Dans un monde où l’industrie cosmétique est florissante et où les tutoriels de maquillage pullulent toujours plus sur les réseaux sociaux, en Catalogne, on peut observer que de nombreuses femmes optent pour un look naturel. Plus qu’ailleurs ?
Selon une étude de la EAE Business School qui remonte à 2012, les Espagnoles, en général, sont parmi les femmes en Europe qui se maquillent le moins, avec une dépense moyenne de 25,86 euros par an en maquillage.
Cette année-là, 601 millions d’euros de maquillage ont été vendus, ce qui représente 2,3% des dépenses mondiales en la matière. Un nombre 1,68 fois inférieur aux pays voisins tels que la France et l’Allemagne. En Europe, seuls le Portugal et l’Irlande dépensent moins que l’Espagne.
Si on regarde à l’intérieur du pays, les Catalanes dépensent en moyenne un budget annuel en maquillage légèrement supérieur à la moyenne nationale, à 26,09 euros. Mais la Catalogne n’arrivait en 2012 qu’en onzième position des communautés espagnoles en termes de dépenses en la matière, alors qu’il s’agit de l’une des régions avec le plus fort pouvoir d’achat. On peut donc affirmer sans trop se mouiller que les Catalanes sont dans la moyenne basse en la matière. Elles sont en tout cas moins portées sur la chose que les Françaises. Une étude de 2015 montre ainsi que ces dernières sont quatrièmes dans le classement des femmes les plus dépensières en maquillage, derrière l’Australie, le Royaume-Uni et le Japon.
Peut-on dès lors parler d’un désintérêt pour le maquillage chez les Catalanes, ou ne s’agirait-il qu’une question de perspective française ? C’est un sujet complexe, reconnaissent les experts en sociologie que nous avons contactés. Tous bottent en touche au moment d’expliquer cet intérêt – s’il existe – pour le « no makeup ». Même son de cloche chez les femmes catalanes.
« Je ne sais pas vraiment, car finalement, tout le monde utilise le maquillage pour la raison qui lui convient », témoigne Cristina, Catalane vivant à Barcelone. « Je pense que c’est quelque chose de très personnel qui ne dépend ni de la nationalité ni de rien d’autre. J’ai des amies qui se maquillent beaucoup, d’autres qui passent toute la journée sans maquillage et d’autres qui, comme moi, se maquillent certains jours et d’autres non. Peut-être que c’est culturel », poursuit-elle.
Ne pas mettre de maquillage, un acte féministe ?
Si on va chercher du côté culturel, justement, la Catalogne est une région connue pour son engagement féministe, à l’avant-garde, avec Madrid, du mouvement de grève du 8 mars. Or pour certains, renoncer au maquillage peut être perçu comme un acte de résistance contre les normes de beauté imposées par la société. Oui, mais cela ne peut en aucun cas être défini comme du féminisme, prévient Adriana Aubert, sociologue à l’Université de Barcelone.
« La base du féminisme est que chaque femme a la liberté de s’habiller comme elle le souhaite, d’avoir la sexualité qu’elle souhaite, de se maquiller si elle le souhaite ou de ne pas se maquiller, autant l’un que l’autre », explique-t-elle à Equinox. « Il y a peut-être eu des courants, auto-proclamés féministes, qui ont suggéré que le maquillage est une soumission au patriarcat. Mais ce qu’ils font, c’est imposer une façon de comprendre le féminisme. Et comme c’est une imposition, c’est tout le contraire du féminisme et de la liberté. »
Il se pourrait donc qu’un tel courant de pensée ait gagné plus de terrain en Catalogne qu’ailleurs, ou qu’en France, par exemple. Mais les études manquent à ce sujet. Et si on laissait pour une fois aux femmes leur liberté, sans les juger ?