Les amitiés d’expatriés sont toujours particulières. Très intenses ou au contraire superficielles, les relations nouées lorsqu’on est à l’étranger semblent bien différentes de celles habituelles.
Photo de couverture : Equinox
Les amitiés à l’étranger se construisent sur une incertitude : lorsqu’on est expatriés, on ne peut pas toujours prédire la durée de son séjour. Selon une étude de l’Union des Français de l’Étranger (UFE) publiée en 2023, la majorité des Français de Barcelone y reste entre 1 et 5 ans. Et si cette période donne assez de temps pour bien se connaître, elle n’est en général pas suffisante pour lier une amitié forte, témoigne Sarah, 28 ans, installée à Barcelone depuis 6 mois :
« Beaucoup de personne vont et viennent ici : ce n’est pas facile de se faire des relations durables dans le temps. En France, les relations sont profondes, et ici c’est assez superficiel car les gens savent qu’ils ne vont pas rester vivre à Barcelone pendant longtemps ».
Pas étonnant quand on sait que, selon une étude de l’Association internationale pour la recherche sur les relations, se faire un bon ami lorsqu’on arrive dans un nouveau pays nécessiterait 140 heures passées ensemble (soit environ 5 jours) et 300 heures (environ 12 jours) pour une relation très profonde. Si on estime qu’on accorde une journée par semaine au social, il faudrait donc presque 3 mois pour se faire un véritable ami.
Tout dépend, aussi, de la manière dont on rencontre les gens. Pour Sarah, freelance, ce fut par l’application Bumble, qui possède une fonctionnalité friends et connecte entre eux des gens qui cherchent à se faire des amis. Sur cette application, pas beaucoup de français, et donc les rencontres sont difficiles, continue Sarah, qui ne parle pas espagnol. Peut-être est-ce donc une question de langue ? Lauriane, 23 ans, a elle aussi rencontré des gens via les applications de rencontre. Et en 6 mois de vie à Barcelone, elle dit avoir noué des amitiés très intenses avec des jeunes venus des quatre coins du monde.
« Ce qui donne l’intensité, c’est le fait d’avoir peu d’amis et donc peu d’alternatives »
L’exemple de Lauriane le prouve : l’aspect éphémère de certaines amitiés couplé à la solitude engendrée par l’expatriation catalysent l’intensité des relations. La recherche de lien social, normale lorsqu’on est dans son propre pays, alors soutenu par la famille et les amis d’enfance, devient un besoin quand un individu s’expatrie et perd ses repères émotionnels.
Par conséquent, toute amitié nouvelle venue combler le vide laissé par le départ sera vécue avec davantage de force, nous raconte Glenn, 26 ans, expatrié d’abord à Londres pendant deux ans puis depuis trois à Barcelone :
« Je pense que quand tu n’as pas beaucoup d’amis et que tu arrives dans une nouvelle ville, tu as besoin d’avoir vite des piliers. Donc tu passes beaucoup plus de temps avec les mêmes personnes et ça peut être très intense. En soi, ce qui donne l’intensité c’est le fait d’avoir peu d’amis et donc peu d’alternatives : on se concentre sur une seule personne ».
Des cercles restreints et donc une amitié plus vive… Jusqu’à ce qu’une ou l’autre personne s’en aille, et recommence le processus d’amitié dans un autre pays. Heureusement, les réseaux sociaux existent et garder contact avec les amis de l’autre bout du monde est possible : tout est une question de volonté.