Longtemps considérée comme un héritage grec, la Sardane, danse traditionnelle catalane, puiserait ses origines dans le Moyen-Âge d’après le chercheur Pompili Massa.
C’est une danse inhérente aux fêtes catalanes. La Sardane se caractérise par une ronde traditionnelle. Elle a été introduite en Vallespir par les orchestres de la Garrotxa voisine, venant animer les fêtes de villages vers 1905. Dans le reste des Pyrénées-Orientales, ce sont les Catalans fuyant la dictature en 1939 qui ont amené cette danse. Concernant les origines de la Sardane, les historiens ont pendant longtemps pensé qu’elles remontaient au 1er siècle de notre ère.
Le géographe grec Strabon décrivait « une danse en rond symbolisant une offrande à la Lune » et pratiquée par les Ibères qui occupaient la partie occidentale du littoral roussillonnais, actuellement le département des Pyrénées-Orientales en France. En 1868, l’écrivain occitan Frédéric Mistral affirmait également que la danse provenait des Grecs. Cependant, le professeur Pompili Massa Pujol, fils de l’un des fondateurs des Amics de la Sardana de Premià de Mar, défend dans un livre que les prémices de cette danse pourraient se trouver dans « les caroles », une danse pratiquée sur des chansons festives et populaires, très en vogue au Moyen-Âge.
Longue enquête
En janvier dernier, l’ouvrage de Pompili Massa Puyol paraîssait. Intitulé Història de la Sardana i la baula perduda. De l’origine désirée à une origine raisonnée (Alpina Llibres, 2024), le livre retrace logiquement l’histoire et l’évolution de cette danse chère aux Catalans. Le spécialiste a enquêté durant huit ans pour comprendre la danse, au-delà de sa dimension musicale. Pour cela, le professeur a suivi son intuition initiale. Selon lui, la Sardane puise ses origines dans les « caroles profanes médiévales » et non pas en Grèce Antique.
Les caroles étaient dansées en cercle, généralement avec les mains tenues, tout en chantant des morceaux populaires. Les participants suivaient des points de danse très simples : deux pas à gauche, deux à droite, qui servaient à raconter des histoires, des croyances et les douanes, rapporte Pömpili Massa Pujol à nos confrères de Cronica Global. En ce sens, les paroles qui accompagnaient ces danses étaient aussi importantes que les pas de danse, qui étaient connus de tous à l’époque.
Les caroles catalanes les plus célèbres
« C’était comme des histoires au coin du feu », détaille le spécialiste. Dans son ouvrage, il liste par ailleurs quelques-unes des caroles catalanes les plus connues : El ball de la civada, La Margarideta, La Masovera ou El desembre gelat. La structure était similaire aux représentations théâtrales grecques : il y avait un coryphée, un soliste, qui chantait le corps de la chanson, et un chœur qui y répondait, répétant un refrain, tout en dansant. Une structure qui aurait pu expliquer cette origine grecque que l’on accorde à la sardane.
Cependant, cette danse chantée a par la suite été décriée. « Les caroles ont fait l’objet de critiques répétées et ont été conduites, du moins dans les milieux ecclésiastiques, à une interdiction progressive au cours des XVe et XVIe siècles », observe Massa. Même si les critiques et les interdictions de l’Église n’ont pas réussi à éliminer la danse, elles l’ont faite entrer dans une période de discrédit social et, au XVIe siècle, elle a été bannie du milieu aristocratique européen puis dans le reste de la société.
Naissance de la sardane
Les spectacles musicaux plus aboutis ont supplanté les caroles. « Les nouvelles classes supérieures recherchent un autre type de divertissement, plus spectaculaire, pour se différencier de la plèbe », explique l’auteur de l’ouvrage. Ces classes de l’aristocratie ont ainsi opté pour les magnifiques ballets, pour les spectacles de musique, de théâtre et de danse introduits à la cour par Catherine de Médicis. En 1560, la carole représentait une étape très primitive de la représentation artistique, tandis que le ballet de cour incarnait le « raffinement absolu ».
Dans ce contexte, « les caroles sont donc devenues un divertissement du passé, obsolète, qui n’intéressait plus les classes aisées européennes », ajoute le professeur de l’université autonome de Barcelone. Au cours des décennies suivantes, marquées entre autres par une censure politique croissante sous le règne de Philippe IV, la majorité des caroles a vu disparaître ses chœurs qui interprétaient les paroles des chansons. Cela signifiait, d’une part, la perte d’un genre très populaire, mais, d’autre part, « cela offrait la possibilité de pouvoir danser sans avoir besoin de connaître les paroles ni d’avoir besoin de quelqu’un pour diriger la danse »… à l’instar de la sardane actuelle qui rythme les festivités catalanes.
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