Alors que l’Assemblée nationale française a voté cette semaine un texte pionnier pour freiner la fast fashion, la patrie de Zara semble traîner des pieds.
Photo : Clémentine Laurent
L’inventeur de la fast fashion est espagnol. Amancio Ortega est aussi la plus grande fortune du pays. Il fut aussi longtemps l’une de ses plus grandes fiertés. Une success story comme on en voit peu dans la péninsule, celle d’un fils de cheminot autodidacte et terriblement ambitieux. Avec une fortune actuellement estimée à un peu plus de 100 milliards d’euros, le discret Galicien de 87 ans est à la tête d’un empire nommé Inditex qui emploie 160.000 personnes.
Avec un tel héritage, on comprend la timidité de Madrid à s’engager dans une guerre contre la fast fashion. « Si seulement la loi française pouvait servir d’exemple à l’Espagne », écrit sur Linkedin Gema Gomez, créatrice de la plateforme Slow Fashion. Le texte, qui doit encore être validé au Sénat, prévoit l’interdiction de la publicité pour la vente de vêtements à prix cassés et un système d’éco-score pour les entreprises textiles (un malus pour les vêtements qui polluent beaucoup, un bonus quand ils polluent peu). Unique au monde, la loi fait figure de pionnière de l’autre côté des Pyrénées.
Un changement de vision
Mais la fast fashion n’a déjà plus aussi bonne presse auprès des Ibériques. En 2013, l’effondrement d’une usine au Bangladesh a révélé au grand jour les piteuses conditions de travail des petites mains du textile jetable. L’accident a fait 1135 morts, causant un premier électrochoc auprès de la population espagnole. La pandémie, sa quête de sens et d’éthique ont un peu plus enfoncé le clou.
En 2022, Madrid votait un texte interdisant la destruction des excédents de pièces textiles. Les invendus doivent désormais être écoulés via d’autres canaux, ventes ou dons. Les circuits de seconde main n’ont, depuis, jamais vu passer autant de tonnes de vêtements. Mais pour la planète, recycler, c’est bien, produire moins, c’est mieux.
Freiner la surconsommation est ainsi le premier objectif du législateur français.Le constat est le même en Espagne. La gauche radicale de Sumar, le parti de la vice-présidente du gouvernement espagnol Yolanda Diaz, a ainsi indiqué en janvier : « on produit trop de vêtements ». La formation réclamait alors une réunion entre l’exécutif et les principaux acteurs du secteur pour trouver des solutions « qui ne mettraient pas en danger les bénéfices de ces entreprises ». Un objectif ambitieux diront certains, timide diront d’autres, tant les intérêts de ces industriels et ceux de la planète semblent être opposés. La proposition n’a pour l’instant été suivie d’aucun effet.