuel Valls, ndlr) parachutée qui avait attiré l’attention médiatique. Effectivement, on part sur une forte participation, grâce encore une fois au vote électronique qui est déjà ouvert.
Si vous ne passez pas le premier tour et qu’il y a un duel RN-LFI au second, vous faites quoi ?
Je vous rassure, je serai présent au second tour.
Imaginons tout de même ce scénario catastrophe. Vous faites quoi ?
Face au RN, je soutiens tout le monde. Sauf un candidat LFI. Aucun des deux ne me semble républicain. Si vous me mettez un pistolet sur la tempe pour me faire choisir entre RN et LFI, je préfère que vous appuyiez sur la gâchette.