Retour sur un épisode méconnu de l’histoire des Français de Barcelone, par l’historien Guillaume Horn.
Photo : Yad Vashem – Shlomo Ariel
Le 11 novembre 1942, les nazis envahissent la « zone sud » de la France, instaurée à la suite de l’armistice de 1940, en réaction au débarquement américain en Afrique du Nord. De milliers de Juifs français ou apatrides, craignant d’être capturés, choisissent de fuir vers l’Espagne, en bravant l’illégalité. Nombre d’entre eux parviennent à atteindre Barcelone où la communauté française, désignée sous le terme de « colonie » et pourtant largement fidèle au maréchal Pétain, les accueille et les aide sans distinction. Par exemple, l’école Lesseps et le Lycée scolarise gratuitement les enfants, l’Institut leur procure des vêtements et l’association « Bienfaisance » leur fournit des moyens de subsistance et les loge dans des pensions.
Pour sa part, le Consulat, dirigé par René Castéran, leur délivre des documents pour légaliser leur séjour. Une mesure totalement illégale dans la mesure où le régime de Vichy avait déjà interdit aux Juifs français d’avoir un visa de sortie de territoire en août 1942. Au total, près de 250 Juifs, souvent des enfants, bénéficièrent de cette assistance, dissimulée au régime de Vichy.
Un soutien indéfectible
Cependant, en avril 1943, cinq mois plus tard, le gouvernement de Vichy remplace les fonctionnaires français en poste à Barcelone par une nouvelle équipe menée par Pierre Héricourt, un antisémite convaincu. Celui-ci cherche à identifier les 250 Juifs français résidant en ville, les accusant de vouloir discréditer Philippe Pétain, le chef de l’État français. Dans le but de les en empêcher, il veut les déchoir de leur nationalité française, les rendant ainsi apatrides, avec le soutien de Vichy.
Face à cette menace, la communauté française de Barcelone conserve son soutien aux Juifs. Grâce à l’intervention active de la colonie, aucun Juif ne fut livré, et ils purent rester à Barcelone. Barcelone devint l’une des étapes pour de nombreux juifs désirant quitter l’Europe et se rendre en Terre d’Israël. Toutefois, les juifs français de Barcelone ne sont pas oubliés. Beaucoup souhaitent revenir en France. À partir d’avril, le nouveau gouvernement français, sous la direction du général De Gaulle, prit la décision de rapatrier ces Juifs en France, où ils furent pleinement réintégrés à la Nation française.
Rendez-vous avec l’histoire
Guillaume Horn sera à l’Institut français de Barcelone ce jeudi 25 avril 2024 pour une conférence sur Pierre Deffontaines, un géographe de la nature humaine ?
L’entrée est gratuite mais la réservation est obligatoire sur le site de l’Institut.